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CHAPITRE 4 Les résultats

3. Question 2: Interventions éducatives et leurs manifestations

3.1 Manifestations des interventions éducatives qui ont suscité les

Les interventions (voir tableau XIII) qui ont permis les apprentissages des infirmières se classent principalement dans le partage des expériences et le partage de leur être. À moindre titre, le partage des connaissances est aussi mentionné. Des extraits choisis dans les résumés de cas serviront à illustrer ces interventions. Comme une intervention ne peut être totalement isolée des autres, les extraits peuvent inclure, mais de façon moins

significative, des manifestations qui pourraient être classées dans une autre intervention. Partage des connaissances. Les infirmières ont appris, en partageant des

connaissances, lorsqu'elles échangeaient des renseignements avec les parents, lorsqu'elles leur enseignaient et discutaient avec eux. Pour Sandrine (Cas 2), l'infirmière doit discuter

en égale, en partenaire, avec ouverture, souplesse et humilité. L'infirmière doit inviter au partage.

Ces apprentissages ont été rendus possibles par son attitude ouverte, souple et humble vis-à-vis les résultats de l'intervention. Il ne faut pas juger, s'enfermer dans un carcan ou jouer le rôle d'un expert (ne pas donner une formation) qui sous-entend: « Moi, je sais tout, je connais tout. Toi tu n'as rien à m'apprendre ». Il faut plutôt développer une relation de partenaires sur le mode de: « Moi, j'ai des connaissances, mais toi aussi, tu as des choses à m'apprendre. Puis on va

partager.» (…) Certains [parents] pensent qu'elle a effectivement appris d'eux

dans leur discussion. Cas 2

Partage des expériences. Toutes les infirmières ont appris par le partage des expériences, surtout grâce à leur écoute, souvent, des réponses à des questions qu'elles avaient posées. Cécile et Marie (Cas 1 et 3) ont appris par le feed-back des familles qui leur revenait parfois longtemps après l'expérience. Cécile a appris en partageant ses réflexions sur les différentes croyances et en les remettant en question. Ses réflexions étaient soutenues par la rédaction dans le cahier de suivi et la validation des expériences avec les parents et les collègues infirmières. Elle apprenait aussi en observant les parents. Marie, plus expérimentée, apprendrait par le cumul des expériences, ses essais et des erreurs, par la recherche de ce qui est unique dans chaque famille. Les attitudes sont déterminantes selon les participants du Cas 2 : les infirmières doivent être souples et ne pas juger.

Ces apprentissages ont été possibles parce qu'elle était à l'écoute de leurs questions et qu'elle était prête à réfléchir avec eux sur les différentes croyances scientifiques, traditionnelles ou personnelles, les leurs comme les siennes. (…) Elle se revoit enseigner certaines techniques, observer les parents devenir plus compétents qu'elle et, ensuite, devenir l'apprenante. Et elle se revoit rédiger ses notes dans le cahier de suivi, réfléchir sur l'entrevue passée, en discuter avec ses collègues, clarifier sa conception de l'intervention, puis revenir aux parents et partager/valider ses apprentissages. Cas 1

(…S)a présence lui permet d'écouter les familles, d'apprendre de leurs histoires, de leurs recherches et de leurs feed-backs qui lui reviennent, la plupart du temps, plusieurs années après le début de l'intervention. (…) Elle apprendrait donc de la

répétition des expériences ainsi que des essais et des erreurs puisque chaque situation peut être à la fois semblable à d’autres, à la fois unique. Cas 3

Partage de leur être. Sandrine et Marie (Cas 2 et 3) soutiennent que la présence est la manifestation la plus importante du partage de leur être. Pour Marie, cette présence doit être non seulement intense, mais aussi elle doit s'étendre sur une période assez longue, parfois sur plusieurs années. Pour Sandrine, elle doit s'accompagner d'empathie avancée qui est une forme d'amour. Marie ajoute qu'elle apprend surtout grâce à l'histoire des familles révélée à l'aide du génogramme. Cécile partage son être en partageant et validant ses apprentissages avec les parents après avoir complété le cahier de suivi. Les parents du Cas 2 soutiennent que l'attitude des parents est importante: ils doivent agir avec simplicité, accepter l'aide de l'infirmière, être ouverts et transparents.

Ses principaux atouts sont sa présence et son empathie, son amour des parents qu'elle nomme empathie avancée. (…) Certains [parents] pensent qu'elle a

effectivement appris d'eux (…), grâce à leur ouverture à elle, à leur acceptation de son aide, à leur simplicité et à leur transparence. Cas 2

L’infirmière considère extrêmement important ce contact prolongé et

personnalisé. Il lui permet d’apprendre des expériences des familles et de rester en lien affectif avec elles. Sur le plan des outils d’intervention, (… le)

génogramme (…) a été un des éléments les plus importants, selon l’infirmière pour apprendre d’eux, leurs ressources et leur histoire. (Cas 3)

Le partage de leur être est cependant l'intervention la plus difficile. Selon un parent, Cécile (Cas 1) aurait appris davantage si elle avait exprimé ses sentiments et ses perceptions, si elle avait puisé dans ses propres sentiments pour poser des questions. Les révélations que les parents auraient pu faire auraient aussi été empreintes d'émotions et elles auraient été riches de matières à réflexion.

Elle conseille à l’infirmière d'exprimer ses sentiments (son inquiétude pour eux), d'interroger les parents sur les raisons pour lesquelles ils cherchent à la protéger (« c'est quoi tu ressens vraiment? »). Elle prévient qu'il faut que l’infirmière s’attende à ce qu'ils pleurent, mais qu'il lui faut expérimenter pour, ensuite, tirer ses conclusions. Cas 1

Sandrine (Cas 2) a constaté que certaines collègues infirmières ont appris sur le plan conjugal et reconnaît qu'elle-même aurait pu apprendre davantage sur ce plan. Elle explique que de tels apprentissages n’ont pas été possibles puisque les conditions n'étaient pas propices : elle manquait de distance pour écouter les parents sur ce sujet, d'à propos (le timing: être prête à apprendre) et d'un certain état de bien-être. Il est à noter que des parents qui ont bénéficié des interventions de Sandrine cherchent à la protéger: à leur avis, son engagement pourrait l'amener au burn-out.

Sur le plan conjugal, cependant, Sandrine n'a pas l'impression d'avoir appris pour elle-même, même si elle a pu être témoin d'apprentissages réalisés par ses

collègues avec leurs familles. Elle ne s'est pas servie de l'expérience des parents à ce niveau, parce qu'elle n'était pas rendue à la considérer et, aussi, parce qu'elle avait besoin de cette frontière pour mieux écouter… Dans les deux familles, les parents considèrent que l'infirmière pourrait se brûler en étant aussi engagée avec les familles. Cas 2

Les apprentissages semblent être plus difficiles à réaliser lorsque des participants, infirmières ou parents n'expriment pas leurs émotions ou lorsqu'ils cherchent à protéger l'autre. De plus, les infirmières ne réalisent pas les apprentissages possibles lorsqu'elles ne sont pas en rythme avec les parents.

Les infirmières apprennent en partageant des connaissances avec les parents, mais c'est davantage en partageant des expériences et en partageant leur être qu'elles font des acquis. Les manifestations les plus enrichissantes semblent celles qui placent l'infirmière dans une grande vulnérabilité puisqu'elles exigent le dévoilement de soi et la remise en question des connaissances. L'infirmière doit exprimer ses émotions et encourager l'expression des émotions des parents. Elle doit être présente et écouter l'histoire des familles: la durée et l'intensité de la présence sont importantes. Les manifestations du partage de leur être sont toutefois les plus difficiles. Pour apprendre, elle doit aussi s'ouvrir à leurs expériences, les observer et les accumuler. Elle doit réfléchir et partager

sa réflexion, valider ses apprentissages L'enseignement, l'échange et la discussion sont aussi des manifestations importantes. L'infirmière doit alors agir en partenaire.

Tableau XIII

Interventions et leurs manifestations qui ont suscité les apprentissages des infirmières Interventions Manifestations exprimées par les infirmières

Partage des connaissances

Échange et discussion avec les parents Enseignement

Échange de renseignements et validation des renseignements donnés Ouverture, souplesse et humilité de l'infirmière

Partenariat: inviter à l'échange Partage des

expériences

Feed-backs des parents

Réflexion sur les différentes croyances scientifiques, traditionnelles ou personnelles

Remise en question des croyances

Réflexion sur l’action avec la rédaction de notes ou la discussion avec les collègues Observation des parents avec leur enfant

Cumul des expériences - Essai et erreurs

Reconnaissance du caractère unique et partagé de chaque expérience Attitude de l'infirmière: ne pas juger, être souple

Partage de leur être

Présence et écoute, en intensité et en durée Amour / Empathie avancée

Histoires des parents, parfois grâce au génogramme Validation de ses apprentissages

Générosité, simplicité, transparence: authenticité des parents Difficultés

reliées au partage de leur être

Expression des sentiments ressentis - Être vraie Approfondissement des émotions de l’autre Attitude de vulnérabilité (sans frontière) À propos (timing)

Sentiment de bien-être

3.2 Manifestations des interventions éducatives qui ont suscité des apprentissages chez