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Modification de matériaux carbonés par réduction de sels de diazonium générés in situ

Chapitre 3 : étude de la chimie de surface d’une fibre de carbone activé fonctionnalisée

1. Introduction

1.2 Modification de matériaux carbonés par réduction de sels de diazonium générés in situ

Carbone mésoporeux CMK-5 2, 1 ATG, analyse élémentaire, IR Diminution de 42 % de la surface spécifique et de 33 % du volume poreux 16 Greffage multi-étapes Carbone hydrothermal 2,6 Analyse élémentaire, IR --- Adsorption d’uranium 17 Greffage multi-étapes Fibre de carbone 0,8 Analyse élémentaire, EDX, XPS, IR Diminution de 80 % de la surface spécifique et du volume poreux Adsorption d’uranium 18 Carbone hydrothermal 1,2 Analyse élémentaire, IR --- Adsorption de métaux lourds 19 Carbone hydrothermal 1,1 Analyse élémentaire, IR --- Adsorption d’uranium 20 Oxyde de graphène --- IR --- Adsorption d’uranium 21 Polymérisation de surface Composite carbone mésoporeux/ polymère 1- 3 Analyse élémentaire S. spécifique : - 20 à 55 % V. poreux : - 2 à 67 % D. méso : - 30 à 61 % Adsorption d’uranium 22 0,47 – 2,1 ATG, XPS Adsorption de CO2 et d’uranium 14,15

a : taux de greffage déterminer à partir du pourcentage massique en azote ou de la perte en masse en ATG. V. : volume ; D. : Diamètre, S. spécifique : Surface spécifique

1.2 Modification de matériaux carbonés par réduction de sels de diazonium générés in

situ à partir d’aniline

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Depuis les années 90, la chimie des diazoniums est couramment utilisée pour créer une liaison covalente entre une molécule et différents types de surfaces allant des carbones aux surfaces métalliques 23. L’utilisation d’un sel de diazonium (1) ou d’une aniline (2) va permettre de générer à proximité d’une surface carbonée un cation diazonium (3) (Figure 2). Ce dernier va être réduit sur le composé solide en radical phényle (4) soit par réduction électrochimique, soit par réduction spontanée. Par la suite, une liaison C-C se forme entre l’espèce radicalaire et la surface carbonée (5) 24,25 (Figure 2).

Figure 2 : Mécanisme général des réactions de greffage sur une surface carbonée par réduction d’ion diazonium.

1.2.2 L’ion diazonium

Il est à noter que la diazotation est une réaction spécifique des amines primaires 27. Le cation de diazonium (3) formé possède deux azotes consécutifs en position terminale de type R-N≡N+. Il s’agit d’espèces très réactives, de ce fait seuls certains diazoniums aromatiques sont assez stables pour être isolés sous forme de sels (1). La synthèse de ces sels peut être longue et fastidieuse, de ce fait il est préférable de les générer in situ. Pour cela, un dérivé d’aniline (amine primaire aromatique) va former in situ un cation de diazonium en présence d’un agent oxydant. Dans un milieu aqueux, il est généralement utilisé sous forme de nitrite de sodium, alors que les nitrites d’alkyles sont privilégiés dans les milieux organiques 28,29. Le succès de cette technique in situ réside dans le choix important de fonctions pouvant être greffées en surface. Ce procédé est principalement limité par la synthèse du dérivé d’aniline utilisé et sa stabilité dans des conditions expérimentales données lors du greffage (instabilité des sels de diazonium en milieux neutres ou basiques par exemple) 30.

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L’ion diazonium peut être réduit lors d’un processus appelé dédiazotation pour former un radical phényle avec départ du groupement N2+ sous forme de diazote. Il existe plusieurs méthodes dont les plus communément employées sont : i) la réduction par voie électrochimique développée dans les années 90 par l’équipe de Pinson 32–34, 39, ii) l’utilisation d’un agent chimique réducteur comme NaBH4, H3PO2 et les sels de cuivre 25,38, et iii) une réduction spontanée sur des substrats donneurs d’électrons comme les carbones et les surfaces métalliques35–37. Seule cette dernière voie utilisée au cours de cette étude sera abordée dans ce chapitre.

Afin de s’affranchir des méthodes électrochimiques, la surface à greffer doit être en mesure de réduire le cation diazonium donc de fournir les électrons nécessaires à la dédiazotation38, 40–42. C’est une méthode beaucoup plus simple à mettre en place contrairement à la voie électrochimique surtout pour les matériaux sous forme de poudre. L’équipe de Bélanger a mis en évidence que les mécanismes de greffage par voie spontanée dépendaient fortement de la chimie de surface du carbone utilisé. Pour cela, ils ont étudié le greffage de nitrobenzène sur des carbones activés ayant subi différents prétraitements et dans différentes conditions38. Dans le premier cas de figure, c’est le système π de la surface carbonée qui va jouer un rôle de nucléophile et transférer les électrons nécessaires à la réduction du cation (3) pour former le radical phényle (4). Il se forme alors une liaison C-C entre le radical phényle (4) et les défauts de surface 33,38,40 (Figure 3).

Figure 3 : Greffage spontané par attaque nucléophile du système π du carbone sur le cation diazonium avec formation d’une liaison C-C 38.

Dans le deuxième cas, les mêmes auteurs ont proposé un mécanisme selon lequel les fonctions carboxyliques des carbones oxydés participent et favorisent le greffage de dérivés d’aniline par un couplage entre un groupement carboxylate et un cation diazonium (3). Il pourrait s’agir d’une réaction d’oxydoréduction où la fonction carboxylate est oxydée et l’ion diazonium (3) est réduit. La fonction COO- est décomposée en CO2 et le radical phényle ainsi formé établit une liaison covalente avec le site vacant en surface 38 (Figure 4.a). Une deuxième piste implique un acide carboxylique et le cation de diazonium (3) qui conduit à la formation de la liaison C-C entre le groupement phényle et la surface carbonée 38 (Figure 4.b).

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Il s’agit d’une réaction concertée dans laquelle la dédiazotation du cation diazonium et la décomposition du groupement COOH ont lieu simultanément.

Figure 4 : a) Couplage entre un groupement carboxylique à la surface d’un carbone et un radical phényle. b) Mécanisme de greffage concerté du cation diazonium avec la décarboxylation d’un groupement COOH à la surface de matériau carboné 38.

1.2.4 Réactions secondaire

Des études sur ces mécanismes de greffage notamment sur des systèmes modèles comme les nanotubes de carbone (CNTs) ont mis en évidence la présence de réactions secondaires monocouches ou multicouches 35,43–46. Lors de l’utilisation d’alkyle nitrite en raison de sa forte réactivité, différentes réactions secondaires peuvent avoir lieu à la surface des carbones

44,45:

· La formation de liaisons azo (6) par couplage entre le cation diazonium et la surface du carbone en ortho d’une fonction phénolique 44 (Figure 5).

· Des espèces radicalaires oxygénées peuvent se former et se greffer en surface telles que les espèces (7) et (8) à partir du cation de diazonium et de l’alkyle nitrite utilisé 44 (Figure 5).

· Les alkyles nitrites peuvent réagir directement avec la surface carbonée lors des réactions de greffage dans la gamme de température utilisée pour générer les sels de diazonium in situ (~ 80°C). Les alkyles nitrites se dissocient 45,47 pour former l’ion [NO]+ ou le radical ·NO. Ces espèces réactives réagissent avec la surface carbonée

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pour former des groupements nitroso en surface qui peuvent s’oxyder au cours du séchage des carbones sous air (~ 100°C) pour former des groupements nitro –NO2 46.

Figure 5 : Réactions secondaires possibles sur un carbone lors de l’utilisation d’alkyle nitrite dans des conditions classiques de réduction de diazonium généré in situ: (6) formation d’une liaison azo en ortho d’une fonction phénolique, (7) et (8) greffage via des radicaux oxygénées, (9) greffages multicouches 44-46.

À l’ensemble de ces réactions secondaires monocouches, il faut rajouter aussi les greffages multicouches (9) qui ont lieu via une réaction en chaine entre les radicaux phényles intermédiaires qui vont réagir avec les premiers groupements aryles déjà greffés 48 (Figure 5). Le nombre de couches greffées dépendra alors des conditions expérimentales (variation du potentiel et durée du traitement de surface pour la voie électrochimique, quantités de substrats et d’alkyle nitrite lors des réductions spontanées) 49.

Malgré la présence de réactions secondaires en surface, il s’agit d’une méthode de greffage attractive dans des conditions douces des surfaces graphitiques sans passer au préalable par une étape d’oxydation de la surface 23,26. De plus, des synthèses à grandes échelles allant jusqu’au kilogramme peuvent être envisagées et des procédés « verts » ont été développés (par exemple, une réaction de greffage en milieu aqueux) 31⁠. À l’aide des méthodes de caractérisations de surfaces usuelles 33,39,50,51 , il est difficile de faire la part entre le taux du dérivé d’aniline en monocouche sur un carbone poreux et la quantité de molécules greffées par un ensemble de réactions secondaires. En effet, ces dernières peuvent induire une hausse des taux d’oxygène et d’azote et donc une surestimation du taux de greffage du groupement aryle en surface, en fonction de l’aniline utilisée 43-45. L’utilisation d’une méthode de greffage par voie directe avec uniquement une aniline est une stratégie prometteuse pour limiter les réactions secondaires lors de l’utilisation d’alkyle nitrite. De cette façon, seule l’aniline en

78 surface est caractérisée et quantifiée.