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La négociation

Dans le document Le comportement non-verbal en négociation (Page 18-22)

2. Partie théorique

2.3 La négociation

2.3.1 Définition et historique de la recherche en négociation

La négociation a une grande influence dans divers aspects de notre vie quotidienne. Que ce soit lors d’une discussion professionnelle sur un projet de travail ou lors d’une discussion entre amis pour choisir le lieu de vacances, les individus vont s’engager dans des processus de négociation pour faire valoir leurs préférences. Souvent désignée dans la littérature en tant que processus, la négociation peut être caractérisée comme une forme d’interaction sociale fréquente lorsqu’il y a une recherche de résolution de conflit, notamment dans la répartition mutuelle de ressources (Thompson & Hastie, 1990).

Afin de bien comprendre cette notion, soulignons ses quatre propriétés : les parties, leurs intérêts, le processus de négociation ainsi que le résultat. Les parties désignent alors une personne ou un groupe de personnes ayant un intérêt commun. Leurs intérêts propres se réfèrent aux préférences ou bien à l’utilité-même des ressources à répartir. D’ailleurs c’est le degré de conflit entre les intérêts des différentes parties qui va déterminer la structure de la négociation.

On en repère trois types : la négociation distributive où les intérêts sont totalement opposés et contradictoires, la négociation de pure coordination avec des intérêts compatibles, c’est-à-dire que l’utilité de l’une des parties augmente aussi celle de l’autre, et enfin, certainement la plus fréquente des situations, la négociation intégrative avec des intérêts ni totalement compatibles, ni totalement opposés. L’interaction qui va se produire avant le résultat concerne le processus de négociation en tant que tel. Et c’est lors de cette interaction que les parties vont communiquer et mettre en place des stratégies de négociation. Le produit de ce processus aboutira au résultat soit en donnant lieu à une impasse où aucun accord mutuel n’a été accepté, soit en arrivant à un

18 accord mutuel. Celui-ci peut être évalué en termes de répartition des ressources par exemple.

(Thompson, 1990).

Les premières recherches en négociation dès les années soixante intéressaient beaucoup le domaine de la psychologie sociale avec l’exploration des différences individuelles et des caractéristiques situationnelles (Bazerman et al., 2000). Toutes ces recherches sur les différences individuelles à cette période (comprenant les caractéristiques démographiques ou bien les traits de personnalité) aboutissaient à une même conclusion : ces variables n’expliquent que très peu de variance dans les comportements de négociation (Thompson, 1990).

Néanmoins, les recherches actuelles tendent à démontrer le contraire. Par exemple, Liu et al.

(2015) ont démontré un impact considérable de la culture concernant l’effet de l’agrément et de l’extraversion sur les comportements de négociation. D’autres auteurs, Schlegel et al. (2018) ont démontré la valeur prédictive de l’intelligence émotionnelle sur les résultats d’une négociation. Ces variables personnelles ne sont donc plus à négliger. L’étude de l’émotion avait également sa place dans le processus de négociation mais ces recherches ont diminué avec la révolution cognitive qui a suivi quelques années plus tard (Morris & Keltner, 2000). En effet, cette révolution a déployé toute son influence dans le monde de la recherche et a laissé de côté le domaine des relations interpersonnelles. Les chercheurs se sont alors engagés dans une perspective de prise de décision comportementale notamment à travers l’axe de la rationalité (Bazerman et al., 2000). Les aspects sociaux n’ont refait surface qu’à la fin des années nonante avec une renaissance d’intérêt pour la place de l’émotion dans les interactions de négociation.

Une première vague s’est plutôt consacrée aux effets intrapersonnels de l’émotion, mais l’étude des effets interpersonnels fait l’objet de beaucoup d’étude actuellement (Morris & Keltner, 2000 ; Olekalns & Druckman, 2012).

2.3.2 Le rôle des émotions dans la négociation

Il ne fait nul doute que les émotions ont un rôle important dans les interactions sociales (Morris et Keltner, 2000 ; Olekalns & Druckman, 2012 ; Van Kleef, 2009 ). La capacité de pouvoir juger les émotions est essentielle pour un fonctionnement social réussi, notamment en permettant d’anticiper les actions d’autrui et d’adapter les siennes. C’est ce qui nous permet d’avoir une adaptation adéquate à son environnement social (Pietroni et al., 2008). Beaucoup de recherches se sont concentrées sur l’importance des émotions positives dans la régulation des interactions sociales et le maintien des liens sociaux (Shiota et al., 2004). Par exemple, le sourire et le rire participent à la formation des relations de coopération et d’affiliation ainsi qu’à la diminution de conflits (Bersade, 2002 ; Mehu et Dunbar, 2008). En négociation, les émotions positives peuvent venir faciliter le processus en stimulant la résolution créative de problème ou

19 en favorisant la compréhension des besoins de chacun, et à l’inverse les émotions négatives peuvent venir entraver le processus en détournant notre attention des questions fondamentales, en entravant notre réflexion ou encore en nous engageant dans des stratégies de manipulation (Shapiro & Fischer, 2005).

Comme mentionné précédemment, la dimension intrapersonnelle des émotions a beaucoup été étudiée dans un premier temps, avec comme objectif d’examiner les conséquences qu’ont les émotions au sein de l’individu-même et de l’impact sur son traitement de l’information (par exemple Bodenhausen et al.,1994). Pour y remédier, Morris et Keltner (2000) ont suggéré une autre approche qui met en évidence les fonctions sociales des émotions. Ils conceptualisent les émotions comme un système de communication interpersonnel où l’expression émotionnelle d’un individu influence les autres de sorte que chacun va observer et répondre aux émotions de l’autre. De plus, ils stipulent que les émotions surviennent en réponse à des problèmes existants dans une relation et qu’elles permettent ainsi de réguler les conflits relationnels. En contexte de négociation, l’émotion possède alors une puissante valeur informationnelle. D’autres études viennent appuyer cet argument. Pietroni et al. (2008) suggèrent que les émotions sont des signaux qui permettent de décrypter la valeur que les négociateurs attribuent aux différentes questions en jeu, de sorte à pouvoir ensuite adapter leurs stratégies et parvenir à un accord mutuel satisfaisant. Ainsi si l’homologue exprime du bonheur sur la question prioritaire du négociateur et de la colère sur la question peu prioritaire, cela permettra une négociation plus intégrative en diminuant l’éventuel biais de fixed-pie perception consistant à percevoir les préférences d’autrui comme catégoriquement opposées aux siennes et pouvant empêcher une résolution de conflit adéquate. Une situation émotionnelle inverse conduirait à amplifier ce biais.

Un modèle qui conceptualise ces différents aspects, est celui de Van Kleef (2009) Emotion as social information (EASI) qui stipule que les expressions émotionnelles affectent le comportement de l’observateur en déclenchant soit une réponse affective intrapersonnelle, soit un processus inférentiel. Ces deux processus peuvent converger vers un même comportement ou amener à des réactions totalement différentes. Ils s’influencent mutuellement par le biais de deux modérateurs : le traitement de l’information et les facteurs socio-relationnels. L’idée est que l’on va pouvoir déduire des informations sur les sentiments, sur les attitudes ou sur les intentions de notre interlocuteur, qui influenceront ensuite notre comportement. Par exemple, une information de colère peut nous amener à stopper le comportement dans lequel on s’était engagé, ou à l’inverse une information de joie nous amènera à continuer notre action (Keltner et Haidt, 1999). De même, un individu avec un adversaire en colère fera des concessions plus

20 importantes que s’il négociait avec une personne heureuse (Van Kleef et al., 2004). En conclusion, les émotions sont de puissantes informations lors de nos interactions sociales et engendrent des effets tant au niveau intrapersonnel qu’interpersonnel.

2.3.3 Les compétences émotionnelles dans la négociation

Compte tenu de l’importance des émotions lorsqu’on interagit avec une personne, il paraît important de pouvoir les gérer au mieux ce qui relate des compétences émotionnelles. Certaines recherches se sont alors tournées vers le lien existant entre les compétences émotionnelles et les résultats d’une négociation. Par exemple, de bonnes capacités émotionnelles permettraient de faire de meilleures inférences sur les priorités de son adversaire et ainsi de mieux réguler la négociation (Kim et al., 2015). Une autre recherche, celle de Schlegel et al. (2018) s’est intéressée à la valeur prédictive de l’intelligence émotionnelle (IE) sur les résultats économiques et relationnels d’une négociation employé-recruteur, avec l’hypothèse qu’elle serait un meilleur prédicteur que la capacité mentale générale (GMA). Les résultats vont dans le sens de leur hypothèse en démontrant que l’IE permet de mieux prédire les résultats de la négociation, par rapport au GMA qui n’a pas de lien. Curhan et Mueller (2006) quant à eux, nous ont démontré l’influence de l’IE sur les résultats affectifs et évaluatifs de son homologue en négociation. Entre autres, une bonne compréhension des émotions a prédit la satisfaction des résultats de son homologue, l’évaluation de la sympathie ainsi que le désir de renégocier avec la personne ultérieurement. Dans le même ordre d’idées, Kim et al. (2015) retrouvent ce type d’influence de l’IE sur les résultats sociaux de la négociation. Lorsqu’un négociateur a un bon niveau en IE il est évalué comme étant plus honnête, fiable et sympathique et permet à son adversaire de ressentir des émotions positives et d’être plus à l’aise pour discuter des problèmes.

Toutes ces études démontrent que les compétences émotionnelles sont tout autant nécessaires que le comportement ou les gestes adoptés lors de l’interaction afin de réguler la négociation (Kelly & Kaminskiené, 2016).

Parmi les compétences émotionnelles, la branche de la perception apparaît comme la première compétence dans la trajectoire évolutive car elle appartiendrait à un niveau de complexité inférieur et serait par conséquent accessible plus tôt dans le développement (Mayer et al., 2008). C’est peut-être pour cet aspect qu’elle a fait l’objet d’études depuis de nombreuses années venant dépasser le nombre d’exploration des autres branches. Principalement, elle a été étudiée à travers les capacités de reconnaissance des émotions. D’ailleurs, Schlegel et Mortillaro (2019) placent cette compétence au premier rang dans leur test d’évaluation élaboré avec le GECo. Beaucoup de recherches ont démontré l’importance d’une bonne reconnaissance des émotions pour des résultats interpersonnels positifs (Schlegel & Scherer, 2016). De même,

21 lors d’un processus de négociation, une meilleure capacité de reconnaissance des expressions faciales a un effet positif sur la performance objective des individus (Elfenbein et al., 2007).

Puis pour revenir sur l’étude de Schlegel et al. (2018), la capacité de reconnaissance des émotions testée indépendamment des capacités d’intelligence émotionnelle (MSCEIT) grâce au GERT a prédit les résultats de la négociation de manière plus cohérente et précise.

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