• Aucun résultat trouvé

4. Trajectoires et motivations à l’usage de l’e-cigarette

4.2. Motivations à l’usage de l’e-cigarette

4.2.2. Motivations à l’utilisation prolongée de l’e-cigarette

Les motivations à un usage autre que l’expérimentation de l’e-cigarette ont été analysées dans différentes études, certaines d’entre elles identifiant clairement les motivations à l’usage prolongé d’e-cigarette.

• En population générale

Des études qualitatives ont été menées en population générale. L’une des premières études qualitatives à explorer les motivations à l’usage de l’e-cigarette a été réalisée en 2010 par Etter et al. via un auto-questionnaire en ligne, avec des questions ouvertes. Les 81 répondeurs avaient entre 18 et 40 ans et citaient les motivations suivantes : l’arrêt du tabac, le fait que l’e-cigarette soit moins toxique que le tabac, le coût jugé moins élevé que le tabac, l’utilisation possible dans les lieux où fumer est interdit, le fait de ne pas gêner les gens avec la fumée, pour le plaisir, la diminution de la consommation de tabac, la curiosité pour un nouveau produit, le bon goût et la bonne odeur, l’échec de l'arrêt du tabac avec les patchs ou le bupropion ainsi que le fait d’avoir de la nicotine (92).

L’étude qualitative de Cooper et al. comparait en 2016 les motivations à l’usage prolongé de plus de 6 mois dans 2 groupes de vapoteurs américains : des jeunes adultes de moins de 29 ans et des adultes de plus de 30 ans. Chez tous, l’arrêt du tabac était le plus souvent cité, ainsi que l’utilisation de l’e-cigarette comme passe-temps et comme outil relaxant. Plus particulièrement, chez les jeunes de moins de 29 ans, apparaissaient comme autres motivations : la possibilité de faire des jeux de fumée, la variété des saveurs et l’aide apportée par l’e-cigarette pour travailler et étudier (36).

L’étude prospective menée sur une année en 2013 par Adkison et al. au Canada, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Australie explorait les motivations à l’usage de l’e- cigarette chez des fumeurs et des ex-fumeurs. Ces motivations étaient l’arrêt du tabac (85 %),

44 les e-cigarettes considérées moins dangereuses que le tabac (79,8 %) et la réduction du tabac (75,4 %) (37).

L’étude quantitative de Dunlop et al. publiée en 2016 en Australie étudiait les motivations à l’usage prolongé de l’e-cigarette chez des vapoteurs actuels. Chez les 18-29 ans, la raison la plus citée était que l’e-cigarette n’était pas aussi mauvaise pour la santé que la cigarette traditionnelle (25 %), suivie de l’aide à l’arrêt et à la réduction du tabac (respectivement 18 % et 14 %). Chez les 30-54 ans en revanche, ces statistiques étaient inversées : l’aide à l’arrêt du tabac était plébiscitée par 42 % d’entre eux ainsi que la diminution de leur consommation de cigarettes (35 %) et en 3ème lieu la moindre nocivité pour la santé par rapport à une cigarette normale (16 %). Dans les 2 groupes étaient retrouvés par la suite le fait de vapoter dans les lieux interdits à la cigarette (11 %), l’e-cigarette moins chère que la cigarette (8 %), l’odeur meilleure que la cigarette (7 %) et juste pour essayer (7 %) (93).

Plus récemment, l’enquête transversale en ligne auprès des vapoteurs de Browne et Todd aux Etats-Unis en 2017 retrouvait les motivations à l’usage de l’e-cigarette suivantes en population générale (17 à 88 ans) : les avantages de l’e-cigarette pour la santé (74,1 %), l’inefficacité des autres TNS (45,2 %), le fait que cela soit plus facile avec l’e-cigarette de stopper la nicotine (35,1 %), à égalité avec le fait que cela soit plus agréable. Suivaient ensuite : la gêne diminuée pour l’entourage (31,8 %) et pour le plaisir (22,7 %) (94).

En France, les premiers résultats de la Cohorte CONSTANCES publiés en 2015 confirmaient la tendance de la population générale à vapoter, principalement pour l’arrêt du tabac suivi de la diminution de la consommation tabagique (67). L’étude qualitative de Fontaine et al. conduite en 2016 chez des fumeurs/anciens fumeurs français explorait les facteurs renforçant l’usage de l’e-cigarette en population générale, avec des participants âgés de 16 à 56 ans. Chez tous, était retrouvé un arrêt du tabac « facile », un plaisir d’usage et des effets positifs ressentis sur la santé tels que retrouver le souffle et l’odorat (plus marqué chez les anciens fumeurs). Plus spécifiquement, chez les jeunes de moins de 26 ans, étaient évoqués le plaisir lié aux variétés des saveurs (fruités et gourmandes) et un regain d’énergie les lendemains de soirées (34).

45 • Chez les adultes jeunes et les étudiants

Des études ont été menées plus spécifiquement chez les jeunes adultes et les étudiants. L’étude qualitative de Pokhrel et al. en 2015 avait listé 12 thèmes de motivations à l’usage prolongé de l’e-cigarette auprès de jeunes vapoteurs de 25 ans d’âge moyen. Les thèmes cités étaient les suivants : l’utilité perçue dans l’arrêt du tabac, l’amélioration de la santé, la satisfaction sensorielle (goût, odeur), l’auto-régulation (de l’agitation, du stress, de l’appétit), le fait que cela soit pratique pour fumer à l'intérieur, l’alternative plus propre au tabac, fumer discrètement, les bénéfices professionnels, le côté divertissant (tendance, jeux de vapeurs, outil personnalisable), l’amélioration de l’image sociale, le contrôle de la consommation (quantité de vapeur, taux de nicotine) et la rentabilité (95).

L’étude longitudinale sur 2 mois de Berg et al. en 2015 analysait chez de jeunes adultes américains fumeurs (âge moyen : 36 ans) les raisons d’un usage régulier de l’e- cigarette (débuté au moins 4 semaines avant l’inclusion). Les motivations suivantes ont été retrouvées : switch / remplacement du tabac (69,4 %), amélioration de la santé (65,4 %), réduction de la toux (57,7 %), amélioration de l’odorat (53,8 %), arrêt total en cigarette et e- cigarette (38,9 %), l’impossibilité d’utiliser une cigarette (25 %) et en complément du tabac (2,8 %) (91).

Dans l’étude mixte de Kong et al. de 2015, l’arrêt du tabac et l’absence de restriction d’utilisation dans l’usage quotidien de l’e-cigarette étaient les principales motivations à la poursuite de l’usage d’e-cigarette chez des adolescents et des adultes jeunes (87).

L’étude de Shiplo et al. trouvait en 2015 comme motivations de l’usage prolongé de l’e-cigarette (dans les 30 derniers jours) de jeunes canadiens d’âge moyen 21 ans : l’aide à l’arrêt du tabac, la moindre nocivité par rapport au tabac et le goût (84).

L’étude transversale de Berg et al. de 2016 étudiait les motivations à l’usage prolongé de l’e-cigarette (également dans les 30 derniers jours) chez de jeunes vapoteurs âgés de 18 à 34 ans fumeurs, ex-fumeurs ou non-fumeurs. Les raisons à l’utilisation d’e-cigarette chez les fumeurs et les ex-fumeurs concordaient avec les motivations retrouvées dans les précédentes études. Cependant, les raisons d’un usage prolongé de l’e-cigarette chez des jeunes adultes naïfs du tabac étaient les suivantes : se sociabiliser avec d’autres vapoteurs (44 %), pour l’effet de la nicotine sans avoir à utiliser de cigarette classique (38 %) et parce c’est « cool » ou intrigant (33 %) (96).

46 En population étudiante, l’étude de Saddleson et al. en 2016 analysait les motivations à l’usage de l’e-cigarette chez des étudiants de 18 à 23 ans à New York. Le fait d’essayer quelque chose de nouveau et le plaisir d’usage arrivaient le plus fréquemment (respectivement 71,6 % et 57,9 %). La diminution et l’arrêt du tabac ne concernaient respectivement que 18,5 % et 14,1 %. Les autres raisons citées étaient le fait que l’e-cigarette soit moins nocive que le tabac, éviter de sentir la fumée, le coût moins cher de l’e-cigarette que la cigarette classique, éviter de gêner l’entourage avec la fumée, gérer le craving, contrôler l’appétit, l’addiction à l’e-cigarette et enfin l’échec des autres TNS (97).

Pour résumer

L’usage chronique de tabac est un comportement à la fois nocif pour la santé et potentiellement addictif. Toute stratégie favorisant son arrêt ou sa diminution chez les fumeurs paraît intéressante à encourager par les soignants. Les vapoteurs déclarent dans les études utiliser l’e-cigarette pour diminuer ou arrêter le tabac. Cette efficacité déclarée par ses usagers n’est pas clairement établie par les études épidémiologiques (études observationnelles ou interventionnelles) et les méta-analyses : les résultats sont pour l’instant contradictoires. Une analyse plus fine de la littérature sur les trajectoires et les motivations à l’usage d’e- cigarette suggère les éléments suivants :

- Les motivations à l’initiation de l’e-cigarette chez les jeunes adultes paraissent variées : la curiosité, l’influence des pairs, la perception d’une moindre nocivité que le tabac, l’attrait pour la nouveauté, etc. L’arrêt du tabac paraît être une raison parmi d’autres d’initiation au vapotage chez les adultes jeunes, quand elle semble la motivation principale à l’initiation dans un public plus âgé.

- Les motivations à l’usage prolongé en population jeune seraient elles aussi variables, en fonction des études. Il pourrait s’agir du plaisir d’usage, d’un meilleur goût des e- liquides par rapport au tabac, de la possibilité de faire des jeux de fumée, de la relaxation secondaire au vapotage, d’une préoccupation pour la santé, de meilleures perceptions sensorielles à l’arrêt du tabac, d’aspects ludiques, etc.

- Certaines raisons à l’initiation sont décrites comme des raisons fréquentes à la poursuite de l’usage dans la population de jeunes adultes : l’arrêt ou la diminution du tabac, la possibilité de vapoter où fumer est interdit, la diversité des saveurs.

47 - Dans les études, l’usage de l’e-cigarette favoriserait les tentatives d’arrêt du tabac chez les fumeurs. L’arrêt prolongé du tabac par cet outil n’est pas clairement démontré.

- Ce que les études quantitatives montrent par contre c’est que l’usage d’e-cigarette favoriserait l’initiation du tabagisme chez les non-fumeurs.

Les études sur l’initiation du tabagisme via l’e-cigarette sont fréquentes chez les adolescents et les adultes jeunes. Il existe par contre, à notre connaissance, peu de données spécifiques de la littérature sur l’efficacité de l’e-cigarette chez les adultes jeunes, les études étant faites surtout en population générale. Or les jeunes adultes représentent une part de la population fortement consommatrice à la fois de tabac et d’e-cigarette. C’est dans cette population qu’on retrouve en France et ailleurs les niveaux de prévalences d’usages les plus élevés. Il apparaissait donc utile d’étudier davantage les trajectoires de consommation d’e- cigarette, les motivations ainsi que les schémas d’usage d’e-cigarette dans une population de jeunes adultes français qui vapotent. Les soignants pourraient ainsi mieux cibler leurs actions de prévention et leur discours face à l’usage de plus en plus répandu de cet outil.