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I. Les protéines de liaison aux ARN ou RBP

I.4. Localisation et régulation des RBP

I.4.2. Modifications post-traductionnelles des RBP

x Glycosylation

Peu de données sont disponibles sur la glycosylation des RBP. A ce jour, RBMX est la seule hnRNP connue pour être glycosylée que ce soit dans des cellules en prolifération ou quiescentes. La glycosylation de RBMX semble nécessaire à ses capacités d’interaction avec d’autres protéines (49). La glycosylation n’a pas été démontrée chez les protéines SR.

42 x Méthylation

Chez les mammifères la méthylation semble promouvoir la localisation nucléaire des protéines SR. En effet, SRSF1 présente trois résidus arginine entre les deux domaines RRM de la protéine qui, quand ils sont méthylés, favorisent la localisation nucléaire de SRSF1. L’inhibition de cette méthylation entraine une accumulation cytoplasmique de SRSF1 qui se traduit par une modification du profil d’épissage alternatif, une diminution de la dégradation des ARNm par NMD et une augmentation de la traduction (133). La méthylation régule l’affinité de liaison des hnRNP aux ARN : la méthylation des arginines de la boîte RGG de hnRNP-A1 favorise sa liaison aux ARNm (134) et, de façon similaire, favorise la fixation de hnRNP-K à l’ARNpré-m de p53 pour activer sa transcription (135).

x Acétylation

Des analyses protéomiques à large spectre ont mis en évidence des sites d’acétylation au niveau de protéines non histones, notamment des protéines SR ainsi que de leurs kinases (136). Ainsi, l’HAT (Histones Acetyl Transferase) de type Tip60 cible spécifiquement SRSF2 et entraine sa dégradation par le proteasome. Cette acétylation peut être contrecarrée par l’action de la déacétylase HDAC6, qui favorise ainsi l’expression de SRSF2. De plus, Tip60 inhibe la phosphorylation de SRSF2 par SRPK1 et 2 (SR-specific protein kinase 1 et 2) en inhibant la translocation nucléaire de ces kinases (137). Les HAT et HDAC constitueraient ainsi des régulateurs importants de l’expression des protéines SR et de l’activité de leurs kinases, influençant le profil d’épissage des cellules mammifères.

x Ubiquitination et SUMOylation

Les RBP sont aussi modifiées par la SUMOylation et l’ubiquitination. L’ubiquitination des hnRNP régule leurs activités d’épissage. Par exemple, l’ubiquitination de hnRNP-A1 réprime son activité d’épissage sur le transcrit permettant la synthèse de Rac1b, notamment impliqué dans la migration cellulaire (138). Une étude protéomique a montré que les hnRNP-A1, A3, F, H et K subissent des SUMOylations (Sumo : Small Ubiquitin-like Modifier) au niveau de leur RBD mais sans évidence à l’heure actuelle que cela modifie leur affinité pour l’ARN (139).

43 Cependant, la SUMOylation d’hnRNP-K est par exemple nécessaire à son rôle de co-activateur de la transcription de p53, en particulier dans un contexte de dommage à l’ADN (140,141). De façon intéressante, une étude a montré que SRSF1 stimulerait elle-même la SUMOylation de certaines protéines. SRSF1 partage des similarités avec les SUMO E3 ligases, interagit avec l’une d’entre elles, PIAS1 (Protein Inhibitor of Activated STAT-1) et augmente son activité de SUMOylation. De plus, SRSF1 favorise la conjugaison des groupes SUMO sur les facteurs du métabolisme des ARN à la suite d’un choc thermique. Le domaine RRM de SRSF1 est nécessaire et suffisant pour ces fonctions (142). Ces résultats soulèvent la possibilité intéressante selon laquelle les protéines SR pourraient avoir des activités directes de régulation des PTM des RBP.

x Phosphorylation

La phosphorylation est la PTM majeure des protéines SR qui se fait au niveau de leur domaine RS grâce aux kinases SRPK et CLK majoritairement (120,143). Les SRPK phosphorylent les dipeptides Arg-Ser, alors que les CLK phosphorylent les dipeptides Arg-Ser mais aussi Ser-Pro des protéines SR (144). Les SRPK sont distribuées de façon plus importante dans le cytoplasme que dans le noyau, alors que les CLK sont plutôt constitutives du noyau et colocalisent en particulier avec les protéines SR dans les Speckles. Ces kinases pourraient ainsi se relayer pour réguler la phosphorylation des protéines SR dans chaque compartiment cellulaire, afin de moduler leur localisation et leur activité métaboliques (145). Bien sûr, des phosphatases telles que PP1 et PP2A sont aussi nécessaires à la dynamique de phosphorylation/déphosphorylation des protéines SR (146).

La libération des protéines SR des Speckles pour la formation du spliceosome requiert la phosphorylation de leur domaine SR par les CLK (120,147). Puis au niveau du spliceosome, une phosphorylation additionnelle par CLK et SRPK permet la continuité de leurs activités d’épissage sur les pré-ARNm (148). Plusieurs études récentes ont élucidé les détails de ces phosphorylations en cascade dans le cas de SRSF1 : la première vague de phosphorylation surviendrait dans le cytoplasme grâce à l’action de SRPK1. Une fois phosphorylé, SRSF1 est transporté vers le noyau, plus précisément vers les Speckles. La sortie de ce facteur des Speckles requiert alors une deuxième vague de phosphorylation orchestrée par CLK-1. La forme hyper-phosphorylé de SRSF1 peut alors se fixer aux ARN. Enfin, une deuxième intervention

44 de SRPK1, dans le noyau, est nécessaire pour dissocier CLK1 de SRSF1 et lui permettre d’exécuter ses fonctions sur l’épissage. Après épissage, SRSF1 est déphosphorylé et transporté dans le cytoplasme avec l’ARNm (149,150) (Figure 9).

Figure 9. Le rôle des kinases dans la localisation des protéines SR.

Dans le cytoplasme, les proteins SR déphosphorylées sont phosphorylées par SRPK1 ce qui permet leur import dans le noyau. Des phosphorylations additionnelles induites par CLK1 permettent le recrutement des protéines SR des Speckles aux sites de transcritption des ARNpré-m. L’intervention de SRPK1 dans le noyau est nécessaire pour dissocier CLK1 des protéines SR et permettre l’épissage. Une fois l’ARNm épissé, les protéines SR sont déphosphorylées et certaines sont transportées dans le cytoplasme avec l’ARNm (adapté de 147,148).

45 D’autres facteurs seraient aussi impliqués dans la phosphorylation des protéines SR, comme l’ADN topoisomérase I qui, en plus de ses activités de relaxation de l’ADN super-enroulé, est dotée d’une activité kinase ciblant les protéines SR (151) qui serait importante pour l’épissage ESE-dépendant et l’assemblage du spliceosome (152,153). La protéine kinase B/Akt phosphoryle aussi les protéines SR en réponse à des stimuli externes (hormonaux ou mitogéniques). Cela a pour conséquence la modulation du profil d’épissage alternatif des gènes codant pour des facteurs impliqués dans la transduction de signaux (154,155).

Comme mentionné dans le cas de SRSF1, la déphosphorylation progressive des protéines SR est plutôt associée à des ARNm épissés et pourrait servir de signal pour l’export nucléo-cytoplasmique des ARNm. En particulier, l’interaction des protéines SR navettes avec le facteur d’export TAP/NXF1 est favorisée par l’hypophosphorylation de leur domaine RS (96,98,99). Dans le cytoplasme, la phosphorylation du domaine RS est assurée par les SRPK et favorise l’import nucléaire des protéines SR par leur transportine (156,157). Si les kinases dirigent le recyclage nucléaire des protéines SR, on peut considérer que les phosphatases de leur côté, pourraient promouvoir le transport cytoplasmique de ces protéines quand leurs activités sont requises dans ce compartiment (Figures 6 et 9). Ainsi, la résistance très importante de SRSF2 à la déphosphorylation médiée par les phosphatases explique son incapacité à naviguer entre noyau et cytoplasme (158).

La région RS est considérée comme un domaine NLS puisque sa capacité à être phosphorylée de façon réversible régit la localisation nucléaire des protéines SR (145,159). Contrairement aux protéines SR proprement dites, l’hyper-phosphorylation de la protéine relative à cette famille TRA2β inhibe son interaction avec l’ARN et favorise sa localisation cytoplasmique (160,161). En effet, TRA2β possède plusieurs résidus sérine qui, quand ils sont phosphorylés, inhibent la relocalisation de TRA2β dans le noyau (162). De plus, l’import nucléaire de TRA2β semble pouvoir se faire de façon phosphorylation indépendante (163). La distribution sub-cellulaire de TRA2β est donc régulée de façon différente comparée à la majorité des autres protéines SR.

La phosphorylation des protéines SR, et leur capacité à naviguer entre le noyau et le cytoplasme, résulte en une variation de leur concentration dans ces compartiments cellulaires, qui pourrait concourir à la régulation de l’épissage qui est justement dépendant de la quantité des protéines SR dans le noyau.

46 Les hnRNP présentent un signal de localisation nucléaire qui leur confère une localisation principalement nucléaire. Les membres des groupes A, B, E D, I et K peuvent naviguer rapidement entre noyau et cytoplasme grâce un domaine non conventionnel de transport nucléo-cytoplasmique (NS pour nucleo-cytoplasmic shuttling). En immunofluorescence, le signal cytoplasmique des hnRNP est extrêmement faible sauf dans des conditions particulières (comme des cellules en interphase), suggérant que les hnRNP exportées vers le cytoplasme sont rapidement réimportées dans le noyau. Les hnRNP-U et C contiennent seulement le signal de localisation nucléaire et restent donc exclusivement dans le noyau (111). La phosphorylation du domaine NS favorise la localisation cytoplasmique de hnRNP-K et donc son activité inhibitrice sur la traduction de certains transcrits (45,164).

La dynamique de phosphorylation des RBP est aussi modulée par des stimuli externes. Par exemple, en réponse à un stress osmotique, l’activité répressive de hnRNP-A1 sur l’épissage est contrecarrée par un processus d’accumulation de la protéine dans le cytoplasme associé à l’augmentation de sa phosphorylation (165). Un choc thermique induit la déphosphorylation de SRSF10 qui, sous cette forme, réprime fortement l’épissage – cf §I.3.2 (76,79).

x PARylation

La poly ADP-ribosylation (PARylation) est une PTM qui module aussi l’activité des RBP et elle est médiée par les enzymes de la famille PARP (Poly ADP-ribose polymerase). La PARylation de plusieurs hnRNP a été démontrée, comme celle de hnRNP-A1 et RBMX. Elle inhibe leur capacité de liaison à l’ARN et est impliquée dans le recrutement de certaines RBP aux sites de dommage à l’ADN. En effet, la PARylation est un mode de recrutement connu des DRP sur les sites de dommages, et a aussi été démontré dans le cas de RBMX (166–169). La PARylation de SRSF1 inhibe sa phosphorylation par la Topoisomérase I et il semble que la concentration en motifs PAR sur SRSF1 oriente l’activité de la Topoisomérase I vers le clivage de l’ADN ou/et la phosphorylation de SRSF1 (170). La PARylation des facteurs impliqués dans la réparation des dommages l’ADN n’est donc pas seulement importante pour le recrutement de facteurs sur les extrémités endommagées de l’ADN, mais aussi pour le bon déroulement de l’épissage des pré-ARNm.

47 Ainsi, les protéines de liaisons à l’ARN forment avec les ARN des complexes dynamiques : les modifications post-traductionnelles apportées à chaque RBP contrôlent la localisation et l’activation de ces protéines, deux critères qui permettent l’action ciblée des RBP sur les ARNm. In fine, la régulation extrêmement précise et complexe de l’activité des RBP conditionne le profil d’expression protéique requis par la cellule à chaque instant. Des études récentes ont mis en évidence des rôles nouveaux des RBP dans des processus biologiques différents du métabolisme des ARN. Réciproquement, des protéines connues pour leurs rôles dans d’autres voies ont été identifiées comme actrices du cycle de vie des ARNm. Ces études ont ouvert de nouvelles perspectives vers un élargissement du champ d’action des RBP et notamment, en direction de la réponse aux dommages à l’ADN et des DRP.