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Mutation G207V, phosphorylation et agrégation de la protéine Tau

Partie 1 : Hyperphosphorylation et aggrégation de Tau

A. Mutation G207V, phosphorylation et agrégation de la protéine Tau

i. La mutation G207V ouvre le tournant du motif AT8 di-phosphorylé

Après phosphorylation de la Ser202 et de la Thr205, le groupement phosphate porté par la chaine latérale de la pThr205 va former une liaison hydrogène avec le proton amide de la Gly207 ce qui se traduit au niveau du spectre 2D 1H-15N HSQC par une variation du déplacement chimique du proton amide de cette glycine à 9,4 ppm (Qi et al., 2016). Au-delà de ces résidus, les Arg209 et Arg211 stabilisent cette liaison hydrogène, effet retrouvé dans le modèle eIF4-E/4E-BP2, base de notre étude (Bah et al., 2015). Comme précédemment évoqué, les auteurs ont montré que le remplacement de la glycine par une valine rendait impossible la formation du tournant et empêchait donc le repliement local de la protéine.

Par conséquent, nous nous sommes donc penché sur le rôle de cette mutation dans notre modèle Tau en démarrant par une étude comparative des peptides AT8 et AT8-G207V di-phosphorylés sur les résidus Ser202 et Thr205 :

192GDRSGYSSPGSP[G/V]TPGSRSRT211. La destruction du tournant dans le peptide

AT8-G207V se caractérise par l’absence de contact NOE entre le méthyle de la chaine latérale de la pThr205 et le proton amide de la Val207 ainsi que par l’absence

d’un pic NOE entre les protons amide de la Val207 et de la Ser208 (figure 49-A). De plus, la variation de déplacement chimique plus importante du proton amide la pThr205 dans le cas G207V indique que ce proton interagit (liaison hydrogène) de manière plus forte avec le groupement phosphate de la chaine latérale, qui dans le cas non muté (G207) forme une liaison hydrogène avec l’Arg209 (figure 49-A-B).

Figure 49 : Conséquences structurales de la mutation G207V et des différents sites de phosphorylation sur la structuration du peptide AT8. A-Superposition des spectres TOCSY 2D 1H/1H des peptides AT8-G207V natif (noir) et AT8-G207V-2P di-phosphorylé pSer202/pThr205

(magenta). B-Superposition des spectres 2D 1H TOCSY des peptides AT8 natif (bleu) et AT8-2P di-

phosphorylé pSer202/pThr205 (rouge). C- Superposition des spectres 2D 1H TOCSY des peptides AT8 natif (bleu) et AT8-3P tri-phosphorylé pSer202/pThr205/pSer208 (vert). Le spectre 1D situé au dessus de chaque spectre TOCSY est une trace 1D extraite du spectre NOESY correspondant.

Afin de vérifier l’effet de cette mutation sur le tournant AT8 di-phosphorylé, nous avons décidé d’introduire cette mutation dans le fragment TauF8-C291A [192- 324]. Ce fragment est une version allongée porteur de l’épitope AT8 du fragment fonctionnel TauF4 [208-324] déjà utilisé au laboratoire et ayant démontré ses propriétés pro-agrégation. La mutation C291A permet d’assurer la formation du pont disulfure intermoléculaire par le biais de l’unique Cys322. L’incubation de TauF8- C291A avec ERK2 permet d’obtenir le profil de phosphorylation suivant : pSer199-

obtenons donc un épitope AT8 di-phosphorylé. L’attribution par RMN de cette protéine et la quantification du niveau de phosphorylation a permis de montrer que les résidus Ser202 et Thr205 étaient quantitativement modifiés et que le tournant était ainsi systématiquement formé par l’observation de la variation de déplacement chimique du proton amide de la Gly207 (figure 50-A). De la même manière, la mutation G207V du fragment F8-C291A ne gène en aucun cas la phosphorylation par ERK2 et aboutit à un profil de phosphorylation tout à fait comparable, sans variation de déplacement chimique du proton amide de la Val207 comparable à celui de la Gly207 (figures 50-B-C). Tout comme pour le peptide AT8, on note le la variation de déplacement chimique du proton amide de la pThr205 plus important dans le cas G207V ce qui apporte une indication supplémentaire que le tournant caractéristique de la forme AT8 di-phosphorylé est cassé par la mutation (figures

49-A-B & 50-A-B).

Figure 50 : La mutation G207V ouvre le tournant AT8 di-phosphorylé pSer202/pThr205. A- Spectre 2D 1H-15N HSQC de TauF8-C291A phosphorylé par ERK2. B-Spectre 2D 1H-15N HSQC de

TauF8-C291A-G207V phosphorylé par ERK2. On remarque la différence de déplacement chimique

du proton amide de la pThr205, plus déblindé dans le cas TauF8-C291A-G207V phosphorylé par ERK2. C-Quantification relative du niveau de phosphorylation des fragments TauF8-C291A et TauF8- C291-G207V phosphorylés par ERK2.

ii. L’ouverture du tournant par la mutation G207V combinée à la phosphorylation par ERK2 entraine l’agrégation

Afin de déterminer si la destruction du tournant AT8 par la mutation avait des conséquences fonctionnelles, notamment sur l’agrégation, nous avons décidé de faire agréger les deux fragments F8-C291A et F8-C291A-G207V phosphorylés par ERK2 en absence d’inducteur polyanioniques tels que l’héparine. Les deux fragments ont ainsi été incubés en présence de la kinase ERK2 activée, issue d’une même production afin d’obtenir des profils de phosphorylation similaires. Après 18h d’incubation, le mélange réactionnel TauF8-C291A-G207V présentait une quantité de fibres très importantes, visibles à l’œil nu au fond de l’eppendorff : le mutant G207V agrège donc durant la phosphorylation. De manière à confirmer ces premiers résultats nous avons refait l’expérience en réalisant l’étape de phosphorylation en présence de ThioflavinT (ThT) de manière à pouvoir suivre l’agrégation par fluorescence (figure 51-A).

Figure 51 : Agrégation du fragment TauF8-C291A-G207V durant l’étape de phosphorylation. A-Cinétique d’agrégation des fragments natifs et mutants durant l’étape de phosphorylation, suivie par émission de la thioflavine T à 490nm. B-C-D-Observations en MET des milieux réactionnels après 20h d’incubation. On note l’absence de fibre pour le fragments TauF8-C921A (B) en fin de phosphorylation et la présence en masse de fibres pour le mutants G207V (C-D) prouvant donc que l’agrégation a lieu durant la phosphorylation.

L’augmentation de l’émission de la ThT à 490nm n’est observable que dans le cas du mutant G207V en cours de phosphorylation après 10h d’incubation. Cette augmentation du signal est confirmée par les observations en MET qui révèlent la présence de fibres en grande quantité par opposition à la forme non-mutée du fragment qui ne donne pas de fibres (figures 51-B-C-D). La diminution du signal pour le fragment non muté et le contrôle négatif peut s’expliquer par la dégradation des enzymes au cours du temps qui entraine donc une chute de l’émission initiale.

B. Conséquences structurales et fonctionnelles du troisième site de