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Première partie: Généralités et revue de la littérature

A. Complications maternelles de l'obésité

1. Hypertension artérielle gravidique et pré-éclampsie

En dehors de la grossesse, l’hypertension artérielle fait partie des complications rencontrées habituellement chez le sujet obèse. Au cours de la grossesse, il a été clairement démontré que l’obésité est un facteur de risque indépendant de complications hypertensives comme l’hypertension artérielle gravidique (HTAG) et la pré-éclampsie (PE) avec des risques relatifs allant respectivement de 1,2 à 4,5 et de 1,2 à 3,3 selon les études et les groupes de population étudiés.

L’hypertension artérielle gravidique est définie par une tension artérielle systolique supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une tension artérielle diastolique supérieure ou égale à 90 mmHg au-delà de 20 semaines d’aménorrhées. La pré-éclampsie se définit par une hypertension artérielle gravidique associée à une protéinurie supérieure ou égale à 0,3 gramme par 24 heures. L’HTAG atteint 6 à 17% des femmes enceintes, et la pré-éclampsie, 2 à 7% supplémentaires.

Une étude de cohorte prospective multicentrique de plus de 16000 patientes a comparé les patientes de poids normal et en surpoids (IMC < 30 kg/m² constituant le groupe contrôle) aux patientes en obésité modérée et obésité sévère (IMC ≥ 35 kg/m²) (34). Concernant l’HTAG, le risque relatif était de 2,5 ; IC95%

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(2,1-3,0) pour les obèses modérées, et de 3,2 ; IC 95 % (2,6-4,0) pour les obèses sévères. Pour la PE, le risque relatif était de 1,6 ; IC 95 % (1,1-2,25) pour les obèses modérées et de 3,3 ; IC 95 % (2,4-4,5) pour les femmes en obésité sévère.

Joy et al., en 2009 ont comparé les complications obstétricales de 9171 patientes avec un IMC normal à 3744 patientes obèses (IMC entre 30 et 34,9 kg/m², n=2106 ; IMC entre 35 et 39,9 kg/m², n=953 et IMC ≥ 40 kg/m², n=685) (35). L’incidence de l’HTAG était de 30,9 % versus 9,0 % avec un odds ratio à 4,5 (IC 95 % (4,1-5) ; p < 0,001). Ils ont montré par ailleurs que l’incidence de l’HTAG augmente avec l’IMC (IMC normal : 9 % ; obèses modérées : 25,5 % ; obèses sévères : 33,7 % ; Obèses morbides : 42,4 % ; p < 0,05). Marshall et al., en 2012, ont étudié une cohorte de plus de 60 000 patientes avec un IMC supérieur à 30 kg/m² (36). Les taux de PE étaient de respectivement de 7,2%, 9,8% et 10,9% pour les obèses modérées à sévère (IMC de 30 à 40), les obèses morbides (IMC de 40 à 50) et les "super obèses" (IMC >50). Ainsi le risque relatif d’avoir une pré-éclampsie était de 1,4 ; IC 95 % (1,3- 1,5) ; p < 0,0001) en comparant les obèses modérées aux obèses morbides, et de 1,7 ; IC 95 % (1,4-2,1) ; p < 0,0001) en comparant les patientes obèses aux « super-obèses » (IMC ≥ 50 kg/m²). Le résultat n’était plus significatif en comparant les obèses morbides et les « super-obèses » (RR = 1,2 ; IC 95 % (1,0-1,4) ; p=0,11).

Crane et al. en 2013 et Alanis et al., en 2010, se sont intéressés au sous-groupe des patientes « super- obèses » (IMC ≥ 50 kg/m²). Ils ont montré que les « super-obèses » étaient plus atteintes d’HTAG que les patientes avec un IMC normal (19,7 % versus 4,8 % ; RR = 1,56 ; IC 95 % (1,33-1,82)) et de pré-éclampsie que les obèses (17,4 % versus 8,5 %, RR = 2,14 ; IC 95 % (1,64-2,80)) (37, 38).

Enfin, une revue de la littérature récente a montré, en colligeant huit études, que le risque de pré- éclampsie était de 2 ; IC 95 % (1,63-2,45) entre les patientes obèses morbides et les obèses modérées tandis qu’en comparant les obèses morbides et les femmes normo-pondérales, le risque était de 4,69 ; IC 95 % (3,01-7,28) sur dix études (39).

Une dysfonction endothéliale due à l’insulinorésistance et un effet direct de l’obésité sur l’implantation pourraient expliquer la survenue de ces complications traduisant un phénomène d’insuffisance placentaire (34). Les transaminases chez les patientes obèses peuvent être élevées en dehors de toute pré-éclampsie du fait de l’action de certaines adipokines sur le métabolisme hépatique. Cette cytolyse est donc sans lien avec la pré-éclampsie et n’a donc pas le caractère péjoratif du HELLP syndrome. Néanmoins, du fait de l’incidence augmentée de la pré-éclampsie chez ces patientes qui peuvent déjà avoir une cytolyse hépatique, il convient de surveiller régulièrement au cours de la grossesse le bilan hépatique afin de ne pas s’inquiéter devant une cytolyse modérée isolée, ou risquer de méconnaître un HELLP syndrome débutant.

2. Diabète gestationnel

La prévalence du diabète gestationnel est très variable selon la population étudiée, reflétant en partie la prévalence du diabète non insulino-dépendant. C'est cependant une pathologie fréquente: dans les populations européennes, la prévalence du diabète gestationnel est de l'ordre de 3 à 6% de toutes les grossesses.

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Physiologiquement, la femme enceinte a une tendance à l’insulinorésistance à partir du deuxième trimestre de la grossesse. En fin de grossesse, la perte de la sensibilité à l’insuline est estimée à environ 50 %. L’existence d’un hyperinsulinisme associé à une insulinorésistance en cas d’obésité favorise l’apparition d’un diabète gestationnel (DG). Les deux phénomènes cumulés, on observe un risque relatif de DG multiplié par 4 chez les femmes obèses.

Il existe deux méthodes de dépistage du diabète gestationnel :

- La réalisation d’une glycémie à jeun au premier trimestre de la grossesse : le seuil de normalité de la glycémie a été défini par une glycémie à jeun < 0,92 g/L ;

- L’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) à réaliser entre 24 et 28 semaines d’aménorrhées en mesurant la glycémie à jeun, puis une et deux heures après l’ingestion de 75 grammes de glucose. Les normes sont :

o H0 < 0,92 g/L o H1 < 1,82 g/L o H2 < 1,50 g/L

Les recommandations du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) et la Société Francophone du Diabète (SFD) de 2010 suggèrent un dépistage ciblé sur une population à risque définie par (40) :

- Femme de plus de 35 ans ; - IMC ≥ 25 kg/m2 ;

- Antécédent personnel de macrosomie ou de diabète gestationnel ; - Antécédent familial au premier degré de diabète.

L’intérêt de ce dépistage ciblé permet d’identifier les femmes à haut risque d’événements pathologiques les plus susceptibles de bénéficier d’une prise en charge intensive, et de préserver les autres d’une intervention excessive.

Le dépistage précoce par la glycémie à jeun permet également de dépister les diabètes de type 2 souvent méconnus car asymptomatiques en dehors de la grossesse et au début de son évolution. Cependant la présence d’un diabète de type 2 entraîne une morbidité et une mortalité néonatale plus importante avec une mortalité périnatale multipliée par 6. Environ 15 % des diabètes gestationnels diagnostiqués pendant la grossesse sont en fait des diabètes de type 2, d’où l’intérêt du diagnostic le plus précoce possible, l’idéal étant en pré- conceptionnel.

Les études comparant les patientes obèses en les séparant par classes d’IMC montrent une relation linéaire entre l’IMC et le diabète gestationnel. Le risque relatif de DG comparé à la femme normo-pondérale est de 1,7 pour les femmes en surpoids, entre 2,6 et 3,6 pour les femmes obèses et entre 4 et 5,2 pour les obèses morbides (34, 35, 37, 39, 41, 42).

Il a par ailleurs été montré qu’un bon équilibre glycémique chez les obèses diabétiques permettait de réduire le risque de pré-éclampsie (12 % au lieu de 18 %) (43).

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3. Complications thromboemboliques

La grossesse est caractérisée par une diminution de la fibrinolyse et d’une augmentation des facteurs de coagulation à l’origine d’un état procoagulant.

Il a été montré dans une étude de 2005 que l’obésité augmentait le risque de présenter une complication thromboembolique veineuse par 2 à 5. En effet, l’obésité favoriserait la stase veineuse en augmentant la viscosité sanguine et l’activation de la coagulation et générant un état pro-inflammatoire source de dysfonction endothéliale (44).

Dans la récente méta-analyse de Lutsiv et al., il n’a pas été montré de différence quant au risque de maladies thromboemboliques veineuses entre l’obésité morbide et l’obésité modérée-sévère (39).

Si l’état procoagulant est présent pendant la grossesse, il se poursuit après l'accouchement et peut entrainer des complications thromboemboliques du post-partum.