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B-   Le rôle du NAD(P)/H dans les grandes voies métaboliques

1-   Le NAD(P)H dans le métabolisme carboné

Les composés carbonés jouent un rôle essentiel dans les processus métaboliques de tous les organismes vivants. Ils servent comme source d’énergie et comme éléments structuraux des cellules vivantes. Le carbone inorganique est assimilé par les plantes en utilisant le pouvoir réducteur du NADPH et l’énergie sous forme d’ATP produits lors de la photolyse de l’eau. La matière organique formée sert de matériel de construction aux glucides, lipides et composés protéiques et les processus respiratoires permettent de générer du NADH et de l’ATP et de recycler les composés carbonés et azotés.

a- Le NADPH et la fixation du carbone après réactions de photolyse

La voie anabolique par laquelle tous les organismes photosynthétiques incorporent le CO2 est connue sous le nom de cycle de Calvin ou de réduction photosynthétique du carbone (PCR) (Calvin & Benson, 1949). Ce cycle se subdivise en trois parties, (i) une carboxylation qui fixe le CO2 en présence d’un sucre accepteur qu’est le ribulose-1,5-bisphosphate (RuBP) qui est alors converti en acides à trois carbones et qui est catalysée par la Rubisco, (ii) une réduction qui consomme le NADPH et l’ATP produits à la lumière par la chaîne de transfert d’électrons photosynthétique et qui convertie les acides à trois carbones en trioses phosphates, (iii) et enfin une étape de régénération des trioses phosphates en RuBP qui consomme de l’ATP. L’excès de trioses phosphates ainsi formé sert de maillon de base à la biosynthèse de l’ensemble des molécules organiques de la plante et peut être exporté vers les autres compartiments subcellulaires. Au sein du chloroplaste, le NADPH est formé à la lumière par la chaîne de transferts d’électrons photosynthétique via la ferrédoxine NADP-réductase (Talts et al., 2007). Il peut être échangé avec le compartiment cytosolique par la valve malate (Scheibe & Jacquot,

75 1983) qui comprend un système de biosynthèse de malate par la MDH et un système de navette (Figure 19) et provenir à l’obscurité ou dans les tissus non chlorophylliens des voies des pentoses phosphates plastidiales et/ou cytosoliques (Spielbauer et al., 2013) . Au sein du chloroplaste, le NADPH ainsi produit régule une Thiorédoxine réductase de type C dépendante du NADPH (NTRC, EC 1.8.1.9) qui, en réduisant l’ADP-glucose pyrophosphorylase (AGPase, EC 2.7.7.27) permet d’activer la synthèse où la dégradation de l’amidon (Ekkehard & Stitt, 1989; Sparla et al., 2006; Michalska et al., 2009; Valerio et al., 2011; Bernal-Bayard et al., 2012). Outre son rôle dans la régénération du pool d’antioxydants plastidiaux (König et al., 2002; Pérez-Ruiz et al., 2006), le système NADPH-NTRC jouerait un rôle important dans la régulation de la synthèse des chlorophylles (Richter et al., 2013). Ces régulations métaboliques de la fixation du carbone, dépendant du système NADPH-NTRC, s’exercent de concert avec l’action des thiorédoxines dans le compartiment plastidial (Geigenberger & Fernie, 2014).

b- La production de NADP

Outre la synthèse et/ou la dégradation de l’amidon et de la chlorophylle qui sont régulées par le NADPH, la biosynthèse des lipides et plus particulièrement celle des acides gras, est une forte consommatrice de NADPH, d’ATP et de squelettes carbonés produits par la photosynthèse. En effet c’est exclusivement dans le plaste que se produit la synthèse dite de novo des acides gras (Ohlrogge & Browse, 1995). L’acide gras synthase (ou FAS pour « fatty acid synthase » ou « fatty-acyl-CoA synthase, EC 2.3.1.86) qui intervient dans la biosynthèse de novo des acides gras, est un complexe multienzymatique qui consomme du NADPH pour réaliser des condensations successives d'unités malonyl-CoA sur de l'acétyl-CoA jusqu'à obtention de l'acide palmitique. Ainsi la synthèse d’une molécule d’acide palmitique se fait à partir de 8 molécules d’acétyl-CoA et consomme à elle seule 14 molécules de NADPH et sept d’ATP. C’est ce qui explique pourquoi la synthèse des acides gras est étroitement coordonnée avec les réactions claires de la photosynthèse (Geigenberger & Fernie, 2014). A l’inverse, le catabolisme des lipides qui conduit à la formation de saccharose pendant la germination des graines à réserves lipidiques produit du NADH dans les glyoxysomes par -oxydation des acyl-CoA sous l’action de la MDH du cycle du glyoxylate, alors qu’une isoforme cytosolique de la MDH

76 produit aussi du NADH. Par ce processus, les graines oléagineuses en germination convertissent très efficacement les lipides en sucres tout en fournissant du pouvoir réducteur en abondance sous forme de NADH (Graham, 2008).

c- Impact de l’importance du NADP(H) dans le métabolisme primaire de la plante

Dans la respiration réalisée par les plantes, les composés carbonés sont décomposés pour assurer la synthèse d’ATP qui fournit l’énergie requise aux processus cellulaires. D’une manière globale, on peut dire que les glucides et les lipides sont transformés en acides organiques que la mitochondrie utilise pour réduire le NAD+ en NADH. Le NADH est alors oxydé et les électrons sont transférés à l’oxygène moléculaire par la chaîne de transfert d’électrons de la membrane interne mitochondriale. Dans ce processus, des complexes enzymatiques pompent les protons à travers la membrane, créant un gradient de potentiel utilisé pour la synthèse d’ATP. Cette voie catabolique se déroule en trois principales étapes que sont la glycolyse, le cycle des acides tricarboxyliques (TCA ou cycle de Krebs) et le transfert membranaire des électrons. Dans la première étape appelée glycolyse, les hexoses-phosphates sont convertis en trioses-phosphates puis en acides organiques, en pyruvate notamment, produisant du pouvoir réducteur sous forme de NADH sous l’action de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase phosphorylante (G3PDH, EC 1.2.1.9). Il existe aussi une isoforme non phosphorylante décrite précédemment (voir section intitulée les NAD kinase) qui permet de générer du NADPH. Chez les plantes, les enzymes intervenant dans la glycolyse sont fonctionnellement et physiquement étroitement associées à la mitochondrie (Giegé et al., 2003; Graham et al., 2007) et chez la pomme de terre du degré d’association des enzymes glycolytiques dépendrait l’intensité respiratoire (Graham et al., 2007). Le pyruvate ainsi formé par la glycolyse passerait directement dans la matrice mitochondriale (Lunn, 2007) où il serait alors converti en acétyl-CoA par la pyruvate déshydrogénase encore appelée pyruvate décarboxylase (EC 1.2.4.1). Notons que des enzymes glycolytiques comme la G3PDH (GAPDH) peuvent se retrouver dans le noyau et y générer du NADH en conditions de stress (Vescovi et al., 2013). Il n’est pas exclu non plus que l’hexokinase puisse s’y trouver, à l’instar de ce qui est observé chez d’autres organismes (Kim & Dang, 2005). La seconde étape, appelée cycle des acides tricarboxyliques (Krebs, 1937), consiste en

77 l’incorporation de l’acétyl-CoA dans un cycle d’acides organiques transformés par des réactions enzymatiques qui permettent de générer du pouvoir réducteur sous forme de NADH et de FADH2 (Rasmusson & Møller, 1990). Si le cycle des acides tricarboxyliques permet d’oxyder complètement le pyruvate en CO2, chez les plantes le cycle ne fonctionne généralement pas de façon cyclique, probablement parce que le cycle TCA fonctionne en accord avec des besoins métaboliques propres à chacun des organes en fonction des conditions environnementales (Hanning & Heldt, 1993; Sriram et al., 2004; Alonso et al., 2007; Allen et al., 2009; Tcherkez et al., 2009; Gauthier et al., 2010). Aussi, chacune des étapes qui permettent la production de NADH serait inhibée par un ratio NADH/NAD+ élevé, ce qui permettrait d’équilibrer l’oxydation du pyruvate avec la phosphorylation oxydative qui se produit sur la membrane interne des mitochondries (Geigenberger & Fernie, 2014). Dans une troisième étape, le pouvoir réducteur, formé par le cycle TCA et la glycolyse, transfert ses électrons à l’oxygène moléculaire via la chaîne de transfert d’électrons de la membrane interne mitochondriale, et un gradient de protons générateur d’ATP est créé. Les plantes disposent sur cette chaîne de transfert d’électrons d’enzymes uniques au règne végétal appelées NAD(P)H déshydrogénases alternes, situées aux faces internes et externes de la membrane mitochondriale, qui leur permettent de réguler les niveaux de NAD(P)H cellulaires et optimiser leur croissance (Rasmusson et al., 2004; Rasmusson & Wallström, 2010; Wallström et al., 2014).

L’un des problèmes métaboliques majeur auxquels la plante doit faire face à la lumière est la gestion du manque d’accepteur d’électrons NADP+ qui peut être à l’origine d’une production massive de ROS. En effet, généralement la chaîne de transfert d’électrons photosynthétiques produits plus d’équivalents réducteurs que requis dans le chloroplaste pour la synthèse des sucres (Stitt, 1986). La limitation en CO2 disponible pour la cycle de Calvin et le manque de NADP+ où d’autres accepteurs du photosystème I conduit à la formation de ROS qui doivent être détoxifiés par divers systèmes dont celui NAD(P)H-glutathion-ascorbate décrit précédemment (chapitre intitulé « Le rôle du NAD(P)H dans le maintien du potentiel rédox cellulaire »). Il existe cependant certains mécanismes qui évitent de manquer d’accepteurs d’électrons dans le chloroplaste. (i) Le premier d’entre-eux s’appelle la valve malate (Scheibe, 1984). Il consiste en la synthèse de malate à partir de la

78 malate déshydrogénase plastidiale NADPH-dépendante (MDH-NADP), et le malate ainsi formé est exporté vers le cytosol via une navette (navette C, Figure 20) (Taniguchi et al., 2002). La valve malate rééquilibre le ration NADPH/ATP, évite les déséquilibres qui limitent le flux d’électrons photosynthétique, et redirige l’excès de pouvoir réducteur vers d’autres compartiments où il sera utilisé (Backhausen et al., 1998; Scheibe, 2004). De plus, la MDH-NADP est activée par la lumière et au contraire inhibée par les ratios élevés NADP+/NADPH, ce qui en fait un système efficace de contrôle de l’homéostasie rédox du NADP(H) au sein du compartiment plastidial, adapté aux variations d’intensité lumineuse (Scheibe & Jacquot, 1983; Scheibe et al., 2005). L’importance de cette enzyme est démontrée par le caractère létal de mutants ADN-T homozygotes chez la plante modèle Arabidopsis thaliana (Selinski et al., 2014). (ii) Un second mécanisme est utilisé par les plantes lorsque la limitation d’accepteurs d’électrons devient importante ainsi qu’en conditions de forte lumière où de sécheresse : il s’agit du transfert cyclique des électrons (CET pour « cyclic electron transfer ») (Munekage et al., 2004). Ce système permet de diminuer la production de NADPH, de recycler les électrons non utilisés pour sa synthèse en l’absence d’accepteur en quantité suffisante, tout en augmentant la production d’ATP, et permet de rééquilibre le ratio ATP/NADPH (Miyake, 2010). Dans des conditions de CO2 limitant où de manque continu d’accepteur NADP+, ce système évite ainsi une production massive de ROS au sein des chloroplastes (Foyer et al., 2012). (iii) Le troisième mécanisme mis en jeu dans les cellules chlorophylliennes à la lumière est la photorespiration. Ce mécanisme constitue un puits majeur pour les équivalents réducteurs, particulièrement lorsque la demande en NADPH et ATP pose problème, par exemple à fort intensité lumineuse, forte température et lorsque les stomates, fermés, provoquent une limitation importante en CO2 pour la photosynthèse (Foyer et al., 2009; Voss et al., 2013). En réassimilant l’ammonium produit par la décarboxylation de la glycine (principalement par la glutamine synthétase GS, EC 6.3.1.2, et la glutamate synthase dépendante de la ferrédoxine Fd-GOGAT, EC 1.4.7.1, ou celle dépendante du NADH, la NADH-GOGAT, EC 1.4.1.14), la photorespiration consomme des équivalents réducteurs de la ferrédoxine, du NADH et de l’ATP et régénère les équivalents oxydés à nouveau disponibles pour la fixation d’électrons de la chaîne de transfert photosynthétique. Il semble aussi que la photorespiration stimule l’activité de l’AOX en raison de la décarboxylation de la glycine, accélérant l’oxydation du NADH en NAD+ et le flux

79 d’électrons de la chaîne de transfert mitochondriale vers l’oxygène (Igamberdiev et al., 1997; Vishwakarma et al., 2014). La photorespiration libère aussi du CO2 dans la mitochondrie, ce qui permet de consommer le NADPH en excès et régénérer du NADP+ au niveau du cycle de Calvin (Riazunnisa et al., 2006; Busch et al., 2013). 0n estime qu’en conditions atmosphériques normales, pour quatre tours de cycle de Calvin, un tour de cycle forme du 2-phosphoglycolate (2-PGA), produit de l’activité oxygénase de la Rubisco (Zhu et al., 2008). Si l’impact d’un inhibiteur de la photorespiration sur la photooxydation est connue depuis longtemps (Wu et al., 1991; Kozaki & Takeba, 1996; Osmond & Grace, 1996), ce n’est que plus récemment que l’impact d’une photorespiration défectueuse sur l’inhibition du photosystème II a été décrite (Takahashi et al., 2007). En raison de leur gaine périvasculaire qui permet de concentrer le CO2, les plantes en C4 ont une activité photorespiratoire plus faible, mais non nulle, en raison des fuites au niveau des gaines, lesquelles sont plus importantes chez les dicotylédones que chez les monocotylédones et sont dépendantes de l’âge des plantes (Dai et al., 1995; Maroco et al., 1997). Chez Amaranthus edulis, la photorespiration compte pour 6% de la photosynthèse nette et des mutants photorespiratoires sont incapables de pousser en l’absence de fort CO2 (Dever et al., 1996; Lacuesta et al., 1997). La mise en évidence de l’existence d’une activité photorespiratoire chez le maïs est plus ancienne encore (Chollet, 1976), et des mutants à faible activité glycolate oxydase sont incapables de pousser dans l’air (Zelitch et al., 2009), démontrant l’importance des mécanismes photorespiratoires chez toutes les espèces végétales (Wingler et al., 2000).