• Aucun résultat trouvé

Même si phosphorylation, acétylation et O-GlcNAcylation se posent en tant que modifications post-traductionnelles principales impliquées dans la modulation des propriétés de la protéine Tau, il n’en est pas moins qu’il existe d’autres modifications, moins étudiées et moins répandues, pouvant être regroupées en deux catégories : covalentes et non covalentes. Parmi les modifications covalentes, dont font parties les 3 modifications précédemment décrites, on distinguera les modifications par ajout d’un groupement chimique, glucidique ou peptidique. Par opposition, les modifications non covalentes consistent en une modification de la structure primaire (clivage) ou conformationnelle locale de la protéine par modification de l’équilibre cis-trans des prolines. En effet, étant une protéine

intrinsèquement désordonnée, Tau possède 43 prolines soit 10% de sa séquence qui seront la cible de diverses PPIases.

i. Modifications covalentes par ajout d’un groupement chimique a. La méthylation

La méthylation des protéines est une modification post-traductionnelle ciblant principalement les résidus lysines et arginines. Elle consiste en un transfert d’un groupement méthyle, diméthyle sur la chaine latérale des acides aminés cibles. On note que les lysines peuvent aussi être modifiées par triméthylation (Guo et al., 2014). Ces réactions sont catalysées par deux familles d’enzymes : les PRMTs (protein arginines méthyltransferases) et les PKMTs (protein lysines méthyltransferases). Pendant longtemps la méthylation des protéines était considérée comme irréversible jusqu’à la découverte en 2007 des déméthylases (Anand and Marmorstein, 2007). La méthylation des protéines est surtout impliquée dans la régulation de la transcription en ciblant spécifiquement les résidus lysines des histones. En effet, l’interaction électrostatique entre l’ADN, chargé négativement, et les chaines latérales des résidus lysines des histones entraine l’inhibition de la transcription par compaction de l’ADN. Dans le cas de la méthylation, cette inhibition est levée car l’interaction électrostatique est rompue ce qui permet un dépliement de la molécule d’ADN et donc la transcription.

La méthylation de la protéine Tau est une modification post-traductionnelles très récemment décrite. Peu d’études se sont penchées sur les conséquences fonctionnelles de cette modification. En 2012, Thomas et collaborateurs ont montré, par l’analyse en spectrométrie de masse de PHFs isolées de patients atteints de la maladie d’Alzheimer que 7 lysines étaient méthylées : Lys44, Lys163, Lys174, Lys180, Lys254, Lys267 et Lys290 (Thomas et al., 2012). Par comparaison avec l’étude de Funk et collaborateurs qui identifient 11 sites de méthylation sur Tau isolée de personnes saines (Funk et al., 2014), on conclut donc à une diminution de la méthylation de Tau dans la maladie d’Alzheimer. De plus, via l’utilisation de la voie chimique (alkylation réductive des groupements amines de chaines latérales de lysines), ils ont introduit différents méthyles sur la protéine Tau dans des proportions stoechiométriques différentes et ont montré, d’une part, que la méthylation protège

de l’agrégation, dans un modèle induit au thiazine red, et d’autre part qu’elle n’est pas incompatible avec l’activité MAP de Tau (figure 34) (dans des conditions de stoechiométrie physiologique) (Funk et al., 2014).

Figure 34 : Modulation des propriétés de Tau par méthylation. Les fonctions amines des chaines latérales des lysines sont méthylées par réaction d’alkylation réductive. A et B représentent la capacité de polymérisation des microtubules. Pour les conditions inférieures à 8,8 moles de méthyle par mole de Tau (physiologique) on constate que l’activité n’est pas perturbée. De plus les tests d’agrégation montrent, toujours dans les mêmes conditions de méthylation, que l’agrégation de Tau est inhibée, quel que soit l’état de méthylation (C, D, E, F, G). (figure adaptée de (Funk et al., 2014))

Ainsi du point de vue fonctionnel, la méthylation serait donc protectrice de la pathogénicité de Tau par compétition avec d’autres modifications post- traductionnelles décrites comme impliquées dans la maladie notamment l’acétylation et l’ubiquitination qui ciblent, elles aussi, les lysines de la protéine. Cet aspect sera développé avec la notion de compétition et de dialogue entre les différentes modifications post-traductionnelles.

b. La polyamination

La polyamination des protéines est catalysée en 2 étapes par les transglutaminases (TGs) : une première réaction avec les glutamines pour former un intermédiaire covalent suivie d’une réaction avec la fonction amine (nucléophile) des chaines latérales des lysines. Cette réaction aboutit à la formation d’une liaison isopeptidique γ-glutamyl-ε-lysine. Murthy et collaborateurs ont identifié sur la protéine Tau 10 lysines localisées autour du domaine de liaison aux microtubules et 8

glutamines, dont les principales sont respectivement les Lys163, Lys240 et les Gln351 et Gln424 (Murthy et al., 1998). A ce jour, peu d’études sur le rôle physiologique de la polyamination de Tau ont été publiées. Dans un modèle cellulaire SH-SY5Y, il a été démontré que la polyamination joue un rôle protecteur contre la dégradation sans altérer la capacité de liaison aux microtubules (Tucholski et al., 1999). En revanche, il est facile d’imaginer la formation d’un véritable réseau de protéine Tau grâce à cette modification, ce qui l’implique donc potentiellement dans la formation des PHFs, véritable enchevêtrement de Tau pathologique. Dans un modèle de souris transgéniques exprimant Tau P301L, il a été démontré que les transglutaminases sont impliquées dans la formation et la stabilisation des PHFs à partir de protéine Tau phosphorylée (Halverson et al., 2005). De plus, Johnson et collaborateurs, par l’analyse de l’activité transglutaminase de cortex préfrontaux recueillis chez des patients atteints par la maladie d’Alzheimer, ont démontré une activité enzymatique accrue dans le cas pathologiques (Johnson et al., 1997). Ces différentes études proposent le mécanisme de polyamination comme impliqué dans la formation des PHFs.

ii. Modifications covalentes par ajout d’un groupement glucidique a. La N-glycosylation

La N-glycosylation des protéines consiste en l’ajout d’un groupement glucidique sur les résidus asparagines. Cette modification a lieu essentiellement au niveau du reticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi. Il a été démontré que Tau n’est pas N-glycosylée dans le cas sain mais que cette modification est retrouvée chez les patients Alzheimer (Sato et al., 2001; Wang et al., 1996). Le traitement à la PNGase-F de PHFs isolés de cerveaux de patients malades entraine leur dissociation (Wang et al., 2010). En revanche, le mécanisme liant la N- glycosylation à l’agrégation de la protéine Tau n’est pas clairement établi. A l’inverse de l’O-GlcNAcylation, la N-glycosylation joue un rôle délétère sur la phosphorylation de Tau : Liu et collaborateurs ont montré que cette glycosylation pathologique entraine une phosphorylation accrue des résidus Ser214, Ser262/Ser356 (épitope 12E8) par PKA mais surtout une inhibition de la déphosphorylation des Ser198, Ser199 et Ser202 (épitope AT8) par PP2A et PP5 (Liu et al., 2002).

b. La glycation

A l’inverse de toutes les modifications post-traductionnelles présentée jusqu’à présent, la glycation n’est pas catalysée par une ou plusieurs enzymes. Elle consiste en la réaction des chaines latérales de lysines avec un groupement glucidique. Cette modification fut initialement découverte lors de l’étude du lien entre la glycémie et la concentration en hémoglobine Alc (HbA1c, hémoglobine glyquée) chez les patients diabétiques (Koenig et al., 1976). Du point de vue fonctionnel, il a été démontré que la glycation des protéines perturbait les propriétés biologiques et était liée à de nombreuses pathologies telles que l’athérosclérose, le diabète, diverses pathologies liées à l’âge… mais surtout impliquée dans les neuropathies (Brownlee et al., 1988; Lee and Cerami, 1992).

In vitro douze sites de glycation ont été identifiés sur Tau dont sept sont localisés dans le domaine de liaison aux microtubules ce qui pourrait potentiellement perturber son activité MAP (Nacharaju et al., 1997). Cette modification a pour conséquence de bloquer le processus de dégradation et donc favoriser l’accumulation de Tau au niveau cellulaire. De plus, cette protéine Tau glyquée est sensible à l’oxydation ce qui entraine la production de radicaux libres, très toxiques pour la cellule (Smith et al., 1996). Ainsi même si la glycation promeut l’accumulation d’agrégats de Tau, il a été démontré qu’à elle seule, elle n’est pas capable de déclencher l’agrégation (Necula and Kuret, 2004).

iii. Modifications covalentes par ajout d’un groupement peptidique a. L’ubiquitination

L’ubiquitination des protéines consiste en l’ajout d’une ou plusieurs petites protéines de 76 acides aminés, l’ubiquitine, préférentiellement sur les résidus lysines mais aussi, dans le cas des histones par exemple, sur les serines, thréonines et cystéines (Cadwell and Coscoy, 2005). Cette modification post-traductionnelle est séquentiellement catalysée par trois grandes classes d’enzymes : E1-, E2- et E3- ligases. Les USP (ubiquitin specific peptidase) catalysent la réaction inverse ce qui permet donc la désubiquitination des protéines et le recyclage de l’ubiquitine.

Plusieurs fonctions sont attribuées à cette modification post-traductionnelle dont la plus connue est la dégradation des protéines ubiquitinées par la voie protéasomale.

En conditions physiologiques, il a été démontré que Tau, phosphorylée ou non, peut être dégradée suivant la voie protéasomale « classique » nécessitant l’ubiquitination préalable de la protéine (Zhang et al., 2005). De plus, David et collaborateurs ont montré que Tau, ainsi que d’autres protéines intrinsèquement désordonnées, peuvent être directement dégradées par le cœur catalytique 20S du protéasome, sans ubiquitination (David et al., 2002). L’analyse par spectrométrie de masse de Tau purifiée de PHFs révèle la présence de trois sites d’ubiquitination dans sa partie C-terminale au niveau des lysines Lys254, Lys311 et Lys353 du domaine de liaison aux microtubules (Cripps et al., 2006). Concernant la longueur des chaines polyubiquitines identifiées sur ces résidus, les auteurs ont montré que celles-ci étaient principalement modifiées par trois polyubiquitination majeures : 6, 11 et 48 modules d’ubiquitine, cette dernière étant majoritaire et servant de signal déclencheur pour la dégradation (Cripps et al., 2006). Une question se pose donc : « Pour quelle(s) raison(s) la protéine Tau essentiellement ubiquitinée par des chaines polyUb(48) n’est-elle pas dégradée ? ». Plus récemment, il a été montré que la polyubiquitination par des chaine polyUb(6) inhibe la voie de dégradation protéasomale (Shang et al., 2005) ce qui suggère donc que ce type d’ubiquitination serait impliquée dans l’accumulation de Tau.

b. La SUMOylation

La SUMOylation des protéines est une modification post-traductionnelle très proche de l’ubiquitination. En effet, elle vise aussi les résidus lysines et implique une cascade enzymatique similaire à l’ubiquitination. Elle consiste donc en l’ajout de peptide SUMO (small ubiquitin-like modifier, 12 kDa) sur les lysines d’une protéine cible. A ce jour, quatre protéines SUMO ont été caractérisées : SUMO-1 à -4. Tout comme l’ubiquitination, cette modification est réversible par l’action des protéases de la famille SENP (Sentrin protease). Cette modification intervient notamment dans le contrôle de l’activité enzymatique, la localisation cellulaire ou encore la modulation de la stabilité des protéines cibles (Dorval and Fraser, 2006).

Par l’utilisation du modèle cellulaire HEK293 cotransfecté par un vecteur Tau/SUMO-his, Dorval et collaborateurs ont identifié la lysine 340 comme site majeur de SUMOylation (SUMO-1) de Tau (Dorval and Fraser, 2006). De plus, les auteurs ont montré que celle-ci est stimulée par la phosphorylation, ce qui suggère donc un lien entre phosphorylation et SUMOylation (Dorval and Fraser, 2006). Ces résultats ont été confirmés dans le modèle de souris transgéniques hAPP par Takahashi et collaborateurs qui observent une colocalisation de SUMO-1 et phospho-Tau par marquage immunohistochimique de coupes de cerveaux (Takahashi et al., 2008). Même si ces deux modifications semblent liées, à ce jour aucune hypothèse impliquant la SUMOylation dans le mécanisme d’agrégation n’est formulée. Etant donné la compétition entre ubiquitination et SUMOylation, on peut imaginer un mécanisme de compétition liant ces deux modifications et entrainant ou non l’accumulation de la protéine qui sera par la suite phosphorylée. Cet aspect sera développé dans la partie portant sur le dialogue entre les modifications post- traductionnelles.

iv. Modification par changement conformationnel : les peptidylprolyl

cis-trans isomérases (PPiases)

Pour rappel, la séquence primaire d’une protéine est constituée par l’enchainement d’acides aminés reliés entre eux par une liaison peptidique pouvant exister sous deux conformations : cis ou trans (figure 35). Cependant, du fait de l’encombrement stérique induit par les chaines latérales, la conformation trans est très nettement favorisée. A la différence des autres acides aminés, la proline possède une fonction amine secondaire cyclique : sa chaine latérale est donc plus compacte (moins de degrés de liberté). Du point de vue structural, cette particularité confère à la proline l’avantage de pouvoir adopter, dans certains cas, une conformation cis. Cette dynamique cis-trans ainsi que l’absence de fonction amide N- H donneur/accepteur de liaisons hydrogènes rendent la proline incompatible avec l’adoption de structures secondaires rigides telles que les hélices-α et les feuillets-β. C’est pourquoi la séquence primaire des protéines intrinsèquement désordonnées est caractérisée par un fort taux de prolines, 43 sur 441 pour Tau. L’inter-conversion de la liaison peptidique X-Pro (X étant un acide aminé différent de la proline) est catalysée par les peptidylprolyl cis-trans isomérases (PPiases). Plusieurs groupes de

PPiases ont été identifiées : les parvulines, les FK506 Binding proteins (FKBP) et les cyclophilines (Cyp), ces deux derniers groupes faisant parties de la famille des immunophilines (Lu et al., 2007).

Figure 35 : Isomérisation de la liaison peptidique X-Pro catalysée par les peptidylprolyl cis-

trans isomérases (PPiases) (Lu et al., 2007).

A ce jour, la protéine Tau a été décrite comme cible de la parvuline Pin1 (peptidylprolyl cis-trans isomerase NIMA interacting 1) et de trois immunophilines FKBP : FKBP12, FKBP51 et FKBP52.

En effet, Pin 1 isomérise spécifiquement le lien peptidique pSer/pThr-Pro. En 1999, Lu et collaborateurs démontrent in vitro et par marquage immunohistologique de coupes de cerveaux que Tau phosphorylée est la cible de Pin1 et définissent la pThr231 comme le site d’interaction principale de l’interaction (Lu et al., 1999). Cependant, des études menées par résonance magnétique nucléaire au sein de notre laboratoire ont montré une absence de spécificité de reconnaissance des phospho-épitopes par Pin1 (Smet et al., 2004, 2005). En effet, Smet et collaborateurs démontrent tout d’abord une interaction avec plusieurs phospho- peptides de Tau contenant les motifs pThr212-Pro213, pThr217-Pro218 et pThr231- Pro232. De plus, ils démontrent que le dipeptide pThr-Pro est reconnu avec une affinité similaire à celle déterminée sur les peptides de Tau. En revanche, même si l’interaction ne semble pas si spécifique, l’activité PPiase de Pin1 n’est pas observée dans tous les cas et n’est mise en évidence in vitro qu’au niveau de l’épitope AT100 (pThr212-Pro213-pSer214-Leu215) ce qui semble élargir le domaine d’action de Pin1 par rapport à l’étude de Lu et collaborateurs (Lu et al., 1999). De manière générale, l’activité PPiase de Pin1 sur un motif pThr/pSer-Pro de Tau va donc accélérer l’inter-conversion cis-trans de la liaison peptidique ce qui entraine donc une modification locale de la structure et donc une meilleure accessibilité au motif

phosphorylé pour d’autres partenaires tels que les phosphatases trans-spécifiques telle que PP2A (Landrieu et al., 2011; Zhou et al., 2000). En effet, par l’utilisation d’un modèle neuronal, Hamdane et collaborateurs ont démontré l’existence d’un lien entre l’expression de Pin1 et la déphosphorylation de Tau, plus spécifiquement au niveau du motif pThr231-Pro232 (figure 36-A) (Hamdane et al., 2006). Il s’avère que cette déphosphorylation est permise par l’intervention de la protéine phosphatase PP2A dont l’action est induite par l’activité PPiase de Pin1 (Bulbarelli et al., 2009). Cette déphosphorylation de la pThr231 a pour conséquence la restauration de la capacité de liaison aux microtubules (figure 36-B) (Lu et al., 1999). Pour mémoire, ce motif pThr231 a été identifié comme un site précocement phosphorylé dans la maladie d’Alzheimer (Goedert et al., 1994) ce qui suggère donc un rôle protecteur de Pin1 vis-à-vis de la phosphorylation et donc de l’agrégation de Tau. Cette hypothèse est renforcée par l’étude menée par Liou et collaborateurs qui démontrent que des souris n’exprimant plus Pin1 (knock-out Pin1) présentent des signes de dégénérescence neurofibrillaire (figure 36-C) (Liou et al., 2003).

Figure 36 : Conséquence de l’activité PPiase de Pin1 sur la phosphorylation de la protéine Tau (A), sa capacité de liaison aux microtubules (B) et sur le déclenchement de la dégénérescence neurofibrillaire (C). A-Analyse par western blot de la phosphorylation de Tau après induction de l’expression de Pin1 par la tétracycline. On constate la déphosphorylation spécifique de la pThr231 48h après l’induction de Pin1 (Hamdane et al., 2006). B-Capacité d’assemblage des microtubules en présence/absence de Pin1 et de Tau native ou phosphorylée par Cdc-2. On constate qu’en présence de Pin1, phospho-Tau est de nouveau capable de polymériser les microtubules (Lu et al., 1999). C- Coloration « Gallyas silver » des neurones d’une coupe de cerveau de souris sauvage ou KO-Pin1. On constate le développement d’une dégénérescence neurofibrillaire chez les souris n’exprimant plus Pin1 (Liou et al., 2003).

Concernant le groupe des FK-506 binding protein (FKBP), ces immunophilines possèdent une double fonction à l’origine de leur dénomination. En effet, en plus de leur activité PPiase, elles sont capables de se lier à l’immunosuppresseur FK-506 qui cible la calcineurine plus connue sous le nom de protéine phosphatase 2B (PP2B). Différentes études ont montré un lien entre cette molécule et la régulation de Tau et Aβ in vivo mais les conclusions de ces études sont quelques peu contradictoires. Dans un modèle de souris transgénique TauP301S, Yoshiyama et collaborateurs ont démontré une diminution de la pathologie Tau par traitement au FK-506 (Yoshiyama et al., 2007). En revanche, dans des souris sauvages, Luo et collaborateurs ont montré l’effet inverse (Luo et al., 2008) : l’injection intracérébrale de FK-506 conduit à une inhibition de PP2B qui se traduit par une augmentation de la phosphorylation de Tau et l’apparition de certains phospho-épitopes pathologiques tels que la pSer262 (12E8), pSer199, pSer202 et pSer396/404 (PHF-1). Même si les conclusions de ces deux études sont différentes, elles démontrent l’implication des FKBPs dans la protection/déclenchement de la pathologie Tau.

FKPB52, probablement l’immunophiline de la famille FKBP la plus étudiée, est composée de trois domaines, TPR (comme celui de certaines OGTs) et PPiase. Elle est codée par le gène FKPB4 dont l’expression est élevée au niveau cérébral. Initialement FKBP52 est décrite comme impliquée dans la translocation nucléaire du récepteur aux glucocorticoïdes (Tatro et al., 2009). Chambraud et collaborateurs ont démontré que cette immunophiline est aussi impliquée dans une interaction avec Tau se traduisant par une inhibition in vitro de sa capacité à polymériser les microtubules (figure 37-A) (Chambraud et al., 2010). De plus, l’extinction du gène FKBP4 et donc l’absence de FKPB52 dans un modèle zebrafish P301L restaure l’activité synaptique (Giustiniani et al., 2014). Les auteurs montrent aussi que cette absence de FKBP52 est à relier à une diminution de phosphorylation de la pThr181. Pour finir, in vitro il a été démontré que FKBP52 induit l’agrégation de la protéine TauP301L (figure 37-B-C) (Giustiniani et al., 2014). Ces résultats suggèrent donc un rôle pathologique de l’immunophiline dans la maladie d’Alzheimer.

Figure 37 : Effets de FKBP52 sur la capacité de polymérisation des microtubules (A) et sur la capacité d’agrégation (B et C) de Tau. A-Test de polymérisation de la tubuline. La tubuline est extraite de cerveaux de rats et incubée avec (losanges blancs) ou sans (losange gris) Tau et en présence de Tau+FKPB52 (triangle noirs). On constate une inhibition de la polymérisation de la tubuline en présence de FKBP52 (Chambraud et al., 2010). B- et C-Test d’agrégation in vitro de Tau P301L avec ou sans FKBP52 dans un modèle sans héparine et observations en microscopie électronique en transmission. On constate que FKPB52 déclenche l’agrégation de la protéine Tau P301L (Giustiniani et al., 2014).

Mais en 2012, l’étude par immunohistofluorescence menée par la même équipe sur des coupes de cerveaux de patients décédés de la maladie d’Alzheimer nuance ce potentiel rôle de FKBP52. En effet, les auteurs ont montré une diminution de l’expression de FKBP52 au niveau cérébral chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer (Giustiniani et al., 2012). De plus, ils constatent que FKBP52 co-localise avec Tau chez les patients sains mais pas chez les sujets malades. Tout ceci révèle donc la complexité du mécanisme liant FKPB52, Tau et la maladie d’Alzheimer.

FKPB51, homologue de FKBP52 codée par le gène FKPB5, est aussi très exprimée au niveau cérébral où elle est impliquée dans le processus de régulation de l’activité du récepteur aux glucocorticoïdes (Tatro et al., 2009). Le lien entre cette deuxième immunophiline et Tau a aussi été exploré notamment par Jinwal et collaborateurs qui ont montré dans un modèle cellulaire surexprimant FKBP51 une accumulation de Tau (moins de dégradation) ainsi qu’une modulation de la phosphorylation des résidus Ser396, Ser404, Thr231 et Ser212. En effet, les auteurs montrent qu’un mutant FKBP51 W90A ou F130A qui n’a plus d’activité PPiase, favorise la phosphorylation des résidus précédemment cités (Jinwal et al., 2010). Ces résultats suggèrent donc un rôle protecteur de FKBP51 contre la dégradation et la phosphorylation de Tau. Cette hypothèse est confirmée par l’étude menée in vivo

par Blair et collaborateurs sur des souris transgéniques FKBP51-/-. En effet, une

nouvelle fois les auteurs démontrent une diminution de la quantité de Tau chez les souris mutantes par rapport au contrôle ce qui souligne une nouvelle fois le rôle