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Les carbones poreux fonctionnalisés pour l’adsorption de CO 2

Chapitre 5 : carbones mésoporeux fonctionnalisés par la guanidine comme adsorbant

1.2 Les carbones poreux fonctionnalisés pour l’adsorption de CO 2

Les carbones poreux fonctionnalisés ou non sont une bonne alternative aux solutions aqueuses à base d’amines 7. Les carbones activés et les tamis moléculaires de carbone sont largement utilisés comme solides adsorbants pour la purification des gaz et le traitement des eaux usées. Ceci grâce à leurs nombreuses propriétés que nous avons préalablement abordées : faible coût, surface spécifique élevée et facile à moduler, une grande disponibilité et une variété de formes macroscopiques. De plus, ils sont faciles à régénérer et stables dans des conditions thermiques, chimiques et à pression élevée 8.

Lorsqu’une stratégie de fonctionnalisation est utilisée pour l’adsorption de CO2, il est préférable d’utiliser un carbone mésoporeux afin de limiter la perte des propriétés texturales et favoriser la diffusion des gaz, jusqu’aux fonctions ou molécules CO2-philes. Avant fonctionnalisation de la surface, le carbone mésoporeux peut être préalablement activé afin d’introduire des micropores 9,10. Ceci permet d’avoir une combinaison de la physisorption et de la chimisorption du CO2. Nous avons vu dans le chapitre bibliographique qu’il existe de nombreux procédés pour activer les carbones poreux. Un choix judicieux du procédé d’activation permet d’adapter la taille des pores pour la capture de CO2 et d’augmenter la surface d’adsorption. Nous avons aussi abordé dans ce chapitre un ensemble de techniques de modifications de surface des carbones usuellement utilisés. En raison de l’acidité du dioxyde de carbone, les stratégies de modification de surface impliquent bien souvent des groupements basiques11. À cet effet, des carbones poreux ont été imprégnés avec des amines 12-22, dopés à l’azote (traitement par NH3, NaNH2) 32,33 ou greffés 23–31avec des groupements fonctionnels

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(amines, amidines,…). L’influence des traitements de surface lors de l’adsorption de CO2 a été intensivement étudiée ces dernières années et a été résumée dans le Tableau 1. L’intérêt de fonctionnaliser des carbones poreux avec des molécules CO2-philes est double, à savoir: augmenter la capacité d’adsorption et la sélectivité pour le CO2 vis-à-vis d’autre gaz surtout à des températures supérieures à 40°C. Ceci grâce à des mécanismes de chimisorption du CO2 à la surface du matériau. En effet, des fonctions ou des molécules azotées en surface vont réagir avec le CO2 pour former des carbonates ou des carbamates alors qu’en présence uniquement de fonctions oxygénées en surface des interactions faibles (de type liaison H et/ou interaction électrostatique) se forment 3. Au cours des dernières décennies, une attention toute particulière est portée aux matériaux imprégnés ou greffés avec des amines pour l’adsorption de CO2 dans les gaz de combustion ou dans les gaz très dilués comme l’air 38. Parallèlement, d’autres sources d’azote ont été testées avec des résultats prometteurs comme les amidines et les guanidines 22,39,40⁠.

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Tableau 1 : Effets des modifications de surface des carbones poreux lors de l’adsorption de CO2. Modification de

surface Réactifs utilisés Effets sur l’adsorption du CO2

Ref . Dopage Carbonisation de

biomasse Introduction de groupements basiques dans la structure carbonée ; en fonction des conditions expérimentales,

possibilité de développer les propriétés texturales du carbone. La capacité d’adsorption du CO2 dépend du type de fonction en surface et non du taux d’azote.

Insertion principalement de groupements faiblement basiques (pyridinique et pyrrolique) : affinité et sélectivité pour le CO2

limitée. 32,33 Imprégnation de molécules avec des fonctions azotées (amines, guanidines, amidines,…) PEI14-20 TETA12, 16 TEPA12, 13 DEA, MDEA13 DETA14, 16 MEA, AMP21 DBN, DBU22

Contrôle du type et du taux de molécules imprégnées en surface

Taux élevé de molécules à base d’azote insérées en surface et capacité d’adsorption élevée

Formation de liaisons carbamate ou carbonate avec le CO2 en fonction du type de molécule et de la présence d’eau

Capacité d’adsorption très faible, si l’entrée de la porosité est bloquée par la molécule imprégnée

Sélectivité élevée pour le CO2

Diminution de l’adsorption de CO2 en raison de la désorption de la molécule imprégnée en surface après plusieurs cycles d’adsorption/désorption du CO2 (régénération du matériau)

12 - 22 Greffage de fonctions azotées (amines, guanidines, amidines,…) Amidoxime23 PEI24 Diamine25 Chlorohydrate de 2-chloroéthylamine26 EDA, DETA27,30 Aniline, 4-aminobenzylamine, 4-aminoethylaniline29

Plus grande stabilité que les imprégnations, mais des capacités d’adsorption plus faibles (impact important sur la porosité) Formation de liaisons carbamate ou carbonate avec le CO2 en fonction du type de molécule et de la présence d’eau

Difficulté de préserver la microporosité lors des greffages Sélectivité élevée pour le CO2

Matériau stable après plusieurs cycles d’adsorption/désorption

23 - 31 Oxydation, pouvant être suivie d’un traitement basique (NaOH) HNO3 36,37

Interaction de type liaison hydrogène avec les fonctions carboxylique et hydroxyle en surface

et/ou interaction de type ionique si ces mêmes fonctions sont déprotonnées par un traitement basique (carboxylate et hydroxylate).

33 - 37

PEI : Polyethylenimine, TETA : triéthylènetétramine, TEPA : tetraethylenepentamine, MEA : monoéthanolamine, DEA : éthanolamine, MDEA : N-Méthyldiéthanolamine, DETA : diéthylènetriamine, AMP : aminomethyl propanol, DBN : 1,5-diazo-bicycl[4.3.0]non-5-ene, DBU : 1,8-diazobicyco[5.4.0]-undec-7-ene.

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La guanidine est une molécule avec un fort potentiel pour la capture et la conversion du CO2. Grâce à sa forte basicité, cette molécule peut fixer le CO2 de manière réversible avec des cinétiques rapides et une grande sélectivité vis-à-vis d’autres gaz 15,41,42. Il existe des études portant en milieu liquide (liquide ionique), mais très peu de matériaux poreux fonctionnalisés par cette molécule ont été étudiés comme adsorbant potentiel du CO2 39,40.

Custódio dos Santos et coll. 39⁠ ont greffé à la surface d’un carbone mésoporeux formé à partir d’une silice MCM-41 différents types d’amines et une guanidine. Ce greffage en plusieurs étapes se fait à l’aide d’un (3-chloropropyl)triethoxysilane, puis la guanidine est introduite par substitution nucléophile bimoléculaire (SN2) du chlore en position terminale. Une diminution de la mésoporosité du carbone est observée après greffage, rendant les tests d’adsorption de CO2 peu concluants par rapport aux autres fonctions introduites en surface. M.A. Alkhabbaz et coll. 40 ont imprégné une silice mésoporeuse avec un polymère riche en groupements amines, le poly(allylamine) (PAA). Ce polymère est connu pour posséder une forte capacité d’adsorption de CO2 dans l’air grâce à une densité d’amine primaire élevée. Ils ont par la suite imprégné leur matériau avec le polymère contenant 10 % de guanidine (échantillon noté GPAA) afin de fournir des sites de liaison plus forte pour le CO2. Ils ont comparé leurs composites en présence de guanidine ou non pour l’adsorption de CO2 dans des conditions de postcombustion (10% de CO2 dans He) et à différentes températures (25 - 140 °C) par analyse thermogravimétrique. Pour les deux matériaux, la capacité d’adsorption diminue avec la température avec des valeurs les plus élevées pour PAA jusqu’à 75°C. À cette température, les deux composites ont la même capacité d’adsorption (1,2 mmol/g). On remarque aussi que le matériau GPAA présente une capacité d’adsorption 70 % plus importante que le matériau PAA à 140°C. L’hypothèse émise par cette équipe est que la guanidine augmente la basicité du polymère imprégné dans la silice mésoporeuse et favorise alors les interactions avec le CO2 à température élevée. Ils ont par la suite testé la stabilité de leurs matériaux au cours de plusieurs cycles d’adsorption/désorption toujours par analyse thermogravimétrique (adsorption : 10% de CO2 dans He, désorption : 100 % He, à 120°C). Après 5 cycles, ils ont constaté que le matériau contenant la guanidine GPAA possède une capacité de régénération et une stabilité plus importante que PAA à une température élevée.

Nous avons donc décidé de tester comme adsorbant potentiel du CO2 un carbone mésoporeux fonctionnalisé avec la guanidine présentée dans le chapitre précédent. Notre choix s’est porté sur l’immobilisation de la guanidine après oxydation du carbone sous air, car il s’agit d’une

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méthode facile à mettre en œuvre. De plus, c’est une méthode qui préserve relativement bien les propriétés texturales du matériau. Préalablement, le carbone brut a été activé afin d’augmenter la surface spécifique et les volumes poreux (micro- et mésoporeux) 10. Les essais d’adsorption du CO2 ont été réalisés par manométrie d’adsorption du CO2 à 0°C et 20°C jusqu’à 1 bar. Par la suite, les chaleurs isostériques d’adsorption (Qst) ont été déterminées afin d’apporter des informations complémentaires sur le type d’interaction entre le CO2 et la surface de ces carbones. Par ailleurs, nous avons tenté de déterminer la sélectivité du CO2 par rapport à l’azote et la stabilité de nos matériaux pendant plusieurs cycles d’adsorption/désorption.

2. Partie expérimentale

Nous avons utilisé un carbone mésoporeux synthétisé par une voie « soft-template » telle qu’elle a été décrite dans le chapitre précédent. Après une tentative d’activation sous vapeur d’eau, nous avons décidé d’appliquer la même stratégie de modification chimique présentée dans le chapitre précédent à savoir l’oxydation sous air suivie de l’immobilisation de la guanidine.