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CHAPITRE 4 Les résultats

2. Question 1: Apprentissages et expressions du plus-être

2.3 Apprentissages des parents

Comme mentionné antérieurement, plusieurs parents ont eu tendance à limiter le mot « apprentissage » aux acquisitions purement cognitives. Les impacts du PRIFAM étant souvent ressentis sur d’autres plans, ce terme est peu (cas 1 et 2) ou pas (cas 3) utilisé dans les résumés des propos des parents. Malgré tout, les principaux

apprentissages rapportés par les parents se situent surtout au niveau du sous-système parental, bien que des apports du PRIFAM ont été mentionnés sur tous les sous-systèmes de la famille. Nous rapportons les apprentissages et les expressions de plus-être qu'ils ont suscitées, à partir de l'importance que les parents leur ont accordée. Au tableau XII, les apprentissages et les expressions de plus-être seront classés selon la classification des objectifs, soit du sous-système individuel, conjugal et parental, système extrafamilial.

Perceptions des parents. Les parents ont d'abord formulé des apprentissages entourant le sous-système parental. Ils reconnaissent avoir fait des acquis concernant la déficience ainsi que les forces, les besoins et les soins à l’enfant. Ils ont réussi à passer outre la déficience et ils ont appris ce que leur enfant avait de particulier et de « normal ». Ils ont aussi appris qu'ils n'étaient pas seuls à vivre l'expérience de soins à un enfant avec une déficience puisqu'ils ont pris connaissance de l'existence de ressources dans la

communauté pour partager leur expérience de parents et de ressources dans le réseau de la santé pour l'obtention de soins spécialisés reliés à la déficience de leur enfant. Un père, exceptionnellement lié à son travail, a aussi été encouragé à s’engager dans les activités de stimulation de son enfant, activités qu’ils ne connaissaient pas avant et que l'infirmière commentait, appréciait et valorisait. L’attente pour l’admission au programme de stimulation étant longue, le PRIFAM était sa source de conseils.

Concernant le sous-système conjugal, plusieurs parents mentionnent, en outre, avoir appris à mieux communiquer entre eux comme conjoints. Ils ont acquis des

habilités pour mieux observer et écouter l'autre, pour mieux s’exprimer et pour apprendre l’un de l’autre. Ils ont ainsi pu apprendre sur l'autre. Cette amélioration de la

communication a aussi été orientée vers le système extrafamilial parce que les parents ont aussi utilisé leurs nouvelles connaissances et habiletés auprès des membres de leur famille élargie. De plus, dans le système extrafamilial, les parents que l'infirmière Marie a suivis ont appris le fonctionnement du réseau de la réadaptation et ils ont pu apprécier, par leur expérience, que ce réseau pouvait avoir des ratés (Cas 3). Aussi, des parents qui occupent des professions d'aide ou de soins, ont revu leur conception d’une intervention infirmière ainsi que de l’empathie et ont été sensibilisés à la recherche infirmière (Cas 2).

Finalement, les parents ont appris, au niveau du sous-système individuel, à mieux se connaître, à exprimer leurs émotions et à prendre leur place comme individu, conjoint, parent et membre d'une famille élargie.

Ils ont appris sur la déficience, sur les soins spécifiques à la déficience, mais surtout, à être des parents d’un enfant qui a des besoins différents. Ils ont aussi appris à mieux communiquer entre eux, à s'échanger de l'information et à

s'exprimer sur le plan émotif. … Dans les deux familles, des parents notent avoir

appris des habiletés qui leur serviront dans leur vie conjugale ou dans leur relation avec leur famille élargie : l'écoute pour un, l'expression des émotions pour l'autre. Cas 1

Sur le plan professionnel, l'infirmière leur a permis de prendre conscience des différents types de recherche et, plus particulièrement, des possibilités d'une intervention infirmière. (…) De plus, un des parents remet en question le concept professionnel d'empathie: l'infirmière lui a démontré les avantages thérapeutiques évidents de « l'empathie avancée ». Cas 2

Le père, pourtant un bourreau du travail, a choisi de prendre une année «presque » sabbatique pour se consacrer à la stimulation de son enfant et ceci, avec les encouragements de l’infirmière qui constatait les progrès…Elle leur a donc expliqué le fonctionnement du réseau de la santé, elle a procédé aux démarches pour la réadaptation et elle leur a remis un document écrit sur la stimulation. Cas 3

Perceptions des infirmières. Les infirmières reconnaissent aussi, chez les parents, des apprentissages dans tout le système familial. Au niveau du sous-système parental, ces apprentissages portent sur les soins, la déficience, les ressources ou sur leurs forces et habiletés. Au niveau du sous-système individuel, les parents apprendraient à prendre soin d’eux et à donner un sens à leur expérience. Ils apprendraient aussi à apprendre de cette expérience. Ils réviseraient leurs valeurs ainsi que leur conception de la vie et ils

développeraient une sagesse. Au niveau du sous-système conjugal, les parents auraient appris à mieux se connaître et à "se serrer les coudes".

Elle (l’infirmière) croit que certains parents ont pu apprendre sur les soins, plutôt

que des soins particuliers. Cette réflexion sur les soins peut toucher les soins à leur enfant, mais aussi des soins pour eux-mêmes ou pour leur couple. Cas 1 (Selon l’infirmière) Ils apprennent sur l'alimentation et les soins des enfants et sur

les états d'âme de leur conjoint. Ils apprennent aussi à donner un sens à leur expérience. En général, ils font des acquis sur les plans qu'ils cherchent à travailler: «ils donnent des mandats» Cas 2

L’infirmière a constaté des apprentissages à trois niveaux : sur les parents eux- mêmes, sur leurs valeurs et sur leur conception de la vie. Ils ont appris à mieux se connaître dans le couple, à se « serrer les coudes ». Elle a aussi noté la sagesse des parents qui ont appris à profiter de la vie, au jour le jour, avec moins de planification. (Cas 3)

Les parents et les infirmières ont la même perception concernant les apprentissages parentaux et conjugaux. Il est à noter que, dans les résumés, la locution «apprendre sur» est surtout utilisée pour rapporter les perceptions des infirmières, alors que les perceptions de parents sont aussi rapportées avec la locution «apprendre des…» ou «apprendre à…» . Les infirmières perçoivent davantage des méta-apprentissages, soit des apprentissages qui serviront à apprendre autre chose. Elles notent également plus d'apprentissages

individuels et n'indiquent pas, de façon explicite, d'apprentissages dans le système extrafamilial.

Expressions du plus-être. Les participants notent des répercussions du PRIFAM qui vont au-delà des apprentissages et qui expriment un plus-être véritable. Au niveau du sous-système parental, les parents disent avoir développé une façon plus globale de voir leur enfant, s’être appropriés leur rôle de parent et avoir pu établir un lien avec le réseau de la santé. L’intervention a aussi soutenu le processus d'attachement et permis d’éviter des problèmes qui n’auraient pas manqué de survenir, n’eut - été l’information reçue ou les démarches faites par l’infirmière. Par exemple, l’enfant aurait moins bien bu et se serait affaibli, les parents auraient paniqué, ils auraient perdu confiance en leurs capacités (Cas 2). Aussi, ils auraient eu à affronter le réseau de la santé dans toute sa complexité et son manque de souplesse (Cas 3).

Au niveau du sous-système individuel, l’intervention leur a permis de placer les choses en perspective, « d’apprendre à vivre avec » l’expérience d’avoir un enfant avec une déficience considérée grave (Cas 1). Les parents ont réussi à donner un sens à cette expérience. L’intervention est toujours un « plus », un moyen d’accélérer un

cheminement qui aurait été plus pénible et plus solitaire (Cas 3), ou d’accélérer un

processus dans lequel ils étaient bien engagés (Cas 2). Ils peuvent maintenant profiter de la vie au jour le jour en s’appuyant sur des valeurs révisées et une sagesse en constante évolution. Ils se sentent moins coupables et ils ont acquis une plus grande confiance en eux-mêmes.

Dans une situation grave, l'intervention permet de «refaire surface,... de sortir de la brume, puis... d'être capable de vivre avec », comme un phare pour un bateau pris dans le brouillard. Dans une situation de problème mineur, l'intervention est un «plus » qui a permis d'éclairer les parents grâce au temps pris pour la discussion.

Cas 1

Elle leur a tout de même fourni de l'information qui a permis que l'enfant ne développe pas un véritable problème. Cas 2

Pour les parents interviewés, cette information (sur les forces et les besoins de leur enfant) a été le point de départ d’une façon plus globale de voir leur enfant, de la

percevoir comme leur enfant. Ceci a contribué à un meilleur attachement, à la déculpabilisation et à une plus grande ouverture aux autres. Ils ont pu se

réapproprier leur rôle de parents : ils avaient mis un enfant au monde et non pas un problème ! (…). Elle a aussi noté la sagesse des parents qui ont appris à profiter de la vie, au jour le jour, avec moins de planification. (…) L’infirmière a aussi aidé les parents à naviguer dans le réseau de la santé, réseau souvent complexe et rigide. Elle a cherché à leur éviter le fardeau d’avoir à négocier des services de réadaptation. Elle leur a donc expliqué le fonctionnement du réseau de la santé, elle a procédé aux démarches pour la réadaptation et elle leur a remis un document écrit sur la stimulation. Cette information ainsi que les démarches qu’elle a effectuées sont jugées très utiles par les deux familles. Cas 3

Au niveau du système conjugal, ils ont amélioré leur communication dans leur couple, pris conscience de leurs forces et ressentent une plus grande solidarité. Tous les couples ont le même statut matrimonial et ils se disent plus forts qu’avant la naissance de leurs enfants. Au niveau du système extrafamilial, plusieurs parents ont dit avoir utilisé l’information fournie par l’infirmière pour éduquer et soutenir leur entourage, dévasté par l’annonce et souvent envahi par des préjugés. Aussi, des pères ont revu leur engagement professionnel.

Des parents notent avoir appris des habiletés qui leur serviront dans leur vie conjugale ou dans leur relation avec leur famille élargie : l'écoute pour un, l'expression des émotions pour l'autre. En effet, un parent dit avoir appris

davantage sur l'autre au cours de l'intervention, que pendant les années qu'ils ont vécues ensemble. Dans l'autre, un des parents rapporte certains succès dans l'expression de ses émotions, mais il préfère toujours ne pas avoir à les vivre. (…)

Ils ont aussi appris à mieux communiquer entre eux, à s'échanger de l'information et à s'exprimer sur le plan émotif. Cas 1

Ils ont appris à mieux se connaître dans le couple, à se "serrer les coudes". Les deux familles et l’infirmière notent l’importance du bien-être du couple,

particulièrement à des moments critiques, mais tous ont vécu cette période dans une relative harmonie conjugale. (…) Mieux équipés, ils ont pu, en plus, soutenir les gens de leur entourage au moment de l’annonce et multiplier les connaissances sur la trisomie qui est souvent l’objet de préjugés tenaces. Cas 3

En résumé (voir le tableau XII), les parents ont fait des apprentissages dans tous les sous-systèmes et ces apprentissages ont suscité des expressions de plus-être qui sont aussi classées par sous-systèmes. Il est à noter que les apprentissages dans le sous-

système parental expriment un plus-être qui touche les autres systèmes. Ces

apprentissages sont très reliés au PRIFAM en ce sens qu'ils portent sur les besoins et les soins de l'enfant, ses forces et ses particularités ainsi que sur le rôle de parents et les ressources qui leur sont disponibles. De même, l'intervention a permis d'apprendre à être le parent de cet enfant et à utiliser les ressources disponibles à l'extérieur de la famille. Sur le plan individuel, les parents ont exprimé des apprentissages qui dépassent les objectifs du PRIFAM: ils ont appris à donner un sens à leur expérience, mais ils ont

également appris sur eux-mêmes, sur leurs valeurs et sur la place qu'ils pouvaient prendre. Ces apprentissages ont suscité un plus-être s'exprimant par une diminution de leur

sentiment de culpabilité, par une plus grande confiance en eux-mêmes ainsi qu'une plus grande capacité d'apprendre à vivre avec la situation et de profiter de la vie. Finalement, à leur avis, ils ont pu mieux utiliser le réseau parce qu'ils en connaissaient les ressources. Ils ont, cependant, moins eu recours aux ressources communautaires et aux ressources de leur entourage que le PRIFAM permettait de l'espérer. Au contraire, ils sont devenus des ressources pour expliquer la déficience à leur entourage et pour les soutenir dans cette expérience. Dans les apprentissages dans le système extrafamilial, non prévus par le PRIFAM, on retrouve aussi l'apprentissage sur la recherche et l'intervention infirmière, notamment l'empathie.

Cette partie des résultats met en évidence des apprentissages chez les participants, à la fois différents, à la fois semblables, lors de l'application du PRIFAM. Les

apprentissages des parents ont été classés dans les systèmes familial et extrafamilial. Les apprentissages des infirmières ont été situés sous les plans professionnel ou personnel. Ces apprentissages étaient différents selon la position occupée par les participants, soit parent, soit infirmière. Par ailleurs, des apprentissages semblables ont été exprimés. Les

participants, qu'ils soient parents ou infirmières, ont mentionné avoir développé une certaine sagesse. Les parents et les infirmières ont aussi partagé des apprentissages sur les soins de l'enfant avec une déficience et sur les forces des membres de la famille. Ils ont également appris sur les difficultés du réseau de la santé à fournir les services qui étaient nécessaires aux familles. Ces apprentissages ont mené à une expression similaire de leur plus-être: un sentiment accru de compétence dans leur rôle respectif, celui de parent et celui d'infirmière. Ces points communs sont illustrés plus loin (page 144) à la figure 5.

Apprentissages réalisés par les parents et expressions de leur plus-être selon les divisions du système familial Systèmes Apprentissages réalisés Expressions de leur plus-être Familial

. Sous système individuel

Exprimer leurs émotions

Se connaître eux-mêmes: forces et habiletés Prendre leur place

Prendre soin d’eux-mêmes Donner sens à leur expérience

Apprendre à apprendre de cette expérience Revoir leurs valeurs

Développer une sagesse

Placer les choses - Création d’un sens « Apprendre à vivre avec »

Un « plus » pour accélérer un cheminement Profiter de la vie au jour le jour

Déculpabilisation

Plus grande confiance en eux-mêmes . Sous-système

conjugal

Communiquer dans le couple: écouter, observer, se parler, …

Connaître l'autre « Se serrer les coudes »

Amélioration de leur communication Prendre conscience de leurs forces Plus grande solidarité : couple plus fort . Sous-système

parental

Apprendre:

Sur la déficience et les problèmes qui en découlent – Démystification

Sur les besoins et les soins de l’enfant, dont la stimulation La « normalité », les forces et particularités de leur enfant Sur leur rôle de père / de parent, sur les forces parentales Sur les ressources du système de santé et du réseau communautaire

Façon plus globale de voir leur enfant Appropriation de leur rôle de parent Meilleur attachement

Prévention de problèmes qui leur auraient fait perdre confiance en eux comme parent Prévention des difficultés du réseau de la santé. Choix des ressources.

Système extrafamilial

Communiquer avec la famille élargie Modifier son engagement au travail Apprendre:

Sur le fonctionnement du réseau – ressources et limites Sur le concept d’empathie

Sur la recherche et l'intervention infirmière

Ouverture aux autres

Éducation et soutien de l’entourage Révision de leur engagement au travail