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Un mouvement plus général de restriction des coûts au sein de la justice

« Chaque pays a finalement la justice qu’il veut bien se financer536 ».

Tel est ce que regrettait un magistrat, préférant rester anonyme, au micro du quotidien Les

Échos. En effet, la somme dont dispose la justice française est largement en deçà de ce qui pourrait

être décidé, et des moyens dont la France dispose. Le budget est en réalité un choix politique. Quels sont les décisions politiques qui ont été prises par les gouvernants ? Quels ont été les facteurs encourageant ces choix budgétaires ?

La France a un Produit Intérieur Brut (ci-après PIB) de 2 582,5 milliards d’euros pour l’année 2018. Celui-ci représente l’ensemble des richesses récoltées par la France en une année. La France se situe au troisième rang européen derrière l’Allemagne (3 677,5 milliards d’euros) et

536 GRADT Jean-Michel, « La justice française, parent pauvre de l’Europe », Les Échos [en ligne], 2016, [consulté

le Royaume Uni (2 622,4 milliards d’euros), et au septième rang mondial537. Elle produit donc

abondamment de richesses. Cependant, les dépenses imputées à la France sont supérieures. La dette nationale est de 2 315,3 milliards d’euros, soit 98,4% du PIB hexagonal538, dont la charge

du remboursement est prévue par les politiques budgétaires. La France est actuellement en déficit, c’est-à-dire que les dépenses dépassent les productions. Pour 2019, il s’élève à 108 milliards d’euros.

L’ère de la “dépense inutile” est donc terminée et tous les ministères sont concernés. Cependant, chaque ministère ne se voit pas attribué le même budget et celui alloué à la justice est l’un des moins importants. La loi de finances de 2019, instaurant les sommes distribuées aux différents ministères, détaille le budget de l’État. La charge de la dette à rembourser est de 42,2 milliards, soit 11,4% des dépenses totales539. La somme prévue pour la justice en 2019 est de 7,

291 milliards d’euros540. Celle allouée au ministère de l’éducation est de 51,7 milliards d’euros541,

au ministère des armées de 35,9 milliards d’euros542. Celle pour le ministère de la culture est de

10 milliards d’euros543. Ces chiffres démontrent que la justice est le « parent pauvre544 » du service

public de l’État. Pire, parmi le budget alloué en 2019, 1,7 milliard d’euros servira directement à la construction de nouvelles prisons et 100 millions d’euros pour la sécurité pénitentiaire. Autrement dit, 24,7% de la somme donnée pour la justice en 2019 seront réservés à l’administration pénitentiaire545.

Par ailleurs, l’enveloppe qu’attribue le gouvernement français à la justice est considérée comme l’une des moindres de l’Union Européenne. Selon le rapport de la Commission Européenne pour l’efficacité de la justice (ci-après CEPEJ) du Conseil de l’Europe, la France allouait à la justice 66 euros par habitant et par an en 2016, tandis que le Royaume Uni, ayant un PIB similaire, octroyait 79 euros par an et par habitant, ou encore l’Allemagne attribuant 122 euros. Chypre, dont le PIB est nettement inférieur à celui de la France, accorde un budget par an et par habitant quasiment similaire à celui de la France, soit 62 euros par habitant et par an546. La

France se classe 14ème sur les 28 États membres, alors qu’elle a le 3ème PIB le plus important de

l’Union Européenne. Ces chiffres attestent du budget très faible doté à la justice par la France.

537 CAPITAL, « La croissance du PIB relevée à 1,6% pour 2018 », Site internet [en ligne], [consulté le 4 avril 2019]. 538 Ibid.

539 MINISTÈRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, « Forum de la performance », Site internet [en

ligne], [consulté le 9 avril 2019].

540 Ibid. 541 Ibid. 542 Ibid. 543 Ibid.

544 FONDATION IFRAP, « Justice, le toujours parent pauvre du budget de la France », Site internet, [en ligne],

[consulté le 4 avril 2019].

545 GOUVERNEMENT FRANÇAIS, « Projet de loi de finances 2019 », Site internet [en ligne], [consulté le 9 avril

2019].

546 CEPEJ, Systèmes judiciaires européens, Efficacité et qualité de la Justice, étude n° 26 [en ligne], 2016, [consulté

Cependant, l’État français prévoit pour 2019 cinq politiques publiques qui seront particulièrement mises en avant, dont la justice fait partie. Elle est donc une des priorités du gouvernement. Son budget, cependant, est bas, comparé aux quatre autres politiques publiques. En effet, l’une d’elles est prévue pour l’éducation et détient un budget, à cette fin, de 100 milliards d’euros. Une deuxième politique publique octroie un budget de 65 milliards d’euros pour la défense de la Nation. Une troisième concerne la politique sociale et se voit attribuer 52,8 milliards d’euros. La quatrième politique publique vise le développement durable et est dotée d’un budget de 12,2 milliards d’euros. La dernière porte sur la justice, et dispose de 9 milliards d’euros. Ainsi, ces chiffres trahissent l’importance relative manifestée à la justice. Ce service public est censé être une priorité mais n’a un budget alloué que de 9 milliards d’euros. Comparés aux autres politiques, les moyens et possibilités sont particulièrement limités. Par ailleurs, la justice est une fonction régalienne, au même titre que l’armée mais détient une enveloppe quatre fois moins importante que celle-ci.

Ainsi, la réduction des dépenses est une mesure primordiale et est nécessaire tout en assurant l’effectivité de la justice. Il faut donc juger moins cher et mieux. À cet égard, les chiffres sont disponibles sur une plateforme du gouvernement appelée « forum de la performance547 », ce

qui donne une idée claire de l’objectif poursuivi par le gouvernement et imputé à chaque ministère. La justice doit être efficace et bon marché. La loi organique relative aux lois de finance (ci-après LOLF) de 2001 prévoit d’ailleurs des objectifs de performance, ceux-ci se voyant attribuer un budget. Chaque action souhaitée doit être défendue pour pouvoir acquérir une somme pour la réaliser avec des moyens précis. L’évaluation de sa propre performance est donc nécessaire pour pouvoir se voir imputer un budget. Ainsi, une logique managériale et gestionnaire est en place au sein de tous les ministères, celui de la justice y compris.