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D-   La biosynthèse des métabolites secondaires dérivés du nicotinate et du

1- Dérivés du nicotinate

a- La nicotine, l’anatabine et l’anabasine

Les Solanacées (tabac, pomme de terre, tomate (Solanum

lycopersicum)) produisent plusieurs métabolites secondaires dérivés du NAD,

certains étant communs à de nombreuses espèces végétales, d’autres étant propres à cette famille. Il s’agit de la nicotine et un autre nicotinoïde mineur qu’est l’anatabine

(Figure 17 ; Wagner Wagner, 1985; Wagner et al., 1986a; Ikemeyer & Barz, 1989).

La nicotine (ou (S)-3-(1-méthyl-2-pyrrolidinyl) pyridine) doit son nom au fait que le tabac a été introduit en France en 1560 par Jean Nicot (1530-1604), ambassadeur français au Portugal. Le nicotinate est aussi le précurseur d’un autre alcaloïde chez les Solanacées appelé l’anabasine (Figure 17 ; Dewey & Xie, 2013). Cet alcaloïde est présent en grandes quantités chez certaines Chénopodiacées comme Anabasis

aphylla qui a donné son nom à la molécule mais aussi chez Nicotiana glauca

(Orechoff & Menshikoff, 1931; Saitoh et al., 1985; Sisson & Severson, 1990). La synthèse de l’anabasine peut aussi dériver de la lysine (Dewey & Xie, 2013). Chez le tabac, des expériences de marquage ont permis de montrer que la synthèse de nicotine se fait à partir du quinolinate via la NaMN nucléosidase, c’est-à-dire une des voies de synthèse de novo du nicotinate (Wagner et al., 1986a). En effet, de données moléculaires et biochimiques montrent que la QPT permet de maintenir la fourniture en nicotinate nécessaire à la synthèse des dérivés à cycle pyridine comme

54 les alcaloïdes de défense à pyridine (anabasine, nicotine) (Mann & Byerrum, 1974; Feth et al., 1986; Wagner et al., 1986b; Sinclair et al., 2000; Ryan et al., 2012). Chez

Nicotiana tabacum, l’activité QPT augmente fortement dans les racines entre 24h et

48 h après blessure (Saunders & Bush, 1979). Cette production est sous contrôle des facteurs de transcriptions Myc2, ERF189 et NIC2 dont l’expression est induite par le jasmonate et l’éthylène (Shoji & Hashimoto, 2011a; Shoji & Hashimoto, 2011b; Shoji & Hashimoto, 2012). De récents résultats indiquent que l’auxine des apex exercerait une signalisation à longue distance sur la production de nicotine (Shi et al., 2006; Li et al., 2007), en plus des effets de l’acide jasmonique et de l’éthylène (Shoji & Hashimoto, 2014). Chez le tabac, la production de nicotine est dépendante d’une seconde isoforme de QPT formée par duplication (Ryan et al., 2012).

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b- Le N-méthylnicotinate : la trigonelline

La trigonelline est un zwitterion formé par l'addition d'un groupe méthyle à l'atome d'azote du nicotinate (Figure 17). La trigonelline se trouve dans de nombreuses plantes. Elle été d'abord isolée à partir de graines de fenugrec (Trigonella foenum-graecum, d'où son nom ; Jahns, 1885), mais également de nombreuses espèces d’Angiospermes et de Gymnospermes comme le café, le tabac, le ricin, les pommes de terre, plusieurs espèces de mangroves et les Fabacées. Très présente dans les grains de café vert chez lequel elle contribue jusqu’à 2% du poids frais, la torréfaction en détruit beaucoup mais la saveur amère de la boisson de café est due principalement à la trigonelline (Koster et al., 1989; Waller et al., 1966; Johnson & Waller, 1974; Wagner et al., 1986b; Zheng et al., 2004; Katahira & Ashihara, 2009; Ashihara et al., 2010; Constentin & Delaveau, 2010). La trigonelline est l’alcaloïde à pyridine le plus largement distribué, et retrouvé chez presque toutes les espèces de Fabacées (Matsui et al., 2007; Zheng et al., 2008).

La trigonelline est produite à partir du nicotinate par la nicotinate N-méthyltransférase ou trigonelline synthase (EC 2.1.1.7), en utilisant la S-adénosylméthionine comme donneur de méthyle (Joshi & Handler, 1960; Upmeier et al., 1988; Chen & Wood, 2004). Chez le tabac, et probablement le ricin, des expériences de marquage ont permis de montrer que la trigonelline était synthétisée à partir du nicotinamide de la voie de recyclage du NAD et également à partir du quinolinate via la NaMN nucléosidase, c’est-à-dire une des voies de synthèse de

novo du nicotinate (Johnson & Waller, 1974; Wagner et al., 1986a). Chez la pomme

de terre, le café, le thé et les Fabacées, la synthèse de trigonelline via le nicotinate s’effectue par la voie de biosynthèse de novo de nicotinate en deux étapes, c’est-à-dire en passant par le NaR (Matsui & Ashihara, 2008; Katahira & Ashihara, 2009; Ashihara et al., 2011; Ashihara & Deng, 2012).

Les propriétés de la trigonelline lui confèrent un rôle dans le blocage des divisions cellulaires en phase G2 du cycle cellulaire (Evans et al., 1979), ce qui a longtemps laissé penser que cette molécule avait un rôle hormonal (Evans & Tramontano, 1981). Mais, on lui attribue surtout un rôle de réserve de nicotinate qui

56 est utilisé pendant la germination. En effet, la trigonelline déméthylase est induite pendant la germination (Shimizu & Mazzafera, 2000). Chez les Fabacées, la trigonelline serait excrétée par les graines de luzerne et induirait la transcription des gènes de nodulation de Rhizobium meliloti en activant la protéine NodD2 (Phillips et al., 1992). D’autres expériences suggèrent que la trigonelline est une source nutritive tout au long de l’association entre Rhizobium et Fabacées (Boivin et al., 1990).

c- Le nicotinate glycoside (NaG)

Le nicotinate glycoside ou N- glucosylnicotinate (NaG) est un autre dérivé du nicotinate (Figure 17). Ce composé, initialement nommé par erreur nicotinate arabinoside (Willeke et al., 1979a), a ensuite été corrigé par la même équipe (Upmeier et al., 1988). Le NaG est présent chez la pomme de terre, le théier, le cacaoyer, le tabac, la pervenche de Madagascar, le chrysanthème (Chrysanthemum

coronarium) et Arabidopsis thaliana (Koster et al., 1989; Ikemeyer & Barz, 1989; Matsui et al., 2007; Yin et al., 2007; Katahira & Ashihara, 2009; Ashihara et al., 2012; Ashihara & Deng, 2012). Sa synthèse est réalisée par la nicotinate glucosyltransférase (EC 2.4.1.196) qui catalyse la conversion de l’UDP-glucose et de nicotinate en UDP et N- glucosylnicotinate. Dans des tubercules de pommes de terre, des expériences de marquage au 3H-quinolinate ont montré que la synthèse de NaG par la voie de biosynthèse de novo du nicotinate passant par le NaR était largement majoritaire et que le NaG semble être un produit de stockage transitoire important chez la pomme de terre (Katahira & Ashihara, 2009).

Il a longtemps été pensé que le NaG et la trigonelline ne pouvaient pas s’accumuler conjointement chez les plantes (Willeke et al., 1979). Même si cette règle s’applique à de nombreuses plantes comme les Ptéridophytes, les Fabacées et les plantes de l’ordre des Malpighiales, d’autres plantes, bien que moins nombreuses, accumulent à la fois trigonelline et NaG, soit dans des proportions identiques comme les pommes de terre, les Cycas, soit en accumulant préférentiellement l’un des deux métabolites secondaires comme Arabidopsis

thaliana, le tabac et le cacaoyer (Ashihara et al., 2012).

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