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La biosynthèse du quinolinate chez les plantes : la L-aspartate oxydase et

B-   Les voies de synthèse du NAD chez les plantes

2)   La biosynthèse du quinolinate chez les plantes : la L-aspartate oxydase et

La biosynthèse du NAD de novo chez les plantes et la plupart des Procaryotes est réalisée à partir du L-aspartate (Figures 3 et 6).

Figure 6. Formation du quinolinate à partir du L-aspartate chez les plantes et la plupart des bactéries. La synthèse de quinolinate est réalisée en deux étapes successives catalysées par la L-aspartate oxydase (AO) et la quinolinate synthase (QS). FAD, flavine adénine dinucléotide.

La conversion du L-aspartate en quinolinate se fait en deux étapes : (i) premièrement l’oxydation du L-aspartate en un intermédiaire instable l’iminoaspartate, suivie de (ii) la condensation de ce dernier avec un intermédiaire de la glycolyse, le dihydroxyacétone phosphate (DHAP), conduisant à la formation de l’acide pyridine-2,3-dicarboxylique ou quinolinate (QA). La première étape est catalysée par la L-aspartate oxydase et la seconde par la quinolinate synthase.

a- La L-aspartate oxydase

La L-aspartate oxydase (AO, EC 1.4.3.16) est une flavoprotéine à Flavine Adénine Dinucléotide (FAD) liée de façon non covalente à la protéine. Elle catalyse l’oxydation dépendante du FAD, permettant ainsi l’oxydation du L-aspartate en iminoaspartate (Figure 6). Chez Arabidopsis thaliana, elle est codée par un gène unique (At5g14760 ; Katoh et al., 2006; Noctor et al., 2006), homologue du gène bactérien nadB. Chez les bactéries, l’AO, parfois aussi appelée quinolinate synthase B, est capable d’utiliser soit l’oxygène, soit le fumarate comme accepteur d’électrons selon les conditions d’aérobiose ou d’anaérobiose dans lesquelles elles se trouvent (Nasu et al., 1982).

23 Toutes les protéines de plantes et de bactéries contiennent deux larges domaines fonctionnels, (i) un domaine L-aspartate oxydase positionné dans les deux tiers N-terminaux de la protéine, et (ii) un domaine succinate déshydrogénase en C-terminal de la protéine (Mattevi et al., 1999; Noctor et al., 2006). Chez les plantes l’enzyme a été très peu étudiée jusqu’ici. Une étude rapporte cependant que l’enzyme purifiée de coton contiendrait un cofacteur de masse moléculaire apparente de 1050 Da (Hosokawa et al., 1983) qui pourrait s’apparenter au FAD bien que la masse de ce dernier soit plus faible. La cristallisation de l’enzyme bactérienne combinée à des expériences de mutagénèse dirigée a permis l’identification des acides aminés impliqués dans la fixation de l’aspartate, du FAD et du fumarate à l’enzyme (Mattevi et al., 1999; Tedeschi et al., 2001; Bossi et al., 2002; Rizzi & Schindelin, 2002). Or, il s’avère que ces acides aminés sont strictement conservés entre toutes les enzymes de plantes et de bactéries, suggérant une forte conservation des propriétés catalytiques entre les bactéries et les plantes (Noctor et al., 2006).

Lorsque le FAD, cofacteur de l’AO, se lie à l’enzyme, un changement de conformation de l’enzyme est observé. Ceci permettrait de protéger l’iminoaspartate, produit instable de la réaction, de la dégradation (Rizzi & Schindelin, 2002). En effet, le temps de demi-vie de l’iminoaspartate en solution est estimé à 144 secondes à pH 8 à 37°C (Nasu et al., 1982). Cependant, l’iminoaspartate serait lui-même inhibiteur de la réaction catalysée par la L-aspartate oxydase et cette inhibition serait suspendue par l’ajout de quinolinate synthase dans le milieu réactionnel (Mortarino et al., 1996) qui prendrait en charge l’iminoaspartate. Ajouté à cela, il a été longtemps suggéré que ces deux enzymes pouvaient former un complexe permettant de transférer l’iminoaspartate instable de la première enzyme vers la seconde. En effet, en voulant purifier l’AO, Griffith et ses collaborateurs, en 1975, avaient obtenu une co-purification de l’AO et de la QS chez les bactéries suggérant un complexe entre ces deux enzymes (Griffith et al., 1975), Pour autant, aucune démonstration n’est venue depuis renforcer l’hypothèse d’un complexe enzymatiques AO-QS (Sakuraba et al., 2005).

24 Certains organismes peuvent oxyder l’aspartate en iminoaspartate en utilisant des enzymes différentes de la L-aspartate oxydase. C’est le cas de l’archée

Thermogata maritima dont le gène nadB code une aspartate déshydrogénase (EC

1.4.1.-) dépendante du NAD dont la séquence protéique primaire diffère fortement de celle de la L-aspartate oxydase (Yang et al., 2003). Les mammifères ont une D-aspartate oxydase (EC 1.4.3.1) qui synthétise de l’iminoD-aspartate et il a été démontré

in vitro que cette enzyme pouvait remplacer la L-aspartate oxydase au sein du

complexe quinolinate synthase bactérien (Nasu et al., 1982). Le rôle physiologique de cette enzyme de mammifères ne serait pas de produire du NAD mais plutôt de réguler la concentration en D-aspartate, composé présent en abondance dans les tissus neuroendocriniens, en le convertissant en iminoaspartate qui se décomposerait spontanément en oxaloacétate (Wang et al., 2000; Wolosker et al., 2000).

L’analyse in silico des séquences de plantes met en évidence l’existence d’un peptide de transit en position N-terminale signant une localisation chloroplastique de l’enzyme (Noctor et al., 2006), laquelle est confirmée expérimentalement par des expériences de fusion de la protéine avec la GFP (pour « green fluorescence protein ») chez Arabidopsis thaliana (Katoh et al., 2006). Chez Arabidopsis thaliana, l’interruption du gène unique codant l’AO par une insertion ADN-T est létale à l’état homozygote (Katoh et al., 2006). Les données transcriptomiques disponibles dans les bases de données montrent que le gène codant l’AO est exprimé dans toute la plante sauf dans les cellules épidermiques, plus fortement dans les cellules de garde des stomates, et surtout dans les jeunes boutons floraux (stades 9-11) et les étamines (base de données Arabidopsis eFP Browser, Schmid et al., 2005). Une forte régulation transcriptionnelle de cette étape enzymatique, particulièrement en conditions de stress (base de données Genevestigator, Hruz et al., 2008) est également observée. Des données obtenues au laboratoire montrent aussi une forte induction du gène codant l’AO en réponse à un stress biotique provoqué par

Pseudomonas syringae pv. tomato (Pétriacq et al., 2012; Pétriacq et al., 2013). Plus

récemment, l’équipe de Cyril Zipfel a montré en réalisant un crible « flagellin insensitive » que la L-aspartate oxydase jouait un rôle important dans la fermeture des stomates en réponse à une attaque par les bactéries phytopathogènes chez

25 Chez les bactéries, le NAD, régule sa production par deux mécanismes : (i) l’un transcriptionnel faisant intervenir un facteur de transcription liant le NAD et qui en se dimérisant vient bloquer l’opéron nad (Penfound & Foster, 1999), et (ii) l’autre biochimique par une inhibition compétitive sur le site de fixation du FAD de la L-aspartate oxydase. Si jusqu’ici aucun contrôle transcriptionnel de la biosynthèse du NAD par le NAD lui-même n’a été rapporté chez les plantes, il a été montré que le NAD régulerait l’activité de la L-aspartate oxydase puisqu’une inhibition de 50% de l’AO de coton par 1 mM de NAD a été observée (Nasu et al., 1982; Hosokawa et al., 1983). Chez les plantes comme chez les bactéries, la L-aspartate oxydase apparaît comme une enzyme clef de la voie de biosynthèse du NAD.

b- La quinolinate synthase

La quinolinate synthase (QS, EC 2.5.1.72) est chez les bactéries une métalloprotéine à centre fer-soufre [Fe-S], qui est le produit du gène nadA et est encore appelée quinolinate synthase A (Cicchillo et al., 2005; Ollagnier-de Choudens et al., 2005; Rousset et al., 2008). Elle catalyse la condensation entre l’iminoaspartate produit de la L-aspartate oxydase et le dihydroxyacétone phosphate (DHAP) pour former du quinolinate (Figure 6).

Chez Arabidopsis thaliana, cette cystéine désulfurylase est codée par un

gène unique (At5g50210, Katoh et al., 2006), de même que pour de nombreuses autres espèces végétales (Noctor et al., 2006). L’alignement des séquences protéiques de plantes et de bactéries indique la présence de résidus amino-acides fortement conservés (Noctor et al., 2006). La structure tridimensionnelle de l’enzyme a été déterminée chez le genre Pyrococcus, révélant une architecture triangulaire au sein de laquelle les résidus amino-acides conservés déterminent une structure en « sandwich à trois couches en triple répétitions » (Sakuraba et al., 2005; Soriano et al., 2013). Le forte conservation de ces acides aminés parmi les quinolinate synthases de plante et de bactéries suggère une préservation de cette structure triangulaire unique, avec cependant une extension en C-terminal pour les enzymes de plantes (Noctor et al., 2006).

26 La QS bactérienne contient un centre [4Fe-4S] sensible à l’oxygène qui l’inactive et est réactivé en anaérobiose (Cicchillo et al., 2005; Ollagnier-de Choudens et al., 2005). Chez les bactéries l’enzyme a une séquence Cys-w-x-Cys-y-z-Cys en région C-terminale caractéristique des centres Fer-Soufre des déshydratases. Ce motif semble impliqué uniquement chez les bactéries dans la sensibilité de l’enzyme à l’oxygène (Gardner & Fridovich, 1991). Le domaine cystéine désulfurylase de la protéine stimule la reconstruction du centre Fer-Soufre nécessaire à l’activité de la protéine (Rousset et al., 2008).

Chez Arabidopsis thaliana, la QS est adressée au compartiment plastidial et

une mutation insertionnelle par ADN-T est létale à l’état homozygote (Katoh et al., 2006). Lorsqu’une autre mutation du gène de la QS affecte le domaine cystéine désulfurylase de l’enzyme, celle-ci n’est pas létale et l’activité maximale de la QS n’est pas modifiée (Schippers et al., 2008). Pour autant, les plantes montrent chez ce mutant old5 un vieillissement accéléré suggérant que la chute de l’activité cystéine désulfurylase affecte la compétence catalytique de l’enzyme. Cette lésion dans la voie de biosynthèse de novo serait compensée par une augmentation des activités des enzymes d’une des voies de recyclage du NAD. Il en résulte une légère augmentation des teneurs en NAD (Schippers et al., 2008).