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A. Synthèse bibliographique

III. Composites particulaires comportant des hydroxydes métalliques

2. Compatibilité et dispersion

2.2 Modification de surface des hydroxydes métalliques

2.2.1. Traitements thermiques

Le processus de calcination peut entraîner des modifications à la surface des charges minérales. Comme précisé précédemment, les hydroxydes métalliques perdent de l’eau, sous forme de vapeur, avec la montée en température. Cette perte d’eau s’accompagne d’une modification de la structure cristallographique de la charge. Une partie de l’ATH se transforme d’abord en boehmite, puis forme une phase amorphe d’alumine. Dans le cas du MDH, c’est de la magnésie, également amorphe, qui est obtenue. Suite à ces changements cristallographiques, la chimie de surface des hydroxydes change également, de même que sa surface spécifique, qui augmente au fur et à mesure de la décomposition [60]. Il a été montré que la calcination d’hydroxydes métalliques apporte un caractère hydrophobe à la surface des charges, ce qui peut améliorer leur affinité avec certaines matrices polymères. De plus, Hornsby a proposé que la surface spécifique augmentée, lors de la dégradation thermique du MDH, puisse agir comme suppresseur de fumée par adsorption des produits de décomposition hydrocarbonés. Il est également possible que cette augmentation de surface spécifique puisse catalyser l’oxydation de ces molécules [149]. Cependant, la perte des molécules d’eau pour ces charges correspond logiquement à une diminution du pouvoir retardateur de flamme [50]. L’intérêt de la calcination de ce type de charge pour une application liée au feu semble donc discutable.

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2.2.2. Greffage

Le greffage de molécules à la surface des hydroxydes métalliques est possible du fait de la présence de groupements hydroxyles. Ces groupements permettent les interactions avec des molécules, visant à modifier certaines propriétés de surface des charges minérales. Le greffage permet par exemple d’améliorer l’interface avec une matrice polymère, ou encore la mouillabilité de l’échantillon. Le potentiel de greffage d’un oxyde ou d’un hydroxyde métallique dépend de la concentration en groupements hydroxyles à sa surface, qui peut varier d’une charge à une autre, mais également en fonction de l’état cristallographique ou du mode de préparation.

Dans le cas de l’ATH, les groupements hydroxyles présents en surface proviennent de l’eau de structure de la charge minérale. Lors de la décomposition thermique, l’état de surface change et libère de la surface spécifique, apportant un caractère hygroscopique du fait de la présence de nano-pores [150]. En effet, lorsque de l’eau liquide pénètre dans un nano-pore, la tension de surface de l’eau augmente, du fait de forces liées à la capillarité. L’eau présente dans l’humidité de l’air peut

donc être physisorbée et peut permettre de créer des couple d’ions OH-/Al3+ avec la surface de

l’alumine. Ces couples sont alors considérés comme les sites réactifs de la charge, pouvant jouer le même rôle que les groupements hydroxyles dans le cas du greffage [60].

Les acides gras et leurs sels sont couramment utilisés pour traiter des surfaces comprenant des groupements hydroxyles par interaction physique. Ils sont constitués d’une fonction acide, servant de point d’accroche aux hydroxyles, et d’une chaîne hydrocarbonée contenant généralement 16 à 20 atomes de carbone. La chaîne carbonée permet une amélioration de l’affinité avec la matrice polymère et donc une amélioration de la dispersion dans la matrice polymère, et une facilité de mise en œuvre. L’adsorption d’eau se trouve également limitée. En ce qui concerne l’interface, la chaîne hydrocarbonée ne réagit pas chimiquement avec la matrice polymère, et n’est pas suffisamment longue pour permettre un enchevêtrement des chaînes [151]. Le traitement par des acides gras, permet donc de limiter les phénomènes d’agglomération des charges, et ainsi conserver de bonnes

propriétés mécaniques. Un acide gras largement employé est l’acide stéarique (CH3-(CH2)16-COOH)

[122], mais des études concernant d’autres molécules comme des acides acryliques ont également été menées [152]. Le greffage d’une fonction acide sur un groupement hydroxyle s’effectue avec un rapport molaire 1/1 (Figure A-30).

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Figure A-30: Greffage de l'acide stéarique

Contrairement aux acides gras, les organosilanes permettent la création de liaisons chimiques plus stables entre le polymère et la charge. En effet, les liaisons formées entre la charge et l’acide gras peuvent posséder une faible stabilité vis-à-vis de l’hydrolyse. La réaction entre la molécule et les charges s’effectue également par le biais des fonctions hydroxyles de surface. Ces molécules peuvent tout aussi bien réagir avec les hydroxydes métalliques, les silicates, les argiles ou encore les carbonates. La création d’une liaison covalente stable permet d’améliorer certaines propriétés du composite, comme la tenue aux chocs ou l’allongement à la rupture [75][70].

Suivant le même principe de réaction que les organosilanes, il est possible de fonctionnaliser des surfaces d’oxydes et d’hydroxydes par le biais de groupement phosphorés (acides organophosphorés et dérivés). Cette méthode reste cependant moins développée du point de vue industriel, mais permet d’ouvrir des voies de recherche intéressantes. L’intérêt principal est la grande réactivité entre ces molécules et les groupements hydroxyles liés à des métaux et métaux de transition. Ceci permet la formation d’une liaison stable P-O-M peu sensible à la présence d’eau. De plus, en présence d’eau, les fonctions alkoxysilanes des agents de greffage utilisés peuvent aisément s’hydrolyser et se condenser entre elles, ce qui n’est pas le cas des organophosphorés. En effet, la liaison P-O-P ne peut pas se former lors du traitement de surface, conduisant à la formation de monocouches (Figure A-31).

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Figure A-31:Traitement de surface par des groupements phosphates

Dans le cas de l’ATH, le greffage des groupements phosphates à la surface se fait généralement avec une, voire deux liaisons. Il est possible d’atteindre un greffage à trois liaisons dans le cas de surface faisant intervenir d’autres métaux, comme le fer par exemple [60]. Des réactions parasites de dissolution et de condensation peuvent avoir lieu, en compétition avec la fonctionnalisation, et conduisant à la formation de phosphonates métalliques à la surface de la particule. Il est possible de favoriser le traitement de surface en utilisant des esters organophophorés, diminuant cependant la densité de greffage [153]. Dans le cas de l’ATH, la formation de phosphonates d’aluminium ne permet pas un contrôle optimal du processus de traitement de surface. De plus, la création des liaisons entre l’aluminium et le phosphate entraîne une coupure de la liaison Al-O-Al de la structure de l’ATH (Figure A-32). Guerrero et al. [154] ont montré que la formation de phosphonates d’aluminium était défavorisée en effectuant le greffage de dérivés d’esters phénylphosphoniques dans un milieu aqueux, à pH=6. Le mécanisme de coupure de la liaison Al-O-Al proposé est illustré dans la Figure A-32.

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La structure chimique du groupement R peut être modifiée en fonction des propriétés souhaitées (amélioration des propriétés mécaniques, dispersion, interface charge-matrice…). Les essais réalisés au cours de la thèse s sont essentiellement concentrés sur l’amélioration de la dispersion et de l’interface charge-matrice. L’apport de molécules phosphorées a également été testé, en vue d’une amélioration des propriétés de résistance au feu. Par exemple, la synthèse de copolymères à partir du dimethyl(méthacryloyloxy)-méthylphosphonate (MAPC1) a été réalisée par Ferry et al. [155], permettant d’améliorer les propriétés de résistance au feu d’un biocomposite polybutylène succinate/lignine. Dans ce cas, les groupements phosphorés présents dans la chaîne polymère ont permis de jouer le rôle de promoteurs de charbonnement, et pourraient être adaptés à l’EVA.

2.2.3. Greffage et comportement au feu

Il a été mentionné précédemment que l’amélioration de la dispersion d’une charge dans la matrice polymère peut apporter de meilleures propriétés retardatrices de flamme. Ceci semble provenir de l’amélioration de l’effet barrière par formation d’une couche plus homogène. Cependant, le greffage de certaines molécules pourrait permettre un apport au comportement au feu du point de vue de la réactivité. L’utilisation de copolymères préparés à partir de phosphonates permet de favoriser la formation d’un résidu, suivant des mécanismes ayant lieu en phase condensée. La libération d’acide phosphorique ou polyphosphorique catalyse la dégradation, favorisant la formation d’un résidu charbonné. La présence d’espèces radicalaires, produites par la dégradation des composés phosphorés, permet de favoriser les réactions de réticulation au sein des chaînes de polymères. Ces mécanismes ont déjà été évoqués dans la partie concernant les retardateurs de flamme phosphorés.

Des expérimentations ont été menées pour mettre en œuvre des copolymères possédant des groupements phosphonate ou acide phosphonique pendants. Il s’agit, dans le cas présent de modifier, les chaînes polymères constituant le composite, et non de greffer des particules. Par exemple, la copolymérisation de méthacrylate de méthyle (MMA) avec du di(2-phenylethyl)-vinylphosphonate (PEVP) ou du pyrocatécholdi(2-phenylethyl)-vinylphosphonate (PCVP) conduit à des traitement de surface permettant d’augmenter les valeurs de LOI mesurées, ainsi que la quantité de masse résiduelle après combustion [156].

La masse résiduelle semble cependant diminuer lorsque le pourcentage massique en phosphore augmente. L’étude de copolymères d’éthylèneglycol méthacrylate phosphate (EGMAP) et de MMA réalisée par Lindsay et al. [157], a mis en évidence la présence de fonctions acides phosphoriques, carbonyles, anhydrides et de graphite microcristallin dans la couche de résidu carboné. Le copolymère permet donc d’empêcher la dépolymérisation totale de la partie PMMA, grâce à des mécanismes réactionnels favorisant la cyclisation. La présence de ce type de macromolécules en surface de charges dispersées pourrait permettre de créer des points d’initiation de charbonnement.

Le greffage de pyrophosphate sur de l’ATH, réalisé par Zhang et al., a mis en avant une action possible en phase gazeuse. La molécule greffée se décompose en ester de phosphate, susceptible de jouer un rôle retardateur de flamme par le biais de radicaux phosphorés [146]. Comme précisé dans la partie précédente, des traitements de surface réalisés à partir de MAPC1 ont permis d’améliorer le comportement au feu de biocomposites. Ceci a été largement montré par Dorez et al. [158][159] dans le cas de systèmes polybutadiène succinate/fibres de lin.

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Les molécules greffées semblent jouer le rôle de promoteur de charbonnement, et permettent d’améliorer la cohésion du char, ainsi que l’effet barrière. En fonction de la nature de la chaîne pendante, l’amélioration de la dispersion et des propriétés mécaniques est également envisageable.

L’intérêt de ces agents de greffage, à savoir un homopolymère p(MAPC1(OH)2) et un copolymère

p(MMA-co-MAPC1(OH)2), pour un système EVA/ATH peut être envisagé. En effet, le groupement

MAPC1 hydrolysé peut permettre une fonctionnalisation des hydroxyles de surface des ATH, comme avec les hydroxyles des fibres de lin. La partie PMMA dans le cas du copolymère peut être envisagée pour améliorer la dispersion et l’interface avec la matrice EVA.