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3.5 Couplage hydrothermique

3.5.1 Mouvement advectif horizontal

Mod`ele d’´ecoulement unidimensionnel

On ram`ene le probl`eme thermique `a un probl`eme unidimensionnel en n´egligeant l’´evolu- tion lat´erale des propri´et´es de l’aquif`ere. Ceci est justifi´e si nous restreignons notre ´etude `a la proximit´e du forage, le long d’une abscisse curviligne not´ee ~x. La g´eom´etrie du probl`eme est pr´esent´ee dans la figure 3.15. vx d´esigne ici la vitesse effective du fluide.

La variation d’´energie dans un volume de contrˆole compris entre x etx + dx s’´ecrit : dE = H φ vxdt ρ CpfT (x) − H φ vxdt ρ CpfT (x + dx) + qbdx dt + λtT (x) − Ts

z dx dt (3.11) En r´egime stationnaire, l’´equation 3.11 devient alors

−H φ vxρCpf ∂T ∂x + qb − λt T (x) − Ts z = 0 (3.12) 57

Fig.3.15 – Mod`ele thermique unidimensionnel d´evelopp´e par ˇCerm´ak. Les param`etres et leurs valeurs sont repris dans la table 3.5.

Le flux observ´e au-dessus de l’aquif`ere qh = λtT (x)−Tz s est diff´erent du flux `a la base

du karst qb. La diff´erence correspond au flux advect´e par l’eau de l’aquif`ere.

∆q = HvxρCpf

∂T

∂x (3.13)

Pour calculer ce terme, nous remarquons que vx∂T∂x = ∂T∂t. En supposant que la temp´erature

augmente de mani`ere lin´eaire avec le temps, on peut encore approximer ce terme par ∆T /∆t. L’ˆage de l’eau du karst correspond au temps de transit de l’eau depuis la surface jusqu’au niveau de la faille d’Aigion. Val´erie Plagnes et V´eronique L´eonardi ont effectu´e des datations au tritium sur les eaux du karst pr´elev´ees dans le forage. La faible concentration observ´ee implique que les eaux sont vieilles de plus de 50 ans ; en effet, l’essentiel du tritium atmosph´erique a ´et´e lib´er´e par les essais nucl´eaires effectu´es au d´ebut de la Guerre Froide. Nous supposons que l’eau s’infiltrant dans l’aquif`ere dans la zone d’alimentation ´etait `a temp´erature basse, proche de z´ero. Ceci est tr`es probable puisque la fonte des neiges sur les hauteurs du P´eloponn`ese constitue l’alimentation majeure des aquif`eres de la r´egion.

En reprenant les valeurs du tableau 3.5, on obtient une valeur extrˆemement ´elev´ee ∆q = 2 W/m2. Cette valeur n’a pas de sens. En effet, on observe un gradient thermique

normal au dessus de la faille, ce qui sugg`ere que le flux thermique n’est pas enti`erement ´ecrant´e par le flux hydraulique. D’autres indices sugg`erent que la vitesse du fluide doit ˆetre relativement lente :

– l’analyse par cathodoluminescence des carottes pr´elev´ees dans le karst ne montre pas de cristallisation avec des apports externes.

– l’analyse g´eochimique pr´ecit´ee montre une absence de tritium, ce qui implique que l’eau a plus de 50 ans.

– le gradient thermique pr´esente une pente positive, d’un ordre de grandeur raison- nable, au-dessus de l’aquif`ere. L’advection hydraulique horizontale est donc suffi- samment faible pour ne pas ´ecranter le flux thermique, comme cela s’est produit lors des mesures effectu´ees en 1995 par G´erard Bienfait et Elias Koutsikos.

– l’enregistrement des pressions sur le long terme, d´ecrite dans le chapitre 7 ne montre pas de variation saisonni`ere notable.

– la mise en contact des deux aquif`eres a provoqu´e une chute de pression qui persiste pendant plus d’une ann´ee. L’alimentation du karst est donc suffisamment faible pour ne pas pouvoir niveler cette anomalie locale. La mod´elisation de cet effet est pr´esent´ee dans le chapitre 7.

3.5. COUPLAGE HYDROTHERMIQUE

Le calcul pr´ec´edent s’av`ere donc trop grossier. Son principal d´efaut r´eside surtout dans l’incertitude pesant sur le facteur vx∂T∂x, qui est surestim´e.

Mise en ´equilibre thermique de l’aquif`ere ´

Equations de ˇCerm´ak Cerm´ˇ ak [1989] a d´evelopp´e un mod`ele pour expliquer les va- riations de temp´erature observ´ees dans un bassin s´edimentaire en Tch´ecoslovaquie. Il a mis ainsi en ´evidence l’influence des fluides sur le r´egime thermique de la r´egion. Sa g´eo- m´etrie ressemble `a celle du calcul pr´ec´edent, mais au lieu d’ˆetre locale, elle extrapole les param`etres sur toute l’´etendue de l’aquif`ere. Il peut ainsi appr´ehender la mise en ´equilibre thermique de l’ensemble de l’aquif`ere et affiner la valeur du facteur vx∂T∂x.

On reprend l’´equation 3.11, en rajoutant la conduction thermique lat´erale qui devrait ˆetre pr´edominante si la vitesse d’´ecoulement est trop faible. On prend aussi en compte le fait que le flux thermique en surface d´epend de la temp´erature dans le forage.

Avec la g´eom´etrie d´ecrite dans la figure 3.15, on obtient alors : λ H∂ 2T ∂x2 − ρ CpfH φ vx ∂T ∂x + qb − λt T − T s z = 0 (3.14)

Param`etre Description Valeur

ρ masse volumique du fluide 1000 kg/m3

Cpf capacit´e calorifique du fluide 4180 J/(kg × K)

H ´epaisseur de l’aquif`ere 300 m

φ Porosit´e 0.13

z profondeur du sommet de l’aquif`ere 760 m

λ conductivit´e dans l’aquif`ere 2.15 W/(m × K)

λt conductivit´e dans les couches surmontant l’aquif`ere 2.5 W/(m × K)

T0 temp´erature de l’eau dans la zone d’alimentation 0˚C

T0 temp´erature `a la surface 15˚C

porosit´e de l’aquif`ere 0.13

qb flux de chaleur `a la base de l’aquif`ere [100 mW/m2]

vx vitesse horizontale d’´ecoulement dans l’aquif`ere ?

x distance du point de mesure `a la zone d’alimentation [30 km]

t ˆage de l’eau de l’aquif`ere [> 50 ans]

Tab.3.5 – Liste des param`etres intervenant dans le mod`ele de ˇCerm´ak, avec leurs valeurs dans le cas du forage AIG10. Les valeurs entre crochets signalent les valeurs par d´efaut des param`etres inconnus.

La temp´erature `a l’entr´ee de l’aquif`ere vaut T0. L’int´egration de l’´equation 3.14 donne

la solution : T (x) = Ts + qb z λt +  T0 − Ts − qb z λt  e−x/L + A  exL+ ρ Cpf φ vx 2λ x− e−x/L  (3.15) o`u A est une constante `a d´eterminer et L la longueur caract´eristique de l’´equation 3.14, telle que : L−1 = ρ Cpfφ vx 2 λ s 1 + 4 λ λt H z ( ρ Cpfφ vx)2 − 1 ! (3.16) 59

La temp´erature reste finie lorsque x → ∞, ce qui contraint A `a ˆetre nulle. On retrouve alors une ´equation classique de mise `a l’´equilibre :

T (x) = T + (T0− T∞) e−x/L (3.17)

o`u T est la temp´erature `a l’´equilibre thermique T = Ts + qbz/λt.

Contraintes impos´ees sur notre aquif`ere A quel stade se trouve notre aquif`ere ?` Est-il encore en r´egime transitoire ou est-il en ´etat d’´equilibre thermique ? Les ´equations 3.14, 3.16 et 3.17 vont contraindre le r´egime thermique observ´e.

Pour cela, nous allons raisonner en temps plutˆot qu’en distance en comparant l’ˆage de l’eau au temps caract´eristique τ = L/vx. La connaissance de la temp´erature mesur´ee

dans le karst Tmes permet de relier le flux thermique au rapport t/τ :

qb =

λt

z

Tmes− Ts+ (Ts− T0) e−t/τ

1 − e−t/τ (3.18)

En prenant les param`etres de la table 3.5, on remarque que le rapport t/τ est d’au moins 0.5, si on impose que qb < 200 mW/m2. Plus pr´ecis´ement, en examinant la figure 3.16, on

s’aper¸coit que la valeur t/τ serait plutˆot contrainte `a ˆetre sup´erieure `a 1, si on veut retrou- ver des valeurs « raisonnables » du flux thermique, inf´erieures `a 150 mW/m2. Notons aussi que contrairement au calcul « instantan´e » du paragraphe pr´ec´edent, la temp´erature n’´evo- lue pas de mani`ere lin´eaire avec le temps, mˆeme en supposant un flux thermique important.

Fig. 3.16 – Comparaison des temp´eratures mesur´ees et des temp´eratures calcul´ees dans le mod`ele de ˇCerm´ak. Imposer des valeurs raisonnables de qb contraint le rapport t/τ .

Pour pouvoir exploiter pleinement le r´esultat pr´ec´edent, il nous faut estimer le temps caract´eristique de mise `a l’´equilibre. Celui-ci s’exprime par :

τ = 2λ ρ Cpfφ vx2 r 1 + 1 Pe2 − 1 !−1 (3.19) 60

3.5. COUPLAGE HYDROTHERMIQUE 10−12 10−11 10−10 10−9 10−8 10−7 10−6 10−5 103 104 105 106 107 108

Horizontal seepage velocity (m/s)

Caracteristic time (yr)

Fig. 3.17 – Temps caract´eristique de mise en ´equilibre de l’aquif`ere, en fonction de la vitesse du fluide dans l’aquif`ere. On voit qu’il existe deux r´egimes limites, l’un conductif, l’autre convectif.

Nous avons pour τ deux expressions limites aux valeurs extrˆemes du nombre de P´eclet Pe = ρ Cpfφ vx

2√(λ/H) (λt/z), qui caract´erise le ratio entre le transport thermique convectif et le

transport thermique conductif.

– `a faible nombre de P´eclet, le temps caract´eristique vaut τ ∼ λ

vx√(λ/H) (λt/z). Il

diminue donc avec la vitesse. Notons que cette formule diverge pour une vitesse nulle : c’est une cons´equence directe de notre conversion x → vt, qui perd de sa pertinence `a tr`es faible vitesse.

– `a grand nombre de P´eclet, le temps caract´eristique vaut τ ∼ 4ρ CpfH z φ

λt . Il est alors

ind´ependant de la vitesse vx.

La courbe 3.17 montre la valeur de τ en fonction de la vitesse avec les param`etres de la table 3.5. On voit qu’elle est toujours sup´erieure `a 1500 ans. La contrainte t > 0.5τ , d´eriv´ee des conditions sur le flux thermique impose donc un ˆage minimal de l’eau de 750 ans.

On peut contraindre la vitesse d’´ecoulement dans l’aquif`ere. En effet, la vitesse mul- tipli´ee par l’ˆage de l’eau donne une estimation de la distance travers´ee par l’eau depuis la zone d’alimentation. La simulation num´erique de Jaubert [2003] essaie d’expliquer la surpression observ´ee dans le karst en estimant comment le karst contourne les failles du nord du P´eloponn`ese depuis une zone d’alimentation situ´ee en altitude. Malheureusement, le calcul surestime les distances n´ecessaires par une faute d’ordre de grandeur. N´eanmoins, on trouve une tortuosit´e n’exc´edant pas un facteur 10. Nous jugeons donc que la distance parcourue par l’eau ne peut exc´eder 1000 km. En reportant cette contrainte dans le dia- gramme donnant la distance minimale parcourue de la figure 3.18, on contraint la vitesse du fluide `a ˆetre inf´erieure 10−5m/s.

Bien que le mod`ele d´evelopp´e ci-dessus soit extrˆemement grossier et rudimentaire, il permet de contraindre l’ordre de grandeur des vitesses et de justifier l’ˆage important des eaux observ´ees. L’avantage de cette m´ethode est qu’elle ne demande pas d’introduire la distance `a la zone d’alimentation, inconnue. Bien sˆur les r´esultats obtenus doivent ˆetre

10−12 10−10 10−8 10−6 10−4 102 103 104 105 106 107

Horizontal seepage velocity (m/s)

Minimal distance from alimentation zone (m)

qb=70mW/m2

qb=100mW/m2

qb=200mW/m2

Maximal acceptable distance to alimentation zone

10−12 10−11 10−10 10−9 10−8 10−7 10−6 10−5 10−4 102 103 104 105 106 107

Horizontal seepage velocity (m/s)

Minimal distance from alimentation zone (m)

qb=70mW/m2 qb=100mW/m2

qb=200mW/m2

Maximum probable distance to alimentation zone

Fig. 3.18 – Distance minimale parcourue par l’eau avant d’atteindre la faille d’Aigion. Celle-ci d´epend du flux de chaleur `a la base de l’aquif`ere. Mˆeme en tenant compte de la tortuosit´e du trajet de l’eau, il est peu probable que la distance parcourue soit sup´erieure `

a 1000 km. Ceci contraint les vitesses maximales tol´er´ees.

per¸cus comme purement qualitatifs, en terme d’ordres de grandeur seulement. Mod`ele bidimensionnel de mise en ´equilibre thermique de l’aquif`ere

ˇ

Cerm´ak suppose que la temp´erature est uniforme sur toute la hauteur de son aquif`ere. Cependant, les ´etudes dimensionnelles montrent que l’ˆage de l’eau est d’au moins 750 ans. Durant cet intervalle de temps, il est concevable que la temp´erature de l’eau ne serait plus uniforme et qu’un r´egime thermique conductif se serait aussi ´etabli verticalement. En d’autres termes, l’absence de gradient vertical de temp´erature sur les 230 m travers´es par le forage peut-elle encore se justifier par une advection purement verticale ?

En effet, si le profil thermique initial est homog`ene sur toute l’´epaisseur de l’aquif`ere, on s’attend `a ce que se mette en place un profil thermique lin´eaire `a mesure que l’eau p´en`etre plus avant. Cette transition est d´ecrite par le d´eveloppement de couches limites [Taine and Petit, 1989] dans l’´epaisseur de l’aquif`ere. Pour interpr´eter l’uniformit´e observ´ee sans introduire d’advection thermique verticale, on est amen´e `a consid´erer que ces derni`eres ne se sont pas enti`erement d´evelopp´ees.

Nield and Bejan [1992] ont caract´eris´e l’ordre de grandeur de l’´epaisseur δ de la couche limite en fonction de la distance de p´en´etration dans le cas d’un flux longeant une plaque soumise `a un flux de chaleur constant qb :

δ ≈ √x P e = x q φ vxx λ/(ρ Cpf) = s λ t ρ Cpf (3.20)

Avec un ˆage minimal de 500 ans, on s’attend `a ce que la couche limite ait une ´epaisseur d’au moins 10 6m. Il est donc raisonnable d’observer une temp´erature homog`ene en dessous de 106 m de karst, mais alors elle serait de 2.5˚C au dessus 30˚C avec un flux thermique en surface de 70 mW/m2. Ce n’est pas ce que montrent les r´esultats exp´erimentaux de la figure 3.2, o`u la temp´erature du fond du karst a un ´ecart de moins de 1˚C de la temp´erature au sommet de l’aquif`ere. Il est donc raisonnable de penser que les flux thermiques ne se font pas seulement par conduction, mais aussi par convection.

3.5. COUPLAGE HYDROTHERMIQUE qb qh x x H T0 Ts z λ t

Fig. 3.19 – ´Evolution attendue du profil thermique (lignes rouges pleines) `a mesure que le fluide p´en`etre dans le solide. On s’attend `a ce qu’un gradient thermique se d´eveloppe perpendiculairement `a la direction de l’´ecoulement lorsque les couches limites thermiques (limit´ees par des tiret´es) se sont d´evelopp´ees dans toute l’´epaisseur de l’aquif`ere.