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1- Les couples rédox NAD(P)+/NAD(P)H

Le NAD(P) est un coenzyme transducteur de pouvoir réducteur, c’est à dire capable de transférer des électrons à une molécule d’état plus oxydée. Le NAD(P) existe ainsi sous forme réduite NAD(P)H ou oxydée NAD(P)+. Un couple tel que le NAD(P)+/NAD(P)H est nommé couple rédox. La tendance des couples à accepter ou donner des électrons à un autre couple est appelée potentiel rédox. Ce potentiel rédox permet de traduire la faisabilité et la direction dans laquelle les électrons sont transférés entre composants d’un système biochimique. Tous les potentiels rédox sont définis en fonction de leurs capacités à recevoir ou donner des électrons à une électrode normale à hydrogène (solution 1 M de H+, pH 0 dans laquelle est immergée une électrode de platine), et sont exprimés en volts. En biologie, les potentiels rédox sont définis à pH 7 et à 25°C, ce qui pour le couple de référence H2/2H+ donne -420 mV puisque le potentiel rédox est dépendant du pH et diminue de 60 mV par unité de pH. Ces potentiels rédox sont définis pour des couples à l’équilibre formes réduites/oxydées et sont appelées potentiels de demi-réduction désignés par l’abbréviation Em pour « Equilibrium midpoint potential ». De ces valeurs de potentiels rédox il est possible de déterminer une différence de potentiel rédox entre deux couples rédox qui permet le transfert d’électrons Em (Em accepteur-Em donneur). Par exemple, dans la mitochondrie au cours du transfert d’électrons du donneur NADH à l’accepteur O2, le Em=0,82-(-0,32) V soit 1,14 volts et permet de déduire le changement d’énergie libre de la réaction, qui ici est exergonique. Au cours du transfert en sens inverse de l’eau au NADP+ lors de la photosynthèse la valeur sera identique mais le signe sera inversé et la réaction sera endergonique et nécessitera de l’énergie apportée sous forme de lumière. Le NADP est le plus souvent utilisé comme agent de réduction dans les processus de biosynthèse (photosynthèse, assimilation de l’azote, biosynthèse des acides gras) alors que le NAD est impliqué dans les voies de catabolisme où il agit comme oxydant (la respiration principalement). Il existe au sein des cellules végétales plusieurs couples rédox majeurs qui, par leurs potentiels rédox et leurs concentrations respectives, régulent les transferts d’électrons au sein des cellules, en plus des flux membranaires chloroplastiques et mitochondriaux, et qui déterminent ainsi l’état rédox global des

70 cellules (Tableau 1). Ces composés ont des concentrations très variables selon l’état physiologique des cellules. En raison de leur potentiel rédox négatif, certains ont pour propriétés de réduire les contenus cellulaires comme les couples NAD(P)+/NADPH, alors que d’autres comme les formes actives d’oxygène sont de puissants agents oxydants (Foyer & Noctor, 2005).

Tableau 1. Potentiels rédox approximatifs et concentrations intracellulaires des principaux couples rédox chez les plantes. ASC, ascorbate ; DHA, déhydroascorbate ; Fd, ferrédoxine ; GSH, glutathion réduit ; GSSG, glutathion oxydé ; Ox, oxydé ; Red, réduit ; TRX, thiorédoxines (d’après Foyer & Noctor, 2005).

Couple Rédox Potentiel Rédox (V) Concentration (µM)

O2 / H2O +0.82 200 – 300 (O2) O2 / O2.- -0.3 <0.001 (O2.-) O2.-/ H2O2 +0.94 1 – 100 (H2O2) H2O2 / OH. +0.54 Négligeable (OH.) OH. / H2O +2.2 - DHA / ASC -0.10 10 000 – 20 000 GSSG / GSH -0.24 2 000 – 5 000 TRXox / TRXréd -0.33 10 – 100 NAD(P)+ / NAD(P)H -0.32 100 – 500 Fdox / Fdréd -0.42 10 – 100

2- Le rôle du NAD(P)H dans le maintien du potentiel rédox cellulaire

Si de faibles teneurs en oxygène ont accompagné les débuts de l’évolution des êtres vivants sur terre, pour lesquels la bioénergétique reposait essentiellement sur le fer et le soufre, l’apparition des cyanobactéries puis des plantes à conduit l’atmosphère à enrichir l’atmosphère en oxygène à des niveaux proches de ceux actuels depuis 550 millions d’années (Fournier, 2003). Les cellules aérobies font face à ces concentrations en oxygène en maintenant un environnement interne très réduit. Cela est rendu possible par les interactions existant entre les couples rédox non-protéiques et solubles que sont le NAD, le NADP, le glutathion (GSSG / GSH) et l’ascorbate (DHA / ASC). En particulier, les nucléotides à pyridine (NAD(P)+ /

71 NAD(P)H) sont les principaux transmetteurs de transfert rédox des phases solubles des cellules. En effet, à l’opposé de composés antioxydants comme le glutathion et l’ascorbate qui réagissent spontanément avec l’oxygène, les nucléotides à pyridine réagissent lentement avec l’oxygène et leur oxydation est dépendante d’enzymes. Au sein des cellules, les pools de glutathion et d’ascorbate réagissent d’une part spontanément ou sous l’action d’enzymes comme les (per)oxydases avec l’oxygène, et sont d’autre part réduits par des réductases à haute capacité dont la catalyse dépend du pouvoir réducteur du NAD et du NADP (Figure 21). Le glutathion et l’ascorbate sont le rempart d’un système de tampon rédox de détoxification des formes actives d’oxygène dépendant du NAD(P). Une perturbation de ce système de maintien de l’état réduit des cellules génère une signalisation liée aux stress oxydoréductif que l’on rencontre dans nombre de processus de stress liés à des perturbations abiotiques, biotiques ou à des processus développementaux. Dans ces processus, le couple NADP+/NADPH joue un rôle particulièrement important car il est à la jonction des métabolismes produisant ou détoxifiant les ROS (Figure 21).

Dans les chloroplastes, la concentration en cofacteur oxydé NADP+ disponible pour sa réduction par la ferrédoxine NADP+ réductase détermine le flux d’électrons non linéaire vers d’autres accepteurs comme l’oxygène moléculaire (O2). En cas de sur-réduction du pool de NADP en NADPH, en raison d’un stress environnemental qui occasionne soit un afflux d’électrons dans les cas de forte lumière, ou une non-utilisation du NADPH disponible pour les réactions métaboliques dans le cas de stress pathogènes, nutritionnels, froid ou sécheresse, les électrons sont déviés vers ces voies non linéaires et la formation de ROS est accélérée (Scheibe et al., 2005). Le NAD(P)H cytosolique est aussi un précurseur des ROS dans ce compartiment lorsqu’il est utilisé par les NAD(P)H oxydases (Foreman et al., 2003; Kwak et al., 2003). Le NAD(P)H serait aussi impliqué dans la génération de NO via la nitrate réductase (NR) et la nitrite réductase (Stöhr et al., 2001; Galeeva et al., 2012). La NR peut catalyser le transfert de pouvoir réducteur du NAD(P)H à l’O2 et générer des ROS (Yamasaki & Sakihama, 2000). Quant à son rôle dans la production de ROS par la chaîne de transfert d’électrons mitochondriale, les oxydases alternes pourraient être régulées par les changements de ratio NADPH/NADP+ sous l’effet de la lumière et du CO2 (Igamberdiev & Gardeström, 2003). La gestion des ROS est

72 aussi très dépendante du NAD(P)H dans les cellules végétales. En effet, parmi les cinq grands systèmes de détoxification des ROS que sont (i) le cycle eau-eau (réaction de Mehler), (ii) les catalases (EC 1.11.1.6), (ii) le cycle des glutathion peroxydases (EC 1.11.1.9), (iv) le cycle ascorbate-glutathion et (v) la détoxification réductive des peroxydes, les trois derniers impliquent le glutathion et/ou l’ascorbate sous la dépendance du NAD(P)H (Figure 21) (Sunkar et al., 2003; Apel & Hirt, 2004; Mano et al., 2005; Noctor, 2006).

Figure 21. Schéma simplifié des principales réactions liant les couples rédox solubles NAD(P)+/H, ascorbate et glutathion. Importance est donnée aux principales réactions consommatrices/productrices de pouvoir réducteur fourni par les nucléotides à pyridine. AER, alcénal réductase; ACR, aldo-céto réductase; ALDH, aldéhyde déshydrogénase; ASC, ascorbate (réduit) ; Cyt, cytochrome; FNR, ferrédoxine-NADP réductase; GABA shunt, voie du γ-aminobutyrate; (np)GAPDH, glyceraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (non phosphorylante); GDC, glycine décarboxylase; G6PDH, glucose-6-phosphate déshydrogénase; GR, glutathion réductase ; GSH, glutathion réduit ; GSNOR, S-nitrosoglutathione réductase; GSSG, glutathion oxydé ; HPR, hydroxypyruvate réductase; ICDH, isocitrate déhydrogénase; MDH, malate déshydrogénase; (M)DHA(R), (mono)déhydroascorbate (réductase); ME, enzyme malique; MET, mitochondrial électron transport; NOS, oxyde nitrique synthase ; NR, nitrate réductase; OX, oxydation ; 6PGDH, 6-phosphogluconate déshydrogénase; Rboh, NADPH oxydases (pour « Respiratory burst oxidase homologues ») ; RED, réduction ; TCA, acide tricarboxylique; THD, transhydrogénase; TRX, thiorédoxine. D’après Noctor, 2006.

73 En raison de l’existence de potentiels rédox propres à chacun des couples rédox actifs au sein des compartiments subcellulaires, il est difficile de définir une valeur globale de l’état rédox cellulaire. Dans le cytosol et la mitochondrie, la NADP et le glutathion définissent un état rédox de l’ordre de -250 mV à -300 mV au sein de ces compartiments. L’état rédox du stroma chloroplastique à la lumière est un peu plus négatif, en raison des ferrédoxines qui conduisent les réactions de réduction, celle du NADP+ notamment (Asada, 1999; Setterdahl et al., 2003; Foyer & Noctor, 2005). Le NAD(P)+ est reconverti en NAD(P)H par des systèmes enzymatiques décrits en figure 21. Une description plus détaillée des réactions enzymatiques régénérant le NADPH a déjà été abordée dans le chapitre intitulé « NAD KINASES ». La transmission de pouvoir réducteur entre compartiments subcellulaires est assurée principalement par des systèmes de navettes décrit dans le chapitre « Le passage des équivalent rédox NAD(P)/H entre les différents compartiments » (Figure 20) ainsi que par le transport des nucléotides à pyridines par des transporteurs spécialisés (Figure 19) présentés dans le chapitre « Le transport intracellulaire des nucléotides à pyridine ». De même, pour répondre à un besoin en pouvoir réducteur, notamment à la lumière ainsi qu’en situation de stress, les cellules végétales ont la capacité de stimuler la production d’enzymes clef qui contrôlent la synthèse de NAD(P) comme l’AO, la QPT, la NaMNAT et les NAD kinases (voir chapitre « Les voies de synthèse du NAD chez les plantes »). Chez les plantes le passage à la lumière induit la production de NAD kinase (Tezuka & Yamamoto, 1975) qui permet la synthèse de NADPH dans le chloroplaste, laquelle est indispensable à la synthèse de chlorophylle et à la fixation du carbone (Chai et al., 2005).