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Deuxième partie: ETUDE CLINIQUE

DONNEES SUR L'ENFANT

D. Complications maternelles du SAS

HTA et pré-éclampsie

Dans notre série, la seule complication retrouvée est l’HTAG traitée qui est multipliée par 4 dans cette population d’obèses, sans différence significative concernant l’HTA préexistante. Les études s’accordent relativement toutes pour confirmer ce sur-risque d’HTAG en cas de SAS en cours de grossesse. L’obésité dans la population générale est un facteur de risque majeur d’hypertension artérielle chronique puisqu’elle multiplie également par 4 ce risque. Par ailleurs, le SAS est également un facteur de risque indépendant d’HTA chronique, même sans obésité. L’HTA est présente chez la moitié des patients atteints de SAS ; et inversement, un SAS est observé chez près de 30 % des patients hypertendus (123). Les mécanismes principaux à l’origine de cette HTA sont l’hyperactivité sympathique nocturne contemporaine des apnées et l’altération du fonctionnement de l’endothélium, qui augmentent les résistances vasculaires périphériques.

Les pathologies hypertensives de la grossesse touchent environ 10 % des femmes enceintes (1-5 % d’hypertension artérielle chroniques, 5-6 % d’HTAG, et 1-4 % de pré-éclampsie) (167). Les pathologies hypertensives propres à la grossesse sont dues à un défaut de placentation et l’HTA en est le premier signe. Il s’agit d’une pathologie grave car c’est la première cause de morbidité materno-fœtale et la deuxième cause de mortalité maternelle (après les hémorragies). Ce défaut de placentation survient dès le premier trimestre (lors de la première vague d’invasion trophoblastique) et entraine ainsi une insuffisance utéro-placentaire dont les conséquences apparaissent à partir de 20 SA. Lors de la grossesse normale, il existe un remodelage des artères spiralées utérines faisant ainsi un système à basse pression pour une bonne invasion trophoblastique. Dans les pathologies hypertensives, ces artères sont plus fines, plus résistantes et conservent un certain degré de contractilité. L’obésité est un facteur de risque de ces défauts de placentation liés à l’augmentation du taux de triglycérides, et multiplie ainsi le risque d’HTAG par 1,6 en cas d’obésité et par 3,3 en cas d’obésité sévère. L’HTAG chez les femmes obèses présentant un SAS en cours de grossesse cumule le risque d’HTA du SAS et le risque d’HTA gravidique de l’obèse lié au défaut de placentation.

En revanche, les données concernant la pré-éclampsie sont discordantes. Dans notre série, le risque de pré-éclampsie (3,1 % versus 4,2 % ; p = 0,8) n’était pas du tout influencé par la présence d’un SAS ou non. La pré-éclampsie a les mêmes mécanismes physiopathologiques que l’HTAG, avec un défaut de placentation qui entraine une micro-angiopathie et ainsi une protéinurie. Or ce défaut de placentation survient au cours du premier trimestre de la grossesse et au maximum jusqu’à 20-22 SA. Les modifications physiologiques altérant le système respiratoire au cours de la grossesse surviennent surtout au troisième trimestre lorsque la placentation et ses anomalies ont déjà eu lieu. Ainsi le risque de pré-éclampsie ne devrait pas être influencé par l’apparition d’un SAS pendant la grossesse.

L’étude prospective sur le SAS chez la femme obèse montre un sur-risque franc de pré- éclampsie dans leur groupe SAS positif (42,3 % versus 16,9 % ; p = 0,005). Néanmoins ce

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résultat très élevé est probablement biaisé par l’IMC du groupe SAS positif qui a quasiment 10 points de plus que le groupe SAS négatif (46,8 kg/m² versus 38,1 kg/m² ; p = 0,002), leur risque augmenté serait donc plutôt lié au facteur obésité (135). La méta-analyse de Pamidi et al. de 2014, montre un sur-risque d’HTAG et de pré-éclampsie (non différencié) chez les femmes atteintes de SAS (165). Ce résultat s’explique également par la proportion d’obèses plus importante dans les groupes SAS positif. Comme dans notre étude, Facco et al., dans leur cohorte de femmes à risque de SAS (obèses, hypertendues, diabétiques, avec antécédents de pré-éclampsie et/ou une grossesse multiples) n’ont pas retrouvé de sur-risque de pré- éclampsie dans le groupe SAS positif (143).

Ainsi, le sur-risque d’HTAG est bien expliqué par le cumul du risque lié au SAS et lié à l’obésité mais la pré-éclampsie ne paraît pas être expliquée de façon indépendante par le SAS en dehors de tous autres facteurs confondants, le principal étant l’IMC.

Diabète gestationnel

Dans notre série le risque de diabète gestationnel n’était pas augmenté dans le groupe SAS positif. Les antécédents de diabète préexistant à la grossesse étaient comparables entre les deux groupes, qu’il soit insulino-dépendant ou non. Cependant on remarque que le taux de diabète gestationnel dans notre cohorte était très élevé (environ 30 %) par rapport à la prévalence du diabète gestationnel dans la population générale (3 à 6 %). Cette forte prévalence dans notre étude est due à la population de femme atteinte d’obésité sévère que nous avons étudiée et non au SAS. Ces résultats sont concordants avec l’étude de Louis et al. portant sur les patientes obèses : ils n’ont pas retrouvé de sur-risque significatif de diabète gestationnel dans le groupe SAS positif (135). En revanche, l’étude s’intéressant aux femmes à risque de SAS (obèses, hypertendues chronique, diabétiques de type 2, avec des antécédents de pré-éclampsie ou grossesses multiples) a mis en évidence que le SAS était un facteur de risque de diabète gestationnel. Il y avait plus de risque de développer un diabète gestationnel si le SAS était modéré à sévère qu’avec un SAS léger ou sans SAS (45,5 % versus 35,7 % versus 16 % ; p = 0,05) mais sur un faible effectif (143). Notons que dans cette étude un biais important existait car les femmes qui avaient une SAS étaient également des femmes obèses et donc des femmes avec un risque indépendant de diabète gestationnel. Une méta-analyse récente a montré que le risque de diabète gestationnel était multiplié par 1,86 ; IC 95 % (1,30- 2,42)) si la patiente était atteinte de SAS mais à nouveau sans prendre en compte l’IMC (165). La large cohorte rétrospective américaine portant sur 55 millions de femmes a également montré que le SAS augmentait le risque de DG avec un risque multiplié par 3,3 jusqu’à 4,1 en fonction des groupes (148). En effet, les auteurs ont comparé quatre groupes : les non obèses sans SAS, les obèses sans SAS, les non obèses avec SAS et les obèses avec SAS. Le groupe de référence était celui des femmes non obèses et sans SAS. L’obésité étant un facteur de risque indépendant bien connu de diabète gestationnel, le risque chez les obèses sans SAS était déjà multiplié par 3,6, et seulement de 4,1 pour les obèses avec SAS. Mais dans le groupe non obèse avec SAS, le risque par rapport au groupe de référence était de 3,3. La prévalence du diabète

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gestationnel dans cette population n’est pas mentionnée, et il n’a pas été comparé dans cette étude les groupes obèses entre eux. Pour établir ce risque il conviendrait de réaliser une étude cas-témoins apparié à l’IMC, un groupe avec SAS et un sans SAS et étudier l’apparition du diabète gestationnel. Ceci est presque le cas dans notre étude puisque l’IMC des patientes avec SAS est très proche des patientes sans SAS. Au vu de tous ces résultats, le SAS ne serait pas un facteur de risque indépendant de diabète gestationnel mais plutôt l’obésité.

Voie d’accouchement

Le taux de césariennes avant travail était plus de deux fois plus important dans le groupe SAS positif (16,3 % versus 30,6 % ; p = 0,03) alors que les taux de voies basses et de césariennes en cours de travail étaient comparables. Ce taux de césariennes avant travail est probablement dû à la plus forte proportion de patientes du groupe SAS positif qui s’étaient compliquées d’HTAG et donc pour qui une naissance était souhaitable pour raisons maternelles ou fœtales. On peut penser que ces accouchements avant la mise en travail sur des cols la plupart du temps défavorables, aient conduit à la réalisation de plus de césariennes. En effet sur tous les autres critères qui auraient pu augmenter le taux de césariennes (IMC, parité, utérus cicatriciels, diabète gestationnel, pré-éclampsie ou encore terme de naissance) les groupes étaient comparables. L’étude n’ayant pas été réalisée en double aveugle, la connaissance d’un SAS a pu perturber les équipes obstétricales et anesthésiques qui auraient privilégié la réalisation d’une césarienne programmée pour éviter une prise en charge en urgence de ces patientes. En effet, étant donné le risque anesthésique chez les patientes présentant un SAS et la nécessité d’une surveillance continue après une anesthésie générale, la programmation d’une césarienne paraît plus sécuritaire afin d’éviter une césarienne en urgence sous anesthésie générale. En comparaison avec la cohorte de femmes obèses de Louis et al., le taux est également deux fois plus important dans leur groupe SAS positif mais également deux fois plus important que le nôtre (32,8 % versus 65,4 % ; p = 0,002) mais ce taux était leur taux de césariennes total (135). Les deux grandes séries rétrospectives ont également montré que la présence du SAS augmentait le risque de césarienne en le multipliant par 1,5 à 2,5 (148, 149). Le SAS semble donc être un facteur indépendant de risque de césarienne dans notre étude, alors que dans la littérature le nombre de facteurs confondants est important car les patientes atteintes de SAS sont souvent plus grosses, donc plus diabétiques, ont plus d’hypertension artérielle gravidique et par ailleurs ont des enfants plus gros.

Par ailleurs dans notre série, après ajustement, on retrouvait plus d’extractions instrumentales dans le groupe SAS. Cette constatation est probablement due au fait que les enfants dans ce groupe sont plus gros que dans le groupe SAS négatif.

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