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Le mode d’appropriation des fruits

Dans le document La notion de fruits : étude de droit privé (Page 94-100)

Section 2 : L’appréhension des fruits organisée autour du régime

2) Le mode d’appropriation des fruits

L’appropriation des fruits par le possesseur de bonne foi n’est pas basée sur l’usucapion (a) mais sur la séparation (b).

a) Rejet de l’usucapion comme mode d’appropriation par le possesseur de bonne foi

97 <> Le possesseur peut donc s’approprier les fruits du bien d’autrui, dès lors que sa bonne foi est caractérisée jusqu’à ce que sa possession soit remise en cause. Dans cette situation de concurrence de droits, les modalités d’appropriation des fruits par le possesseur diffèrent-elles de celles du propriétaire ?

Dans l’interprétation des textes romains par Savigny, le possesseur de bonne foi fait les fruits siens lorsqu’ils sont séparés car jusque-là, il ne peut être question « à leur égard, pour le possesseur de bonne foi, comme pour le propriétaire, […] d’un droit distinct,

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WERTHEIMER (J.), op. cit., p. 18.

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D. VI, I, 17, §1 : « Idem Julianus eodem libro Scribit: si moram fecerit in homine reddendo

possessor , et homo mortuus sit , et fructuum rationem usque ad rei judicatæ tempus spectendam esse » : Ce

passage, qui n’est que le début et envisage tous les cas de figure possible pour la restitution des fruits, énonce

que si le possesseur est en demeure de rendre un esclave revendiqué sur lui, et que cet esclave soit mort, on doit le condamner à la restitution des fruits jusqu'au jour du jugement.

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PELLAT (C.-A.), Traduction du livre VI des Pandectes, accompagnée d'un commentaire,

précédée d'un exposé des principes généraux du droit de propriété et de ses principaux démembrements, particulièrement de l'usufruit, 2e éd., Plon, Paris, 1853, p. 182.

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puisqu’ils ne sont qu’une partie de la chose principale317 ». Pour Savigny, c’est la séparation qui créé un nouveau droit et éteint le droit qui existait avant qu’elle ne fut opérée. Il explique que « la base de la bonæ fidei possessio est la possession juridique. Mais lorsqu’un tout est décomposé en ses parties, une possession nouvelle commence pour ces dernières, parce que (comme corps indépendants) ils n’étaient pas encore l’objet d’aucune possession. À l’égard de ces parties (c’est-à-dire, dans notre cas, à l’égard des fruits), une nouvelle possession de bonne foi doit également commencer, et comme les règles de la possession exigent que, lorsqu’on décompose un tout, l’appréhension et la

justa usucapionis causa se transmettent du tout aux parties, il est évident que la nouvelle bonæ fidei possessio des fruits prend aussi naissance (dans notre cas) par le seul fait de la séparation, sans exiger ni une appréhension nouvelle (véritable fructuum PERCEPTIO), ni

une juste cause nouvelle318 ». De ce constat, Savigny déduisait que la bonne foi à l’égard des fruits ne naissait qu’au moment de la séparation permettant au possesseur de les posséder sans que soit nécessaire une nouvelle appréhension ni une nouvelle juste cause. Savigny souligne donc la convergence des modalités d’appropriation des fruits entre propriétaire et possesseur de bonne foi. Mais la conséquence qu’en déduit Savigny est contestable. En effet, le propriétaire aurait un droit de propriété identique sur les fruits avant et après leur séparation comme le possesseur les possèderait de bonne foi durant ces deux périodes. Mais selon sa théorie, à compter de la séparation, le possesseur aurait une possession nouvelle, possession ayant la même cause que celle sur le bien frugifère qui serait ainsi transférée. Cette particularité de la bonæ fidei possessio aurait pour conséquence, en créant une nouvelle possession à partir de l’instant de la séparation des fruits, de faire courir une nouvelle usucapion. Ainsi, le possesseur ne deviendrait propriétaire des fruits qu’au bout de trois années puisque ces derniers seraient soumis à l’usucapion des choses mobilières. Durant ce laps de temps, le possesseur n’aurait les fruits qu’in possessione, ce qui le soumet au risque d’une revendication par le propriétaire à tout instant. Cela expliquerait alors pourquoi le possesseur de bonne foi bénéficiait de l’indemnisation des frais engagés pro cultura et cura mais pas de l’appropriation des fruits consommés. Lorsque le possesseur a vendu ou consommé les fruits, Savigny explique qu’il en résulte, pour lui, un enrichissement dont il devrait être comptable par le biais d’une

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MAIN DE BOISSIÈRE (A.), op. cit., p. 25.

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conditio spéciale319 mais que l’on l’en dispense eu égard aux soins portés à la chose frugifère pour les obtenir320. C’est de cette analyse qu’il tire l’idée que c’est une erreur de considérer que le possesseur reste propriétaire des fruits consommés. Sur ce point, il précise qu’il ne saurait y avoir appropriation des fruits puisque leur consommation a détruit à leur égard tout droit de propriété.

98 <> Si cette argumentation peut être séduisante de prime abord, elle ne nous convainc pas. En effet, Savigny exclut l’idée d’une quelconque appropriation des fruits consommés par le possesseur de bonne foi car, d’une part, une nouvelle possession naissait au moment de la séparation faisant courir l’usucapion et d’autre part, que le texte n’utilise pas la terminologie de la propriété. Or si le fragment relatif à l’acquisition des fruits par le possesseur de bonne foi utilisé par Savigny n’utilise pas le terme de propriété, ce dernier a été placé par Justinien dans un titre consacré à l’acquisition de la propriété.

99 <> Cependant ce n’est pas le seul point qui soit en contradiction avec cette théorie. Ainsi, Gaius énonce à propos des animaux, que leur croît appartient, dès la naissance de celui-ci, au possesseur de bonne foi321. Le texte use du terme appartenir et donc renvoie à l’idée que le possesseur en est propriétaire, idée inconciliable avec l’analyse que fait Savigny. Certains passages vont même jusqu’à rejeter toute idée d’usucapion sur les fruits pour le possesseur de bonne foi322, mettant à mal l’idée d’une appropriation ultérieure. Contradiction que Savigny tait dans ses lignes alors même que les « mots sed

statim et pleno jure sont complétement opposés à toute idée d’usucapion323 ». Un romaniste souligne que cette idée de rejet de l’appropriation des fruits par le possesseur de bonne foi s’accompagnait souvent de celle d’un rejet de la revendication des fruits consommés. Aussi, selon lui, on «doit aussi reconnaître la possibilité d’exercer la conditio

sine causa dans les limites de l’enrichissement, en vertu du principe posé dans la loi 32,

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Conditio mise en œuvre par le verus dominus dont l’objectif serait la revendication de la valeur des fruits consommés par le possesseur ou par une action en revendication du bien frugifère.

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Savigny se base sur les expressions « Ejus fiunt fructus, (…) fructus consumptos suos facit » pour en déduire cette absence d’appropriation.

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D. XXII, I, 28 : « In pecudum fructu etiam fœtus est, sicut lac, et pilus, et lana. Itaque agni, et

hœdi, et vituli statim pleno jure sunt bonæ fidei possessoris, et fructuarii », c’est-à-dire que la portée des

animaux peut être regardée comme un fruit. On regarde aussi comme tels le lait, le poil et la laine. Ainsi les agneaux, les chevreaux, les veaux appartiennent, dès qu’ils sont nés, au possesseur de bonne foi, ou à l’usufruitier.

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Mais ce n’est pas le seul passage où il est question d’appropriation immédiate des fruits par le possesseur. Ainsi le fragment D. XLI, III, 4, §19 énonce « si vero apud bonæ fidei emptorem, quoniam in

fructu est, nec usucapi debet, sed statim, emptoris fit ». Cf. également le fragment D. VII, IV, 13.

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liv. XII, Tit. I324 ». Cependant, cette possibilité est rejetée expressément dans les

Institutes325, qui énoncent que dans le cas où le véritable propriétaire se présente et réclame son fonds, il n’a point d'action pour se faire rendre les fruits consommés par le possesseur de bonne foi.

b) De l’attribution des fruits consommés au possesseur de bonne foi par la séparation

100 <> La conception défendue par Savigny n’obtiendra donc pas notre suffrage sur la question de l’appropriation. Face à ces éléments contradictoires, il semble évident que le droit romain considérait les fruits comme la propriété du possesseur de bonne foi dès le moment de la séparation. Il est intéressant de constater que si le possesseur de bonne foi n’a aucun besoin de faire jouer l’usucapion pour faire siens les fruits, ce dernier n’en n’est pas moins utile. La possession ne suffit pas matériellement à assurer au possesseur

l’appropriation des fruits, elle doit s’accompagner d’un acte matériel de perception. En

effet, jusqu’au moment de celui-ci, les fruits peuvent être saisis par n’importe quelle personne sans que le possesseur soit protégé car le propriétaire du bien frugifère est inconnu326. En ces circonstances, toute personne pouvait saisir les fruits au détriment du possesseur comme en attestent certains passages du Digeste.

Jusqu’au IIe siècle, les jurisconsultes estimaient que le possesseur de bonne foi n’avait « qu’une simple possession des fruits qu’il acquiert par la perception327 ». C’est aux IIe et IIIe siècles, que les jurisconsultes attribuèrent la propriété des fruits au possesseur de bonne foi328. Ainsi, Paul citant Julien énonce que les fruits appartiennent à l’usufruitier, lorsqu’il les a perçus et cueillis, alors qu’ils appartiennent au possesseur de bonne foi, dès qu’ils sont séparés de la terre d’une quelconque manière329. Nous avons d’ailleurs déjà évoqué que Paul allait plus loin en énonçant que les fruits n’avaient nul besoin d’être

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MOUCHET (M.), op. cit., p.46.

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Institutes, II, I, §35 : « Et ideô si posteà dominus supervenerit, et fundum vindicet, de fructibus ab

eo consumptis agere non potest. Ei verô qui alienum fundum sciens possèderit, non idem concessum est: itaque cum fundo etiam fructus, licèt consumpti sint, cogitur restituere ».

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EFIMOF (B.), « L’énigme des fruits en droit romain », in Nouvelle Revue historique de Droit

français et étranger, mars-avril 1899, p. 12. Il faut bien comprendre que le possesseur du bien frugifère n’est

pas protégé contre les tiers qui accompliraient la séparation des fruits. Ces tiers entreraient alors en possession des fruits et en deviendraient maîtres sans que le possesseur du bien frugifère ne puisse s’y opposer.

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EFIMOF (B.), Chron. Préc., p. 11.

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Par exemple, au D. XLI, I, 48, Paul énonce « bonæ fidei possessor fructus suos facit ».

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D. VII, IV, 13 : « Julianus ait, fructuarii fructus tunc fieri, cùm eos perceperit : bonæ fidei autem

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usucapés et qu’ils appartenaient immédiatement à l’acheteur du bien frugifère, prenant l’exemple de la laine des ovins330. Cette solution peut sembler alors excessive à l’égard des fruits, car il en résulte que possession et propriété semblent être synonymes. Mais cela est légitime car admettre l’usucapion à l’égard d’une chose dont le possesseur est déjà propriétaire serait un non-sens. Les juristes romains, à cet égard, attribuent l’appropriation des fruits à la separatio fructuum. Ainsi, le possesseur de bonne foi a, par rapport à la perception des fruits, les mêmes droitsque le véritable propriétaire du fonds331.

101 <> Pourtant cette solution, qui permet au possesseur de bonne foi de faire siens les fruits consommés, n’est pas sans incohérence – ce qui peut expliquer d’ailleurs la position de Savigny – car il semble paradoxal de subordonner l’appropriation à la consommation, consommation qui de par sa nature fait disparaître l’objet de ce droit. Cette situation originale ne doit pas remettre en doute le caractère définitif et irrévocable de cette appartenance car les fruits permettent « l’entretien de la chose et celui du propriétaire, se dépensent au jour le jour et se consomment rapidement332 ». Ce principe de faveur permettant que les fruits consommés demeurent l’apanage du possesseur de bonne foi s’explique car demander, parfois après de longues années, la restitution de l’ensemble des fruits perçus eût été trop rigoureux. Et ce, d’autant plus qu’il est supposé ne pas s’être enrichi en dépensant les fruits de la chose pour vivre333. Il semble donc naturel de lui accorder les fruits consommés y compris les fruits dont la production n’a nécessité de sa part aucun soin ni travail334. Cet avantage est aussi une forme de sanction335 à l’égard du

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D. XLI, III, 4, §19: « lana ovium nec usucapi debet, sed statim emtoris fit ».

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D. XXII, I, 25, §1: « Porrò bonæ fidei possessor in percipiendis fructibus id juris habet, quod

dominis prædiorum tributum est. Prætéreà, cùm ad fructuarium pertineant fructus à quolibet sati, quantò magis hoc in bonæ fidei possessoribus recipiendum est, qui plus juris percipiendis fructibus habent? cùm fructuarii quidem non fiant, antequàm ab eo percipiantur; ad bonæ fidei autem possessorem pertineant, quoquo modo à solo separate fuerint: sicut ejus qui vectigalem fundum habet, fructus fiunt, simul atque solo separate sunt ». Dans ce passage donc, Julien après avoir énoncé que les fruits appartiennent au possesseur

de bonne foi de la même façon qu’ils appartiennent au véritable propriétaire du fonds, opère une comparaison de son statut à celui de l’usufruitier. Il estime que « puisque les fruits d’une terre donnée en usufruit appartiennent à l’usufruitier , sans qu’on fasse attention à celui qui les a semés, à combien plus forte raison doit-on observer la même chose à l’égard des possesseurs de bonne foi, qui ont un droit plus étendu que l’usufruitier pour la perception des fruits : car les fruits n’appartiennent à l’usufruitier que lorsqu’ils ont été perçus par lui ; au lieu qu’ils appartiennent au possesseur de bonne foi, de quelque manière qu’ils se trouvent séparés de la terre : de même que celui qui est propriétaire d’un fonds moyennant une redevance, acquiert les fruits dès qu’ils sont séparés de la terre ». Mais d’autres passage du Digeste viennent attester de cette situation et notamment : un passage de Gaius au D. XXII, I, 28 ; un passage attribué à Paul au D. XLI, I, 48 §2 ; un autre à Ulpien au D. XLVII, II, 48, §6 ou encore un autre de Paul au D. XLI, III, 4, §19… Ces passages, entre autres, attestent du caractère unanime des jurisconsultes à admettre une telle solution.

332

CHRÉTIEN (A.-M.-V.), De l’acquisition du droit de propriété sur les fruits naturels dans la

législation romaine, Th. Nancy, 1881, p. 73.

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« Lautius vivendo ».

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propriétaire négligent ayant laissé s’égarer aux mains d’un tiers la chose face à un possesseur qui se croyant maître s’est comporté en bon père de famille.

De manière plus générale, il se pourrait que l’explication réside dans le fait que nous soyons en présence d’une propriété conditionnelle336, puisque celle-ci est subordonnée à la consommation des fruits par le possesseur de bonne foi. La séparation des fruits du bien frugifère confère alors au possesseur une propriété révocable qui se transforme en droit irrévocable par la consommation337. La séparation rend donc le possesseur propriétaire des fruits et la condition se réalise lorsque les fruits sont consommés ou aliénés, et remonte rétroactivement au moment de la séparation. La fixation de la propriété « s’opère d’ailleurs par effet rétroactif, de telle sorte qu’il est toujours vrai de dire que les fruits sont gagnés non par la consommation mais par la séparation338 ». En revanche, à défaut de consommation, les fruits qui sont encore existants, cessent d’être sa propriété à compter de la revendication qui joue le rôle de condition résolutoire à celle-ci. Cette propriété des fruits consommés est donc pleine et entière339.

102 <> Ceci étant admis, il subsiste encore une interrogation : l’appropriation des fruits par le possesseur de bonne foi s’opère-t-elle par la seule séparation ou est-ce par perception ? Ces deux expressions sont-elles synonymes ? Est-ce sans incidence d’user de l’une et de l’autre des expressions ? Nous avons vu que Savigny évoquait l’identité de traitement entre propriétaire et possesseur qui, par la simple séparation, « alors même qu’elle est le résultat du hasard ou d’un acte posé par une autre personne340 », sont à même de faire leurs les fruits, sans qu’aucun acte ne soit nécessaire. Il les oppose en cela à l’usufruitier et fermier qui n’acquièrent leurs droits sur les fruits que par leur propre perception. Ainsi les deux termes ne semblent pas synonymes. Pourtant dans les passages du Digeste évoqués, les jurisconsultes ont recours au champ lexical de la perception comme percipiendi, percipiuntur, perceptos, perciperet, perceptione. D’ailleurs, il suffit de lire, par exemple, le titre premier du vingt-deuxième livre du Digeste relatif aux intérêts

335

ACCARIAS (C.), Précis de droit romain, T. 1, Catillon, 1874, n°250.

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Idée défendue par Jacques Cujas. Sur la notion de propriété conditionnelle, voir la thèse de BOUTEILLE (M.), Les propriétés conditionnelles, préf. F. Pérochon, PUAM, 2008.

337

CAILLOT (J.), De l’acquisition des fruits par le possesseur en droit romain, Th. Paris, Impr. Noblet, 1887, p. 42.

338

CHRÉTIEN (A.-M.-V.), op. cit, p. 81. D’ailleurs, l’idée d’une propriété temporaire et conditionnelle des fruits par le possesseur de bonne foi avait déjà été évoquée par certains commentateurs dont GLÜCK (C.F.) dans ses Explications détaillées des pandectes, d’après Helfeld, Erlagen, t. 8, §590.

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« Plenum dominium ex jure quiritium ».

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d’une somme et aux fruits pour constater que la terminologie relative à l’appropriation des fruits est toujours tournée vers la perception, le terme de séparation apparaissant comme le moment où la mise en œuvre de la perception devient possible. Et c’est précisément là que se situe la réponse. En effet, comme le propriétaire, le possesseur d’une chose devient propriétaire des fruits à l’instant où ceux-ci se détachent du bien frugifère. D’un point de vue juridique, il n’a pas besoin d’usucaper les fruits, ni d’attendre un autre acte qui viendrait lui permettre de les faire siens. Se croyant propriétaire, il n’a pas besoin d’attendre une traditio du propriétaire comme devrait le faire un fermier. Dans cette même perspective, il s’approprie les fruits sans qu’il y ait besoin d’un acte de perception juridique comme l’usufruitier. Certes, il y aura perception mais celle-ci désigne l’acte matériel de prendre en son pouvoir la chose. Comme pour le propriétaire, il s’agit alors de la détention. Ainsi, au moment de la séparation et du seul fait de cette dernière, parce que le possesseur a la détention matérielle de la chose et qu’il est possesseur (et se pensant propriétaire), les fruits sont sa propriété exclusive sans qu’un acte de perception – au sens juridique – ne soit nécessaire. Et en effet, à y regarder de plus près, ces passages font bien référence à cette perception matérielle qui se trouve remise en question par le verus dominus.

103 <> Cette appropriation des fruits par le possesseur de bonne foi vise-t-elle l’ensemble des fruits ou seulement certains d’entre eux ? Les textes énoncent que le possesseur de bonne foi n’a pas à restituer les fruits consommés (fructus consumti) avant la

litiscontestatio c’est-à-dire avant le procès en revendication. La consommation visant ici

« toute façon dont ils ont pu sortir du patrimoine du possesseur de bonne foi, et pas seulement à l’usage personnel qu’il en eût pu faire341 ». Il convient alors de se demander si toutes les catégories de fruits sont soumises à cette appropriation.

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