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Mode d’action et cibles

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5 le mode d’action : les cibles des antibiotiques sont variables et localisées aussi bien à

1.2. Mode d’action et cibles

La force de l’antibiothérapie réside dans la toxicité sélective des antibiotiques. Ils agissent spécifiquement sur des éléments intrinsèques au métabolisme bactérien, donc

Ampicilline (A) Gentamicine (B)

Tétracycline (C) Chloramphénicol (D)

Erythromycine (E)

Linézolide (F)

Clindamycine (G)

Dalfopristine (H)

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absents chez les Eucaryotes et notamment chez l’Homme. Les mécanismes qui régissent leur action sur la prolifération ou la survie bactérienne sont variables et dépendent de leur cible, les principales étant la paroi, la synthèse protéique, la synthèse et la réparation des acides nucléiques ainsi que le métabolisme intermédiaire (synthèse de l’acide folique).

1.2.1. La paroi

1.2.1.1. Synthèse du peptidoglycane

La synthèse du peptidoglycane constitue la cible la plus largement exploitée dans le développement d’antibiotiques, ceci à cause de la différence de composition entre les membranes bactériennes et eucaryotes, mais également au sein des espèces bactériennes. En effet, les bactéries Gram positif possèdent une membrane unique recouverte d’un peptidoglycane épais (20 – 80 nm) contrairement aux bactéries Gram négatif qui en possèdent deux avec un peptidoglycane plus fin (7-8 nm) inséré au sein du périplasme, entre les deux membranes (Fig. 4).

Les étapes finales de la biosynthèse du peptidoglycane impliquent la synthèse cytoplasmique et la polymérisation (extracellulaire ou périplasmique selon les espèces) de chaînes composées de deux disaccharides, l’acide acétylmuramique (NAM) et le N-acétylglucosamine (NAG). La polymérisation est réalisée grâce à des transglycosylases, qui assurent l’élongation de la chaîne en catalysant la formation de liaisons glycosidiques entre les disaccharides préexistants et les disaccharides nouvellement formés. Les chaînes sont reliées par un pentapeptide, grâce à des transpeptidases, qui assurent la réticulation entre les chaînes en catalysant la formation de ponts peptidiques (pentaglycine) entre les pentapeptides.

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Figure 4 : Structure et composition des membranes des bactéries Gram positif et Gram Négatif. AL : Acide

lipotéichoïque. LP : Lipoprotéines. (Copyright © The McGraw-Hill Companies, Inc).

Les antibiotiques ciblent principalement ces enzymes de synthèse (Fig. 5),

soit en se substituant à leurs substrats, c’est le cas des β-lactamines qui forment des liaisons covalentes avec les transpeptidases (ou PLP, Protéines Liant la Pénicilline, plus connues sous leur nom anglais : PBP, penicillin-binding protein) ou encore de la moenomycine, seul antibiotique naturel (isolé de Streptomyces) se liant aux transglycosylases (Sauvage, 2016),

soit en empêchant la liaison des enzymes à leurs substrats, c’est le cas de la vancomycine qui se lie au motif D-Ala-D-Ala des pentapeptides, motif reconnu par les transpeptidases (Courvalint & Arthura, 1993). D’autres antibiotiques tels que la bacitracine, mélange de polypeptides produits par Bacillus subtilis, interfèrent avec le transport des précurseurs du peptidoglycane à travers la membrane cytoplasmique (Storm, 1974).

Tous ces antibiotiques ont pour effet d’inhiber la synthèse du peptidoglycane, et par conséquent de fragiliser la paroi cellulaire.

Membrane cytoplasmique Gram Négatif Porines Lipopolysaccharides Phospholipides Gram Positif Membrane externe Peptidoglycane Membrane cytoplasmique Protéines membranaires Périplasme Protéines membranaires Enveloppe Acide téichoïque AL LP Membrane externe Peptidoglycane

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Figure 5 : Synthèse du peptidoglycane et cibles des antibiotiques. Quelques antibiotiques inhibiteurs de la

dernière étape de biosynthèse du peptidoglycane (β-lactamines, glycopeptides, bacitracine, etc.) sont surlignés en vert et l’un des antibiotiques responsables de la déstabilisation des membranes est surligné en orange. Les cibles sont indiquées entre parenthèses. (Adapté de McCallum & al, 2011, Antimicrobial Agents Chemotherapy).

: Réactions enzymatiques inhibées.

: Inhibition de la synthèse du peptidoglycane par liaison de l’antibiotique à un précurseur du peptidoglycane

: Clivage des ponts pentaglycine par la lysostaphine et dépolarisation de la membrane par la daptomycine.

1.2.1.2. Déstabilisation de la membrane

Certains antibiotiques chargés (cationiques ou anioniques) ou neutres sont capables de déstabiliser les membranes bactériennes.

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Les polymyxines, principalement utilisées contre les bactéries Gram négatif, sont des polypeptides cationiques qui altèrent la perméabilité membranaire, en déplaçant les cations (Ca2+, Mg2+) liés aux lipides de surface chargés négativement, causant ainsi une expansion de la membrane externe et par conséquent la formation de pores, due à une perte de stabilité des lipides. Les polymyxines peuvent ainsi s’insérer dans la membrane externe et perméabiliser par la suite la membrane interne (Landman & al, 2008 ; Martti, 2010).

La daptomycine, qui est un lipopeptide, s’insère quant à elle au sein des membranes des bactéries Gram positif, en présence de calcium et provoque un efflux de potassium ainsi qu’une perte de gradient de concentration des ions, entraînant une dépolarisation de la membrane (Fig. 5) (Mech, 2014 ; Robbel & Marahiel, 2010).

Ces antibiotiques provoquent la mort des bactéries par lyse cellulaire. Ils sont cependant utilisés en dernier recours à cause de leur néphrotoxicité et de leur potentielle interaction (non spécifique) avec les membranes des cellules de l’hôte.

1.2.2. La synthèse protéique

La synthèse des protéines (résumée par la Figure 6) est dirigée, aussi bien chez les bactéries que chez les eucaryotes, par une machinerie cellulaire impliquant les ribosomes. À la différence du ribosome eucaryote 80S constitué de deux sous-unités 60S et 40S et de 78 protéines ribosomales, le ribosome bactérien 70S est constitué de deux sous-unités 50S et 30S et d’environ 54 protéines. Les antibiotiques qui inhibent la synthèse protéique, peuvent donc cibler spécifiquement le ribosome bactérien. Malgré sa taille importante, seuls quelques sites sont ciblés par les antibiotiques (Wilson, 2014).

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Figure 6 : Etapes de la biosynthèse des protéines et cibles des antibiotiques. Les antibiotiques agissent

principalement au niveau des sous-unités 30S et 50S du ribosome à différentes étapes au cours de la traduction, en inhibant leur assemblage, leurs fonctions ou en favorisant la formation de complexes aberrants

non fonctionnels. Ils inhibent également des facteurs d’élongation (EF-Tu et EF-G). Les aminosides, les cyclines,

les glycylcyclines, les phénicolés, les lincosamides, les oxazolidinones, les macrolides, les streptogramines, les

tuberactinomycines et les orthosomycines sont indiqués. Les glycylcyclines sont une famille d’antibiotiques hémi-synthétiques dérivées des tétracyclines, les tuberactinomycines étant une famille de peptides antituberculeux naturels isolés de Streptomyces. Les orthosomycines correspondent à une famille de composés oligosaccharidiques naturels ayant des propriétés antibiotiques. (Adapté de Wilson, 2014, Nature Review Microbiology).

Les antibiotiques qui interagissent avec la sous-unité 30S ciblent principalement l’ARNm et les ARNt. Certains antibiotiques (édeine, kasugamycine) inhibent l’initiation de la traduction en empêchant une interaction stable entre l’ARNt initiateur et le codon initiateur au niveau du site P. Les aminoglycosides quant à eux, se lient de façon irréversible à la petite sous-unité 30S, provoquant des erreurs de lecture de l’ARNm. Ils empêchent également

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l’élongation de la chaîne peptidique en inhibant le transfert du peptidyl-ARNt du site A vers le site P. D’autres antibiotiques tels que les tétracyclines ciblent également la sous-unité 30S en empêchant la fixation de l’aminoacyl-ARNt au niveau du site A du ribosome, inhibant ainsi l’initiation de la traduction.

Trois principales familles d’antibiotiques ciblent la grande sous-unité 50S. Ils inhibent principalement l’initiation de la traduction et l’élongation de la chaîne peptidique. Le chloramphénicol (famille des phénicolés) se lie à une peptidyltransférase de la sous-unité 50S, inhibant ainsi la formation de la liaison peptidique. Les macrolides quant à eux, se lient à la sous-unité 50S, inhibant ainsi la réaction de transfert par la peptidyltransférase et la translocation du peptidyl-ARNt du site A vers le site P. Les lincosamides et les streptogramines présentent une activité similaire. Enfin, les oxazolidinones, notamment le linézolide, se lient à la sous-unité 50S et empêchent la fixation de l’ARNm et du f-Met-ARNt (ARN de transfert porteur du résidu initiateur de la synthèse peptidique), inhibant ainsi l’initiation de la traduction.

1.2.3. La synthèse et la réparation des acides nucléiques

Les antibiotiques peuvent interférer avec la synthèse des acides nucléiques à différents niveaux. Ils peuvent inhiber la synthèse des nucléotides ou leur interconversion.

Les antibiotiques ciblent également la réplication et la transcription de l’ADN (Fig. 7). Les rifampicines (ou rifampines), de la famille des rifamycines, inhibent l’initiation de la transcription en se liant de façon covalente à l’ARN polymérase au niveau du site de reconnaissance du promoteur. Les fluoroquinolones telles que la ciprofloxacine et la norfloxacine, inhibent quant à elles deux topoisomérases de type II, l’ADN gyrase et la topoisomérase IV (Aldred & al, 2014). L’ADN gyrase catalyse la séparation des deux brins d’ADN, favorisant ainsi le déroulement local de la double hélice, nécessaire à la transcription et à la réplication. La topoisomérase IV est quant à elle responsable de la ségrégation des chromosomes qui intervient au cours de la division cellulaire. Les fluoroquinolones se lient aux complexes de clivage ADN-gyrase et ADN-topoisomérase IV au cours de l’hydrolyse de la

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double hélice, formant un complexe stable et empêchant ainsi la progression de la polymérase (ADN polymérase ou ARN polymérase). L’accumulation de ces complexes non fonctionnels entraîne une inhibition de la synthèse de l’ADN et de l’ARN, un arrêt de la prolifération cellulaire conduisant à la mort cellulaire et l’induction de la voie de réparation SOS.

Figure 7 : Inhibition de la réplication des acides nucléiques. La rifampicine se lie à l’ARN polymérase et

empêche sa liaison à l’ADN, inhibant ainsi l’initiation de la transcription. La ciprofloxacine et les novobiocines empêchent l’introduction de tours supplémentaires au sein de la double hélice d’ADN, bloquant ainsi la progression de l’ADN polymérase et inhibant par conséquent la réplication de l’ADN. (Adapté de Walsh, 2003, Nature Review Microbiology).

1.2.4. Le métabolisme intermédiaire

Des antibiotiques tels que le triméthoprime (de la famille des diaminopyrimidines) et les sulfamides interfèrent avec le métabolisme de l’acide folique, précurseur de la thymine, un composant essentiel de l’ADN (Fig. 8). Contrairement aux mammifères, les bactéries et les parasites ne possèdent pas de système de transport permettant l’acquisition d’acide folique préformé dans leur environnement et doivent donc le synthétiser. Les sulfamides inhibent de façon compétitive la biosynthèse du tétrahydrofolate, en se liant à la ptéridine

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synthétase (ou dihydroptéroate synthase), enzyme responsable de la synthèse de son précurseur, l’acide dihydrofolique. Le triméthoprime va quant à lui inhiber la synthèse du tétrahydrofolate en se liant de façon compétitive à la dihydrofolate réductase.

Figure 8 : Métabolisme de l’acide folique. L’acide folique est nécessaire à la synthèse de la thymine, un

composant essentiel de l’ADN. Les différentes étapes au cours desquelles les antibiotiques interviennent sont indiquées par ( ). (Adapté de Walsh, 2003, Nature Review Microbiology).

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