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B-   Le rôle du NAD(P)/H dans les grandes voies métaboliques

2-   Le NAD(P)/H et le métabolisme azoté

En plus de la lumière, de l’eau et du CO2, les éléments minéraux sont requis pour la croissance et le développement des plantes. Parmi les éléments minéraux, l’azote est sans doute le plus essentiel puisqu’il est utilisé pour la synthèse des acides aminés qui sont les briques de construction des protéines, des nucléotides, de la chlorophylle et de nombreux autres métabolites et composants cellulaires (Taiz & Zeiger, 2008). L’azote est donc requis en grandes quantités afin de permettre aux plantes d’enrichir la synthèse de squelettes carbonés en molécules plus complexes

80 indispensables à la production de biomasse. Comme nous le verrons ci-dessous, les nucléotides à pyridine jouent ici encore un rôle déterminant dans l’assimilation de l’azote par les plantes et participent à la coordination étroite des métabolismes carboné et azoté nécessaire à une croissance harmonieuse des plantes.

Dans la section précédente, nous avons vu que la photorespiration implique un recyclage du carbone assez complexe et nécessite aussi le recyclage de l’ammonium provenant de la décarboxylation de la glycine. Cette dernière réaction est catalysée par la glycine décarboxylase ou GDC (EC 1.4.4.2 ; Keys et al., 1978). L’ammonium produit par la GDC est assimilé au niveau du cycle GS/GOGAT dans le chloroplaste sous forme de glutamate par l’utilisation de deux enzymes localisées à la fois dans le chloroplaste et dans la mitochondrie : la GS (GS2), et la GOGAT, majoritairement la Fd-GOGAT (GLU1) et de façon minoritaire la NADH-GOGAT (Hayakawa et al., 1994; Taira et al., 2004; Jamai et al., 2009) (Figure 22). Le flux métabolique de la photorespiration est très important et la conversion mitochondriale de la glycine vers la sérine produit beaucoup d’ammonium, jusqu’à 10 fois plus que n’en produit l’assimilation primaire de l’azote (Keys et al., 1978; Rachmilevitch et al., 2004). Ce processus qui est encore appelé cycle de l’azote photorespiratoire (Keys et al., 1978) (Figure 22) utilise les mêmes isoformes de GS et GOGAT que celles impliquées dans l’assimilation primaire de l’ammonium (Hirel & Lea, 2002). En générant du NADH dans les mitochondries, ce processus peut contribuer à l’augmentation du pool de NADH dans le cytosol à la lumière.

Toutes les plantes ont la capacité de réaliser l’assimilation primaire des nitrates. Cette assimilation débute par la réduction des nitrates en nitrites catalysée par la nitrate réductase (NR, EC 1.7.1.1), réduction qui nécessite du NADH (Miflin, 1970; Vincentz & Caboche, 1991) et pour certaines isoformes du NADPH (NR-NADPH, EC 1.7.1.3 ; Savidov et al., 1998). La NR est régulée d’une manière très complexe, permettant d’engager de manière contrôlée, en réponse à des signaux de l’environnement, la réduction des nitrates en étroite coordination avec l’assimilation du carbone. En général, elle est coordonnée avec la photosynthèse et est régulée par différents facteurs comme la teneur en nitrates, la lumière, la disponibilité en O2

81 capacité des chloroplastes et des mitochondries à délivrer des équivalents réducteurs au cytosol peut influencer le taux d’assimilation des nitrates (Krömer & Heldt, 1991; Hanning & Heldt, 1993). A l’inverse, une faible photosynthèse peut limiter l’activité NR par une baisse de la disponibilité en réducteurs (NADH) et par une inactivation post-traductionnelle de l’enzyme (Kaiser et al., 2000; Kaiser et al., 2002). La présence d’une nucléotide pyrophosphatase (EC 3.6.1.9) physiquement associée à la NR chez Brassica oleracea suggère un contrôle étroit des teneurs en NADH au voisinage même de l’enzyme afin de moduler son activité (Moorhead et al., 2003).

Comme décrit précédemment dans ce chapitre, les teneurs et l’état rédox des nucléotides à pyridine contrôlent étroitement les activités des grandes voies des métabolismes carboné et azoté. Réciproquement, l’activité métabolique module les teneurs en NAD(P)/H et répond aux conditions de l’environnement. L’un des concepts principaux de l’intégration des métabolismes azoté et carboné chez les plantes repose sur leur utilisation des équivalents réducteurs et d’ATP. En effet, il est admis que l’assimilation de nitrate est forte consommatrice de pouvoir réducteur, alors que la fixation du CO2 nécessite plus d’ATP que de pouvoir réducteur. Dans ce cas, l’ATP est aussi fourni par les autres compartiments subcellulaires, notamment la respiration mitochondriale, alors que le pouvoir réducteur consommé dans le cytosol par la nitrate réductase est en partie fourni par une sortie d’équivalents réducteurs des plastes et de la mitochondrie. Pour résumer, on peut dire que la fixation du carbone consomme trois fois plus d’ATP que l’assimilation des nitrates et que l’assimilation des nitrates consomme trois fois plus de pouvoir réducteur que la fixation du CO2 en trioses phosphates (Woo et al., 1985; Noctor & Foyer, 1998). Plusieurs études indiquent que les niveaux de NAD(H) jouent un rôle dans l’intégration des métabolismes carboné et azoté, notamment celles abordant l’étude des mutants du complexe I mitochondrial comme le mutant CMS II de tabac (Dutilleul et al., 2005; Hager et al., 2010; Podgórska et al., 2014). L’arrêt de l’oxydation du NADH par le complexe I entraîne une activation des NAD(P)H déshydrogénases et conduit à un phénotype de plantes riches en azote. Celles-ci présentent une augmentation générale des teneurs en acides organiques et acides aminés, en particulier des amines (Dutilleul et al., 2005; Hager et al., 2010). En effet, une plus forte assimilation des nitrates est observée chez CMSII (Dutilleul et al., 2005; Pellny

82 et al., 2009). On retrouve chez les mutants du complexe I d’autres caractéristiques typiques du statut riche en N : répression de la croissance des racines latérales, répartition altérée de la biomasse entre les racines et les parties aériennes en réponse à la disponibilité en azote (Pellny et al., 2008). D’autres exemples montrent que la nutrition azotée, qui constitue un puits de pouvoir réducteur majeur dans les plantes, influe fortement sur le métabolisme carboné. Ainsi lorsque l’alimentation azotée repose sur l’ammonium, la teneur en NADH, qui n’est plus utilisé pour l’assimilation des nitrates, augmente. Les plantes augmentent alors l’activité de leurs voies respiratoires alternes (NAD(P)H déshydrogénases, AOX et les protéines de découplage) (Escobar et al., 2006), non génératrices d’ATP, ce qui aboutit à une moindre croissance des plantes.

Figure 22. Schéma simplifié des voies du métabolisme carboné en C2. ADP, adénosine diphosphate ; ATP, adénosine tri-phosphate ; GOX, glycolate oxydase ; NAD est indiqué pour NAD+ ; SHMT, sérine hydroxy-méthyltransférase ; THF, tétrahydrofolate (D’après Buchanan et al., 2000).

83 L’un des mécanismes permettant de rééquilibrer les ratios ATP/NAD(P)H entre compartiments repose sur le fonctionnement de transporteurs d’acides organiques comme la valve malate. Lorsque celle-ci est supprimée, cela est létal (Selinski et al., 2014). Par contre lorsque la capacité de la valve malate est simplement limitée, cela induit une augmentation de l’assimilation de l’azote et de la glycolyse au sein du compartiment plastidial, en accroissant les activités Fd-GOGAT, NADH-GOGAT et NAD-GAPDH plastidiale, ce qui potentiellement rééquilibre les ratios ATP/NAD(P)H à l’intérieur du chloroplaste (Selinski et al., 2014). Donc la valve malate défectueuse est compensée par une augmentation de la glycolyse plastidiale pour couvrir la demande plastidiale d’ATP. Autrement, il y aurait trop de NADPH dans le plaste qui bloquerait la chaîne de transfert d’électrons et donc la génération d’ATP nécessaire à la fixation du carbone (Selinski et al., 2014; Selinski & Scheibe, 2014).