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Première partie: Généralités et revue de la littérature

C. Modalités d’accouchement en cas d'obésité maternelle

1. Anesthésie

Les patientes obèses posent également des problèmes sur le plan anesthésique, et en particulier en cas d’obésité morbide (22). Ces difficultés sont essentiellement des difficultés techniques inhérentes à l’augmentation de la masse graisseuse. Les obèses posent des problèmes de pose de voie d’abord, de pose d’analgésie loco-régionale et d’intubation en cas d’anesthésie générale (64). Les facteurs prédictifs d’intubation difficile sont évalués en consultation d’anesthésie : antécédents d'intubation difficile, classe de Mallampati > 2, distance thyro-mentonnière < 6 cm et ouverture de bouche <35mm. L'évaluation de la mobilité mandibulaire et cervicale est également conseillée.

La classe de Mallampati est déterminée par l’observation de l’anatomie de la cavité orale. Cette classification est réalisée sur un sujet éveillé, assis ou debout lors d’une ouverture de bouche langue tirée. Sa corrélation avec les grades de Cormack et Lehane (visibilité de l’épiglotte et des cordes vocales lors de la pose du laryngoscope au moment de l’intubation) est peu fiable pour les classes 2 et 3. Les classes 1 et 4 de Mallampati sont, en revanche bien corrélées avec les grades 1 et 4 de Cormack et Lehane (Figure 11). Un score de Mallampati supérieur à 3 est un facteur indépendant d’intubation difficile et est associé au risque de syndrome d’apnée du sommeil. Il existe donc des situations cliniques augmentant le risque d’intubation difficile :

- Un IMC > 35 kg/m²,

- Une circonférence cervicale supérieure à 46,5 cm, - Une pathologie cervico-faciale

- Un état pré-éclamptique, - Un SAS.

Cette association est corrélée à un grade 3 de Cormack et Lehane. La probabilité de l’intubation difficile serait de 35 % si le diamètre cervical est supérieur à 60 cm.

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Figure 11 : corrélation entre les classes de Mallampati et la classification de Cormack et Lehane.

Une étude cas-témoin comparant 134 patientes non obèses à 134 patientes obèses morbides appariées à l’âge et à la parité a montré que le taux d’analgésie péridurale entre les deux groupes était comparable mais la réalisation de celle-ci était plus difficile avec un plus grand nombre de ponctions (1,17 +/- 0,55 versus 1,51 +/- 1,0 ; p < 0,05) et un plus grand nombre d’échecs (0 % versus 7 % ; p < 0,05) (65).

L’indication médicale de mise en place précoce d’une analgésie péridurale est judicieuse compte tenu du risque augmenté de répétition du geste anesthésique, de la difficulté prévisible du geste et des difficultés de l’intubation en cas d’anesthésie générale.

Les césariennes chez les patientes obèses sont des gestes plus compliqués techniquement entrainant de ce fait une augmentation du risque opératoire en allongeant le temps opératoire et les pertes sanguines.

L’anesthésie générale chez l’obèse doit au maximum être évitée à cause du risque de complications notamment du fait de difficultés plus importantes à l’intubation, et du risque d’insuffisance respiratoire sévère chez les patientes obèses morbides sous l’effet des produits anesthésiques. En effet, l’obésité entraine des perturbations du volume de distribution, de la fixation protéique et de l’élimination de nombreux médicaments. La résultante est parfois difficile à prédire et nécessite un monitorage des effets pharmacodynamiques.

La position en proclive est préférable afin d’éviter l’altération de la ventilation en décubitus dorsal strict par l’ascension du diaphragme sous le poids des viscères abdominaux et la compression de la veine cave inférieure.

Le matériel d’intubation difficile doit être à disposition lors de l’induction en raison du risque de désaturation rapide et du risque important d’intubation difficile (évalué à 13 %). Les

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difficultés de ventilation au masque et d’intubation trachéale sont plus importantes. Ces difficultés d’intubation proviennent de la graisse faciale, de l’augmentation des seins, d’un cou court, d’une grosse langue, de l’hypertrophie du palais et de la muqueuse pharyngée, d’un larynx haut situé, d’une limitation de l’ouverture de bouche et d’une limitation de la mobilité du rachis cervical.

La tolérance à l’hypoxie étant réduite chez ces sujets, la préoxygénation doit être soigneuse. Le réveil des sujets obèses est marqué par une augmentation de la consommation en oxygène, de la ventilation et du débit cardiaque. Les capacités d’adaptation à l’effort du sujet obèse étant limitées et l’insuffisance coronarienne fréquente, il faut s’efforcer de minimiser l’augmentation de la consommation d’oxygène au moment du réveil : normothermie, analgésie suffisante, décurarisation complète et installation en position demi-assise, sont de rigueur avant l’extubation. Par ailleurs la présence d’un SAS appareillé indique théoriquement une surveillance continue après une anesthésie générale.

2. Voie d’accouchement

a) Voie basse

Chez les femmes obèses, la probabilité d’une mise en travail spontanée est divisée par deux par rapport aux femmes de poids normal (61). Du fait de la réduction de l’amplitude et de la fréquence des contractions utérines observées chez les femmes obèses, la capacité de l’utérus à se contracter spontanément en fin de grossesse pour la mise en travail spontanée est diminuée expliquant un recours plus fréquent au déclenchement artificiel du travail (2, 29, 62, 66, 67). Le taux de déclenchement chez les patientes obèses est 2 à 2,5 fois plus important que chez les femmes normo-pondérales (39, 41, 54). De plus, Hamon et al., ont montré que lors d'un déclenchement une quantité plus importante d’ocytocine était nécessaire chez ces patientes (29).

Les taux d’accouchement voie basse diminuent avec l’augmentation de l’IMC (obèses modérées-sévères 59,5 % versus obèses morbides 50,3 % versus « super-obèses » 43,6 % ;

p<0,0001) (36). Le taux d’extraction instrumentale en revanche n’est pas significativement

différent entre les différentes classes d’obésité avec même une tendance à la diminution avec l’augmentation de l’IMC mais les résultats sont contradictoires (54). Plus proche de notre population et de nos pratiques, l’étude normande comparant les femmes normo-pondérales aux obèses morbides, retrouve un taux d’accouchement voie basse augmenté chez les femmes de poids normal, (68,3% versus 43,5%), avec un taux d’extraction instrumentale sans différence significative (42).

L’obésité n’a pas été reconnue comme étant un facteur de risque de déchirures périnéales graves (68). La méta-analyse de lutsiv et al., a montré que les taux de déchirures périnéales graves n’étaient pas différents entre les obèses morbides et les obèses modérées-sévères

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mais en revanche, elle a montré que le taux de déchirures était plus important chez les femmes normo-pondérales que chez les obèses morbides (39).

b) Césarienne

Dans la plupart des études sur le mode d’accouchement des femmes obèses, le taux de césariennes est généralement très élevé avec un risque relatif allant de 1,6 à 3 par rapport aux femmes de poids normal (2, 29, 34, 66). Pour une maternité effectuant 20 % de césariennes chez les primipares ayant un IMC < 30 kg/m², les taux de césariennes chez les primipares ayant un IMC entre 30 et 35, et entre 35 et 40 sont respectivement de 33 % et 47 % (58).

Les causes de césariennes chez les obèses sont nombreuses : les pathologies vasculaires ou métaboliques associées, la macrosomie, les échecs de déclenchement, les disproportions fœto-pelviennes et la souffrance fœtale. Mais l’obésité est également un facteur de risque indépendant de césarienne. L’analyse du registre de Caroline du Sud sur une population à bas risque montre qu’un IMC supérieur à 30 en fin de grossesse est un facteur de risque indépendant de césarienne pour anomalie de la dilatation, au même titre que le déclenchement, la nulliparité ou l’âge maternel (69). La même tendance est retrouvée en cas d’utérus monocicatriciel où le taux d’échec des tentatives de voie basse est multiplié par 2 et celui de la morbidité de la césarienne pratiquée en cours de travail multiplié par 3 (59). L’étude normande retrouvait un taux très supérieur de césarienne dans le groupe des obèses morbides (47,8 % versus 15,4 % ; p < 0,001) (42). Le risque de césariennes est de 1,76 chez la femme en surpoids, de 2,32 chez l’obèses et de 2,69 chez la femme obèse morbide (54). Chez les patientes « super-obèses », le taux de césariennes atteint 60 % des accouchements (37, 38). Dans l’étude de Marshall et al. (36), comparant les femmes obèses modérées-sévères, morbides et « super-obèses », le taux de césarienne augmente significativement avec l’IMC (33,3 % versus 42,8 % versus 49,1 % ; p < 0,0001). Cette augmentation concerne les césariennes programmées (8,4 % versus 9,9 % versus 12,4 % ; p < 0,0001) et les césariennes en urgences (8,6 % versus 10,6 % versus 10,7 % ; p < 0,0001).

Une prise de poids excessive durant la grossesse augmente encore ce risque de césarienne. En effet, il a été démontré que le taux de césariennes était multiplié par 2 chez les obèses avec une prise de poids excessive comparée à celles qui avaient une prise de poids considérée comme normale (22).

Les césariennes chez les patientes obèses sont de réalisation plus difficile. Le type d’incision pour les patientes avec un volumineux tablier adipeux sus-pubien est médiane, sus ou sous- ombilicale, ou transversale péri-ombilicale. Ces incisions facilitent l’abord de l’utérus, diminuent le temps opératoire et améliorent la cicatrisation post-opératoire avec une diminution des complications infectieuses notamment. Néanmoins, il a été démontré que le délai incision-naissance, ainsi que la durée opératoire étaient allongés. Les pertes sanguines supérieures à 1000 mL peropératoires sont plus fréquentes (41).

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