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II. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

5.8 mTOR, entre inflammation et cancer

5.8.1 Généralités sur mTOR et les pathologies inflammatoires

Etant un contrôleur des processus de croissance et du métabolisme, mTOR est associée à de nombreuses pathologies : les cancers, la neurodégénération, le diabète ou le vieillissement cellulaire. La Rapamycine a été développée à l’origine comme un immunosuppresseur, ce qui indique que mTOR joue un rôle important dans le système immunitaire. La protéine est essentielle pour la survie, la production de cytokines et la migration des neutrophiles (Säemann MD et al, 2009) ou encore des mastocytes (Kim MS et al, 2008). Elle est impliquée dans les fonctions du monocyte et des cellules dendritiques plasmacytoïdes (Weichhart, Säemann, 2009). Ainsi, dans de nombreuses pathologies inflammatoires, l’activation de mTOR est dérégulée.

L’utilisation de la Rapamycine chez les patients transplantés (rein, foie ou cœur) a été associée à une augmentation de la fréquence d’infections bactériennes telles que des pneumopathies (Weiner SM et al, 2007). A l’inverse, les voies d’activation de mTOR sont suractivées dans les maladies auto- immunes comme le lupus érythémateux disséminé (Fernandez D, Discov Med 2010). Une activation indésirable de mTOR est également observée lors de la pose de stent ; elle est liée à une réaction inflammatoire avec un développement d’affections de resténose causée par une hyperplasie et une réaction immunitaire. De nouvelles générations de stents sont couplées avec de la Rapamycine afin de réduire la cause de la resténose (Morice MC, N Engl J Med 2002).

5.8.2 Relations entre mTOR et cancer

Les voies de signalisation qui débouchent sur l’activation de mTOR sont fréquemment dérégulées durant les tumeurs malignes comme bénignes. En parallèle, plusieurs processus régulés par mTOR participent à la croissance incontrôlée des tumeurs bénignes ou malignes. Ainsi, via S6K et 4E-BP1, mTOR contrôle la prolifération cellulaire et la synthèse de lipides via la synthèse de

103 SREBP1. Enfin, mTOR régule négativement l’autophagie par lequel le corps limite la croissance des tumeurs. Ces éléments mettent en avant l’importance de mTOR dans la régulation du métabolisme et, par conséquent, l’importance du métabolisme dans les cancers. Les voies de signalisation, permettant l’activation de mTOR sont fréquemment altérées par des mutations dans de nombreux cancers et entrainent la suractivation de la kinase. Cela implique des mutations au niveau de PI3-K, PTEN ou encore AKT. Par exemple, dans les hépatocarcinomes et le cancer du sein PI3KCA, c’est la sous unité catalytique de PI3-K la plus fréquemment mutée (Steelman LS et al, 2011). La littérature ne rapporte que très peu de cas où mTOR est directement mutée durant les cancers. On retrouve une mutation de mTOR dans les adénocarcinomes intestinaux et les carcinomes rénaux (Sato T et al, 2010).

Devant l’importance de mTOR dans le développement des cancers, de nombreuses thérapies basées sur son inhibition ont été testées, mais leur efficacité est restée modeste en comparaison de l’importance de la kinase (Thomas GV et al, 2006). En effet, le blocage de l’activité de mTOR réduirait la croissance cellulaire mais ne serait pas en mesure d’induire la mort des cellules (Menon S, 2008). De plus, un rétrocontrôle mTORC1 induit un rétrocontrôle négatif de mTORC2 : L’activation de mTORC2 entraîne l’activation de mTORC1 mais son substrat S6K1 a en retour la capacité d’inhiber mTORC2 en phosphorylant Sin1 sur les Thr 86 et 298. En bloquant mTORC1, on lèverait donc le rétrocontrôle de l’activité de mTORC2 qu’il réalise, ce qui amplifierait l’activation d’AKT fortement impliquée dans la prolifération des cellules tumorales (Liu P et al, 2013).

5.8.3 mTOR est un pont entre inflammation et cancer

mTOR est donc à la fois impliquée dans l’inflammation mais également les cancers. Ces deux pathologies sont parfois liées puisque l’invasion des tumeurs par les cellules pro-inflammatoires a une influence sur le développement de certains cancers. Cette infiltration est bénéfique dans certaines tumeurs mais elle peut favoriser la progression de certaines autres tumeurs comme lors du cancer du sein (Linnebacher M et al, 2012). En parallèle, de nombreuses maladies inflammatoires chroniques peuvent s’aggraver et donner place à des cancers comme c’est le cas dans les cas graves de cirrhose hépatique alcoolique qui dégénèrent en hépatocarcinome (Ohhira M et al, 1996).

La kinase mTOR joue un rôle important durant la transition entre inflammation et cancer. En effet, dans un modèle d’infiltration tumorale par les macrophages, Chen et al, ont mis en lumière le fait que l’inhibition de mTOR par la Rapamycine diminuait l’angiogénèse et qu’inversement la suractivation de mTOR dans les monocytes augmente l’angiogénèse. La déplétion des monocytes a été suffisante pour bloquer l’effet pro-angiogénique de mTORC1 sur les tumeurs. (Chen W. et al, 2012). Le TNFα joue un rôle central dans cette transition entre inflammation et cancer. Il s’agit d’une

104 des principales cytokines impliquées dans l’inflammation et produite notamment par les cellules impliquées dans l’inflammation (Macrophages, lymphocytes, cellules NK, neutrophiles, mastocytes… ), Lee DF et al., ont montré que suite à l’exposition des lignées cellulaires tumorales MCF-7 et MDA-MB-453 au TNFα, la protéine IKKβ a la capacité de se fixer sur TSC1 et réprimer son activité via deux phosphorylations au niveau des Ser-487 et 511, ce qui induit l’activation de mTORC1 (Lee DF et al, 2007). Il existe une association clinique entre l’inhibition de TSC1, l’activité accrue de mTORC1, de IKKβ et le taux de survie de patientes atteintes d’un cancer du sein. Le modèle proposé (Schéma 42) suggère ainsi que suite à l’infiltration d’une lignée tumorale par des cellules myéloïdes, le TNFα produit induit la suractivation de mTORC1. La tumeur alors bénigne devient maligne en raison d’un accroissement de la croissance tumorale via une activité pro-angiogénique médiée par S6K1 et 4EBP1 (Lee DF et al, 2007). Les travaux de Chen et al, montrent que STAT3, activé par mTORC1 comme précédemment vu, joue un rôle central dans cette angiogénèse : Son inhibition bloque l’angiogénèse induite par les macrophages (Chen W. et al, 2012).

Schéma 42 : mTORC1 est au carrefour entre maladies inflammatoires et cancers (Lee DF. et al, Cell 2007)

La protéine mTOR est donc impliquée à la fois dans la réponse immunitaire mais aussi dans la transition entre inflammation et cancer. L’usage de médicaments pour inhiber mTOR est alors à double tranchant : Diminution de la prolifération cellulaire dans les cancers mais altération des fonctions des cellules immunitaires. Il est donc très important d’étudier et de comprendre tous les effets potentiels qui découlent de l’usage des inhibiteurs de mTOR dans le cadre thérapeutique.

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