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Première partie: Généralités et revue de la littérature

B. SAS et grossesse

3. Complications attendues

a) Maternelles

Malgré la forte tendance à la potentialisation des effets délétères sur la grossesse, le SAS chez la femme enceinte et ses effets n’ont été que peu étudiés. Seules de petites études transversales et prospectives ont rapporté des associations entre le SAS et des pathologies de la grossesse comme la pré-éclampsie, le RCIU, l’accouchement prématuré et le diabète gestationnel qui avaient été retrouvés dans les premiers cas cliniques publiés (148). D’autres au contraire n’ont montré aucune corrélation entre le SAS et ces pathologies de la grossesse (139). L’étude avec le plus grand effectif est une étude Taiwanaise rétrospective qui a montré des complications plus élevées chez les femmes enceintes avec un SAS (149). Ils ont comparé 791 patientes atteintes de SAS en pré-conceptionnel à 3955 témoins sans SAS (appariées sur l’âge), et ont montré un risque significativement plus élevé de :

- RCIU : OR = 1,44

- Accouchement prématuré : OR = 2,40 - Césarienne : OR = 1,74

- Apgar < 7 à cinq minutes : OR = 10,11 (seulement 10 cas) - Pré-éclampsie : OR = 3,08

- Hypertension artérielle gravidique : OR = 3,32 - Diabète gestationnel : OR = 1,63

(1) Ronflement

L'apparition ou l'aggravation d'un ronflement chez la femme enceinte est lié aux changements physiologiques inhérents à la grossesse, notamment dus au rétrécissement des voies aériennes respiratoires lié à l’œdème. L’apparition du ronflement pendant la grossesse

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pourrait également être liée à la prise de poids observée pendant la grossesse mais les études divergent sur ce point (150, 151). L’IMC avant la grossesse apparaît être un facteur prédictif plus important de ronflement que la prise de poids (152, 153).

Alors que 4 à 14 % des femmes en âge de procréer ronflent, la prévalence du ronflement est évaluée entre 14 et 55 % au troisième trimestre (151, 154-159). Chez la pré-éclamptique, l’incidence du ronflement a été rapportée chez 85 % des femmes et 59 % étaient des ronfleuses habituelles (159). Entre le premier et le troisième trimestre de la grossesse, la prévalence du ronflement (souvent ou toujours évalué par des questionnaires) augmente de 3,7 à 7,1 % jusqu’à 11,8 % à 14 % dans des études prospectives (156, 158, 160).

Dans une récente étude, le ronflement chez la femme enceinte a été étudié en séparant trois groupes de femmes : les non ronfleuses 78,8 % (ne ronflent ni au premier ni au troisième trimestre), les ronfleuses habituelles 7,9 % (ronflent au premier et troisième trimestre) et les « ronfleuses gestationnelles » 13,2 % (ne ronflent pas au premier trimestre mais ronflent au troisième) (151). De façon attendue chez les patientes ronflant au troisième trimestre (« ronfleuses gestationnelles » et ronfleuses habituelles), l’IMC moyen était plus élevé et décrivaient plus d’œdèmes. Par ailleurs, les « ronfleuses gestationnelles » décrivaient une hypersomnolence diurne plus importante que les non ronfleuses mais aussi que les ronfleuses habituelles. O’Brien et al., avaient montré dans une étude de cohorte prospective que chez les « ronfleuses gestationnelles », le risque d’hypertension artérielle était multiplié par 2,3 et celui de pré-éclampsie multiplié par 1,6 (152). Dans cette étude, le ronflement n’avait pas d’effet sur le devenir obstétrical. Mais d’autres études avec de plus larges effectifs ont montré que le ronflement était un facteur de risque indépendant d’hypertension artérielle gravidique, de RCIU et était corrélé à la pré-éclampsie et à la souffrance néonatale (score d’Apgar inférieur à 7 à cinq minutes (152, 154, 161, 162).

L’analyse de ces études laisse penser que les effets péjoratifs du ronflement sur la grossesse sont probablement liés au fait que le ronflement est le signe cardinal du SAS qui serait lui- même un facteur de risque de pathologies obstétricales comme l’hypertension artérielle gravidique, la pré-éclampsie, le diabète gestationnel, le RCIU et la souffrance néonatale.

(2) Hypertension artérielle gravidique et pré-éclampsie

Lors d’une grossesse normale, la pression artérielle est plus importante pendant la journée. Chez la patiente pré-éclamptique, il y a une inversion du cycle circadien de la pression artérielle, en effet, la pression artérielle nocturne est plus élevée la nuit que le jour. De telles inversions ont également été rapportées chez les ronfleuses et chez les patientes atteintes de SAS.

Le SAS dans la population générale est un facteur de risque bien connu d’hypertension artérielle. Les études montrent que la présence d’un trouble respiratoire du sommeil lors de la grossesse entraine un risque plus important de pathologies hypertensives gravidiques

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(hypertension artérielle et pré-éclampsie). Les répercussions du SAS sur le fonctionnement placentaire seraient liées à l’hypoxie chronique, l’activation du système nerveux sympathique, le stress oxydatif et de l’inflammation, l’insulinorésistance accrue et la synthèse d’adiponectine (140, 163, 164). Il en résulterait une dysfonction endothéliale avec ischémie vasculo-placentaire et donc des complications maternelles hypertensives et fœtales (RCIU). Cependant la comparaison entre les études est difficile du fait de l’hétérogénéité de la méthode diagnostic du SAS. En effet, peu d’études établissent correctement le SAS à l’aide d’une polysomnographie, tandis que la plupart considèrent le SAS positif dès que la patiente rapporte des ronflements ou un score d’hypersomnolence diurne pathologique.

Plusieurs travaux étudiant la corrélation entre le ronflement et les pathologies hypertensives de la grossesse ont montré que le ronflement habituel était un facteur de risque indépendant d’hypertension artérielle gravidique et de pré-éclampsie. Ce risque est d’autant plus important que l’IMC avant la grossesse est élevé et que la circonférence cervicale est grande. Dans une revue de la littérature de Pamidi et al., de 2014 (165), il est rapporté que le risque de pathologie hypertensive pendant la grossesse est multiplié par 2 voire 3. Ce risque est plus important si le diagnostic de SAS est fait par questionnaire (OR = 3,11 ; IC 95 % (2,28-4,25)) que par la polygraphie ventilatoire nocturne (OR = 2,25 ; IC 95 % (1,13-4,52)). Une étude américaine a réalisé une polygraphie ventilatoire systématique sur une population d’obèses (IMC > 30 kg/m²) : la présence d’un SAS objectivé entraine un risque plus élevé d’HTAG (55,6% versus 32,4 % ; p = 0,02) et de pré-éclampsie (42,3 % versus 16,9 % ; p = 0,005) (135).

Lorsqu’une polysomnographie est réalisée chez des femmes avec et sans HTAG, on retrouve que celles avec HTAG ont 3 fois plus de SAS que les autres (53 versus 12 % ; p < 0,001) (166). De même, un SAS avait été retrouvé chez 41 % de femmes avec des troubles hypertensifs de la grossesse mais dans 19 % des cas chez les femmes normo tendues (p < 0,05). Dans cette population, les femmes non ronfleuses avec une pathologie hypertensive avaient un SAS léger, mais plus de 25 % des ronfleuses avec une pathologie hypertensive avaient un SAS modéré à sévère. Chez ces femmes avec des troubles tensionnels le risque de SAS chez les ronfleuses comparées aux non-ronfleuses était multiplié par 2 (167). Une étude chez les femmes enceintes obèses a montré que le SAS était un facteur de risque de développer une pré-éclampsie (65,4 % versus 32,8 % ; p = 0,003) et après ajustement à l’IMC, le risque relatif de développer une pré-éclampsie était de 3,55 par rapport aux femmes obèses sans SAS (135). Inversement, dans une étude anglaise, les auteurs ont recherché un SAS parmi des femmes enceintes ayant des pathologies de la grossesse. Chez 51 patientes ayant une hypertension artérielle gravidique, une seule avait un SAS, et parmi 57 patientes avec un enfant en retard de croissance, aucune n’avait de SAS (168). Les étiologies de ces pathologies sont nombreuses et diverses et dans cette étude, le SAS est probablement une cause rare de ces pathologies fréquentes.

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(3) Diabète gestationnel

Les résultats concernant le risque de diabète gestationnel chez les femmes enceintes atteintes de SAS sont très variables sur le peu d’études retrouvées. En effet, les risques rapportés vont de 0,61 (facteur plutôt protecteur) à 4,6. Dans ces études les diagnostics de SAS restent très disparates et rendent difficile la comparaison. La plupart des études montrant une augmentation de la prévalence du diabète gestationnel en cas de SAS ont un biais majeur car les patientes avec un SAS ont un IMC plus important.

Reutrakul et al., ont montré que la femme présentant un diabète gestationnel avait un temps de sommeil total inférieur et une fréquence plus importante de SAS comparée aux femmes enceintes sans DG (73 versus 27 % ; p = 0,01). Cette association restait significative après ajustement à l’IMC avant la grossesse avec un risque multiplié par 6,6 (169).

b) Fœtales

(1) RCIU

Le RCIU peut être dû à des facteurs maternels et/ou placentaires. Les facteurs maternels peuvent être entre autres l’hypertension, ou les états impliquant l’hypoxie comme les pathologies cardio-vasculaire, le tabac ou la vie en altitude. Les facteurs placentaires incluent les défauts de perfusion placentaire ou l’inflammation qui peuvent contribuer à la diminution des échanges en oxygène et en nutriments. Une pathologie qui réunit ces deux facteurs est le SAS. Cependant, les données concernant les risques de RCIU chez les patientes atteintes de SAS sont peu nombreuses et controversées. Chez le modèle animal, l’exposition à une hypoxie intermittente entraine des retards de croissance in utero (170).

Une récente étude de 2013 a montré que le risque d’insuffisance de croissance chez les patientes avec un SAS était multiplié par 2,7 (43 % versus 11 %) mais sur une très faible population (n = 41) (171). Après ajustement sur l’IMC, ce risque n’était plus significatif. Dans cette même étude, les auteurs avaient montré une diminution des facteurs de croissance dans le sang au cordon des fœtus des femmes atteintes de SAS. Mais l’étude du ronflement gestationnel chez des femmes sans facteur de risque de troubles respiratoires du sommeil n’a pas montré de différence concernant le risque de RCIU en fonction du ronflement (non ronfleuses versus ronfleuses habituelles versus « ronfleuses gestationnelles ») (172).

La réduction du débit cardiaque survenant pendant le sommeil de la patiente pré-éclamptique atteinte de SAS est corrélée à la survenue d'un RCIU en fin de grossesse (p < 0,001) (173). Les discordances retrouvées peuvent s’expliquer par l’origine plurifactorielle du RCIU et de la variation de la définition employée pour définir le RCIU qui est soit inférieur à 2500 grammes, soit des enfants ayant des poids de naissance inférieurs soit au 10ème, soit au 5ème , soit au 3ème percentile.

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(2) Souffrance néonatale

Les premiers cas cliniques publiés rapportant un SAS chez la femme enceinte étaient à propos de troubles du rythme cardiaque fœtal (RCF). En effet, un monitoring avait été réalisé en même temps que la polygraphie ventilatoire sur une petite série de patientes et plusieurs anomalies du RCF étaient apparues lors d’événements respiratoires (174). Mais ces cas concernaient des patientes avec des signes caricaturaux de SAS avec des troubles du RCF survenant pour des apnées longues avec des désaturations sévères et prolongées (175). Plus récemment, lors de l’étude systématique du RCF lors d’une polygraphie ventilatoire nocturne chez des patientes présentant un SAS, malgré des apnées et hypopnées de plus de 30 secondes et des désaturations nocturnes descendant jusqu’à 78 %, aucune anomalie du RCF n’a pu être observée en réponse (171).

Certaines études ont rapporté un nombre plus élevé de souffrance néonatale (Apgar à cinq minutes inférieur à 7) en comparant le devenir obstétrical des patientes présentant ou non un ronflement pendant la grossesse (57, 154, 158).

L’étude de Louis et al. dans laquelle ils ont réalisé polygraphie chez des femmes obèses a montré que le SAS de la mère était un facteur de risque indépendant d’admission en unité de néonatalogie (57,6 % versus 30,3 % ; p = 0,009) (135).