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II. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

6.7 Les neutrophiles dans d’autres pathologies inflammatoires

6.7.1 Le sepsis bactérien

Le sepsis est une condition inflammatoire systémique faisant suite à une infection bactérienne sévère, entrainant un taux élevé de mortalité chez les patients (Rehm J et al, 2009 ; Arvaniti V et al, 2010). Dans cette pathologie, les fonctions des PN sont globalement dérégulées incluant la production de FRO, la microbicidie ou la phagocytose (Rajkovic IA et al, 1986 ; Garfia C et al, 2004 ; Markwick LJ et al, 2015).

Le neutrophile peut être considéré schématiquement sous forme de trois états : Au repos (non stimulé), pré-activé mais non fonctionnelle où il a rencontré un agoniste inflammatoire qui active des voies de signalisation mais pas les systèmes moteurs, et la forme activée, pleinement fonctionnelle. Des dégâts vasculaires peuvent se produire lorsque des neutrophiles pré-activés attachés à la paroi vasculaire rencontre un second agent normalement « primant » (Wyman TH et al, 2002) ; c’est particulièrement le cas durant le sepsis où des molécules pro-inflammatoires comme le LPS circulent dans le sang des patients. Ces neutrophiles ont donc tendance à être plus facilement activables en dehors de leur site supposé d’activation. De plus, l’apoptose des neutrophiles est bloquée chez les patients souffrant d’un sepsis sévère (Biffl WL et al, 1999) alors que cette mort est centrale dans la résolution de l’inflammation. Cette inhibition de l’apoptose est généralement causée par les facteurs circulants et qui incluent notamment le LPS et des cytokines pro-inflammatoires (Sweeney JF et al, 1998).

Les fonctions du neutrophile normalement dédiées à l’élimination des agents pathogènes sont dérégulées durant le sepsis. Dans un modèle de sepsis murin mimant la maladie humaine, Delano MJ et collaborateurs ont pu mettre en évidence une susceptibilité accrue à une seconde infection bactérienne ultérieure (Pseudomonas aeruginosa) liée à la réduction de la production de FRO par la NADPH oxydase consécutive au sepsis. D’autres auteurs ont également pu observer une réduction de l’expression du CXCR2, récepteur à l’IL8 et induisant l’inhibition de la migration durant le sepsis (Alves-Filho JC et al, 2009).

Comme le montre le Schéma 47, dans les conditions normales et suite à une infection bactérienne, de nombreux neutrophiles entrent au site d’infection en adhérant à la surface de

124 l’endothélium activé puis en le traversant pour se diriger vers le foyer d’infection. Chez les patients souffrant d’un sepsis, les fortes concentrations de produits bactériens ou de cytokines pro- inflammatoires dans le sang entrainent l’augmentation de l’expression du CD64 à la surface de la cellule et augmente la force de l’adhésion du PN aux capillaires sanguins. En conséquence, beaucoup de neutrophiles restent fermement accrochés à l’endothélium et sont moins réceptifs aux chimioattractants qui normalement les dirigent jusqu’au foyer d’infection. Une hyperactivation survenant dans ce lieu inapproprié peut conduire à des lésions capillaires.

Schéma 47 : Le recrutement des neutrophiles dans un contexte de sepsis (Adapté à partir de Brown KA et al, Lancet 2006)

C’est ainsi que le prétraitement des neutrophiles par des concentrations d’IL8 similaires à celles retrouvées dans le sang de patients souffrant du sepsis inhibe la migration du neutrophile au travers de la couche endothéliale. Les fortes concentrations de C5a (Ward PA et al, 2004) ou de TNF-

 réduisent la migration des neutrophiles. De ce fait, l’extravasation est fortement réduite et les neutrophiles sont séquestrés au niveau des capillaires sanguins et entrainent l’occlusion de ces capillaires, une hypoperfusion du tissu et une hypoxie (Astiz ME et al, 1995). De manière additionnelle, ces neutrophiles pré-activés pourraient également être activés par leur contact ferme avec la paroi endothéliale et relâcher des facteurs lytiques contribuant aux dommages endothéliaux (Brown KA et al, Lancet 2006)

Réduction de la capacité à infiltrer le tissu

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6.7.2 Les maladies pulmonaires

Les voies respiratoires constituent l’une des premières portes d’entrées des pathogènes et des allergènes dans l’organisme. Ce dernier a mis en place plusieurs types de mécanismes de défense cellulaire au niveau de ce compartiment (Suzuki T et al, 2008). Les neutrophiles y jouent un rôle primordial où ils sont préférentiellement recrutés au niveau du poumon en réponse à des infections et inflammations. Au moins 50% des neutrophiles mâtures adhèrent à la paroi de l’endothélium vasculaire (margination), 33% de ces neutrophiles adhèrent au niveau des capillaires sanguins du poumon ce qui fait du poumon le premier site de l’organisme où on retrouve les neutrophiles marginés (Peters AM and al, 1985), ce recrutement s’opère au niveau des petits capillaires et nécessite une adaptation de la forme de la cellule pour passer dans leur diamètre restreint (de 2 à 15 µm). Cette contrainte pourrait expliquer la forte séquestration des neutrophiles au niveau des poumons (Doerschuk CM, 2000 ; Kolaczkowska E et al, 2013). L’importance des neutrophiles dans l’immunité pulmonaire est mise en évidence chez des patients neutropéniques, c’est à dire présentant une réduction du nombre de neutrophiles circulant dans le sang périphérique. On y observe des infections pulmonaires par des champignons impliquant Aspergillus spp. ou Candida spp. (Lass-Flörl C et al, 2009 ; Cuenca-Estrella M et al, 2008) ou par des bactéries telles que streptococcus pneumoniae, Pseudomonas Spp ou encore Heamophilus influenzae par exemple (Mandell L et al, 2007). Les poumons sont également des organes très fréquemment infectés chez les patients CGD, dont les fonctions antibactériennes dépendantes de la NADPH oxydase sont altérées. Prêt de deux tiers d’entre eux développent effectivement des infections pulmonaires (Mahdaviani SA and al, 2013 ; Magnani A et al, 2014). Les complications pulmonaires associées à ces infections, lorsqu’elles surviennent chez ces patients CGD, sont de faibles pronostiques et fréquemment responsables de séquelles. Godoy et al, ont pu identifier la présence de tissu cicatriciel au niveau des poumons des patients CGD infectés (Godoy MC et al, 2008).

L’infiltration des neutrophiles peut avoir néanmoins des conséquences néfastes dans les maladies chroniques affectant le poumon notamment durant l’asthme. En effet l’augmentation de la quantité de neutrophiles dans le crachat des patients est corrélée à l’obstruction des voies aérienne des patients asthmatiques (Shaw DE et al, 2007 ; Woodruff PG et al, 2001). De plus, une augmentation de la concentration de facteurs chimiotactiques des neutrophiles (IL8, LTB4, IL17A) et de médiateurs de l’inflammation (élastase, MMP-9, GM-CSF et TNF-α) a été mesurée dans le plasma, le lavage bronchoalvéolaire des patients développant un asthme sévère (Teran LM et al, 1997 ; Vachier I et al, 2005 ; Wenzel SE et al, 1990, Howarth PH et al, 2005 ; Morishima Y et al, 2013). Ainsi comme abordé lors du chapitre 3 consacré aux NADPH oxydases, une surproduction de FRO entraine des dommages pulmonaires au cours des ALI (acute lung injury) et ARDS (Acute

126 respiratory distress syndrome) (Carnesecchi S et al, 2012) mais aussi durant l’asthme (Ökrös Z et al, 2011). La fibrose pulmonaire partage le même type de dommages puisqu’elle est caractérisée par l’endommagement du tissu interstitiel pulmonaire tel que l’épithélium alvéolaire, l’endothélium des capillaires sanguins pulmonaires, la membrane basale périvasculaire et les tissus périlymphatiques et qui conduisent au développement de tissus cicatriciels composé de collagène de type I dans le poumon (Lin CH et al, 2013), une perte d’élasticité de l’organe et une diminution des fonctions respiratoires. Il existe ainsi des ressemblances avec la fibrose hépatique. Bargagli E et collaborateurs (Bargagli E et al, 2007), ont pu mettre en évidence une forte hausse de la concentration de protéines carbonylées, biomarqueurs du stress oxydant (Dalle-Donne I et al, 2003), et du nombre de neutrophiles dans le lavage broncho-alvéolaire de patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique. Tanaka K et collaborateurs (Tanaka K et al, 2012), montrent alors, dans une modèle d’induction de la fibrose hépatique chez la souris, que l’inhalation ou l’administration orale de SOD protège ces souris de la fibrose en améliorant l’élasticité de l’organe et en restaurant les fonctions respiratoires. Ces différents travaux suggèrent alors que les FRO produites contribueraient à la mise en place et au développement de la fibrose hépatique.

Au cours de l’inflammation, les neutrophiles libèrent également leur contenu granulaire tel que l’élastase, la protéinase 3 ou encore la cathepsine G contenues dans les granules azurophiles et impliquées dans l’élimination des bactéries. Certaines de ces composés granulaires sont également impliqués dans la réparation tissulaire (Chua F et al, 2006). Cependant malgré leurs fonctions antibactériennes, les protéases sont également impliquées dans les pathologies affectant le poumon notamment en prolongeant l’inflammation pulmonaire (Hirche TO et al, 2004). L’élastase, en particulier, est exprimée à un niveau élevé dans le liquide broncho-alvéolaire et le plasma de patients victimes de dommages pulmonaires ou de syndrome de détresse respiratoire (Lee CT et al, 1981 ; Donnelly SC et al, 1995). Les niveaux d’élastase sont corrélés avec la sévérité des dommages pulmonaires (Donnelly SC et al, 1995). Ainsi, l’effet protecteur de l’inhibiteur de l’élastase (sivelestat également nommé ONO-5046) a pu être observé chez des patients ayant subit un pontage cardio- pulmonaire, connu pour induire des dommages aigus au poumon (Fuji M et al, 2010).

Le rôle important de l’élastase est également illustré dans une pathologie pulmonaire caractéristique : la mucoviscidose. Il s’agit d’une maladie génétique causée par des mutations au niveau du gène CFTR qui est un canal chloride qui régule l’homéostasie des fluides à la surface de l’épithélium pulmonaire (Gadsby DC et al, 2006). L’élastase du neutrophile joue un rôle critique dans la pathologie puisqu’elle est en mesure de dégrader des récepteurs impliqués dans la réponse immune contre la mucoviscidose, tels que les récepteurs CD2, CD4 ou CD8 à la surface des lymphocytes (Döring G et al, 1995) ou encore CD16, CD43 ou le récepteur du TNFà la surface des neutrophiles

127 (Tosi MF et al, 1992). Le Gars M et collaborateurs ont montré que l’élastase du neutrophile a la capacité d’induire la dégradation du CFTR via l’activation des calpaïnes intracellulaires (Le Gars M et al, 2013). Cette découverte est importante puisqu’elle démontre que l’élastase du neutrophile serait capable d’agir directement à l’intérieur des cellules cibles. Ceci soulève des interrogations sur la capacité de l’élastase à dégrader avec les protéines des neutrophiles impliquées dans la lutte antibactérienne telles que la gp91phox, comme on le montre dans une partie de notre étude expérimentale présentée dans le manuscrit 2.

Ainsi, les inhibiteurs des protéases comme l’1-antitrypsine (AAT) ( un inhibiteur naturel des sérine protéases), élafine, SLPP1 (secretory leukocyte proteinase inhibitor) et MNEI (monocytes/neutrophil elastase inhibitor) et particulièrement le NEI (inhibiteur de l’élastase) peuvent être des outils à considérer afin de réduire les dommages causés lors des atteintes pulmonaires. Par exemple une augmentation de l’incidence des emphysèmes pulmonaires est retrouvée chez les patients ayant une déficience pour l’AAT. Les dégâts engendrés par la fumée de cigarette entrainent le développement d’emphysème pulmonaire et suggèrent que l’élastase du neutrophile pourrait être un effecteur principal des dommages protéolytiques du poumon dans cette atteinte (Eriksson S, 1964). Certains travaux ont émis l’hypothèse de vectoriser l’AAT dans des HDL (high density lipoprotein ou Lipoprotéine de haute densité). En effet une activité anti-élastase a pu être identifiée dans les HDL. De plus ces HDL peuvent être enrichis en AAT (Ortiz-Munoz G et al, 2009). Moreno JA, et collaborateurs ont ainsi pu démontrer que l’administration intraveineuse d’HDL enrichis en AAT avait la capacité de réduire l’inflammation pulmonaire induite par l’élastase dans des modèles d’emphysème pulmonaire (Moreno JA et al, 2014). Les HDL se sont accumulés au niveau du poumon des souris et ont permis d’améliorer la disponibilité de l’AAT et ainsi réduire l’emphysème pulmonaire contrairement à l’injection des mêmes concentrations d’AAT sans HDL. De manière intéressante, cette stratégie a contribué à réduire l’activité des MMP-2 et MMP-9, deux métalloprotéinases fortement impliqués dans le développement d’emphysème pulmonaire mais également dans la dégradation de la matrice extracellulaire du foie à l’origine des cicatrices caractéristiques de la cirrhose hépatique (Veidal SS et al, 2011).

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