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2 Emploi des modalités possible et impossible en français

2.1 Classification des exemples .1 Pour la modalité possible .1 Pour la modalité possible

2.1.2 Pour la modalité impossible

Nous proposons de paraphraser les expressions il est impossible de/que et c’est impossible telles qu’elles apparaissent dans notre échantillon d’exemples par 1°) des expressions construites à partir de la forme être dans l’incapacité de ; 2°) il n’y aucune chance que et 3°) je refuse d’y croire76.

1°) être impossible au sens de être dans l’incapacité de

1. Quand je montai les escaliers, je montai aussi vite que je pouvais, comme si j’avais fui un danger, maintenant il est impossible [je suis dans l’incapacité] d’aller plus haut et le bruit que font les machines à défoncer me lève le cœur.

2. Il est impossible [on est dans l’incapacité] de donner à ce qui se passe une autre explication.

3. Mais il est impossible [on est dans l’incapacité] de porter un jugement sur les dépenses sans examiner l’administration qui est à leur origine […]

76 Notons que dans le cas de la modalité impossible, si une nuance de signification peut être perçue, celle-ci est moins évidente que dans le cas de la modalité possible.

4. Il est impossible [on est dans l’incapacité] de dire si la présence de cette pancarte dénote, chez Charançon, un humour secret ou bien le stade terminal de la réification.

5. Tout à coup, Lalla n’en peut plus d’attendre. Elle veut crier, même pleurer, mais c’est impossible [elle est dans l’incapacité de le faire]. Le vide et la peur ont fermé étroitement sa gorge, et c’est à peine si elle peut respirer.

Dans les exemples ci-dessus, l’énonciateur emploie être impossible pour exprimer le fait qu’une actualisation de la proposition modalisée entrerait en contradiction avec le monde auquel il se réfère, les conditions nécessaires à cette actualisation ne pouvant être réunies. Notons bien que cette actualisation n’est pas envisagée par l’énonciateur suivant un degré plus ou moins fort de certitude. L’énonciateur exprime un savoir, une connaissance : une actualisation de la proposition modalisée serait incompatible avec le monde référentiel. Avec cette nuance de signification, impossible appartient au paradigme des modalités aléthiques.

Nous proposons ici la glose suivante :

p est impossible : p est incompatible avec le monde auquel se réfère l’énonciateur

2°) il est impossible que au sens de il n’y a aucune chance que

1. […] Ce qui permet d’envisager le présent séjour sans trop d’appréhension, c’est le fait que… enfin bref la trajectoire des obus est trop tendue, et il est impossible [il n’y a aucune chance] qu’ils éclatent où nous sommes.

2. Tu verras, il est impossible [il n’y a aucune chance] que tout ne finisse pas par s’arranger, on s’aime trop.

3. Il est impossible [il n’y a aucune chance] que Thésée n’ait pas perçu, serait-ce d’une façon confuse, ce qui est virtuel en Phèdre : le feu de la passion qui vous jette dans la mort.

4. Il est impossible [il n’y a aucune chance] qu’une femme qui trouve en elle tant d’énergie pour plaider en faveur de l’homme qu’elle aime soit atteinte d’un mal sérieux.

5. Vous connaissez la forêt : il est impossible [il n’y a aucune chance]

que les hommes aient survécu empiriquement, en constatant qu’ils pouvaient manger ici, et qu’ils mouraient s’ils mangeaient ça.

Dans les exemples ci-dessus, impossible est employé non pas pour exprimer un savoir ou une connaissance, mais pour exprimer une forte hypothèse en faveur de la non actualisation du procès. Chaque fois, on comprend qu’il s’agit d’une supposition de la part de l’énonciateur. Cette supposition, bien que très forte, n’a pu être vérifiée ; l’énonciateur n’est pas en mesure d’attribuer à la proposition sous-jacente à son énoncé une valeur de vérité de type Vrai/Faux.

Avec cette nuance de signification, impossible appartient au paradigme des modalités épistémiques.

Nous proposons ici la glose suivante :

p est impossible : p n’a aucune chance de s’actualiser (ou d’avoir été actualisée)

3°) c’est impossible au sens de je refuse d’y croire

Les exemples ci-dessous concernent exclusivement l’expression c’est impossible. Nous proposons ici une paraphrase construite à partir de l’expression refuser d’y croire.

1. Il fixe un moment ce trou aux bords estompés, ce trou blanc dans la nuit, puis reprend sa route. Sylvie morte, c’est impossible [je refuse d’y croire]. De quoi pourrait-elle mourir ? De tout. De n’importe quoi.

De tuberculose. Dans un accident ! Non, Sylvie ne peut pas mourir.

Elle est faite pour vivre. Pour rire.

2. Dans l’ombre, à peine éclaircie par le faisceau d’un lampadaire où voltigeaient quelques flocons de neige, quelqu’un, une femme, poussait une bicyclette. Non, c’est impossible [je refuse d’y croire], ce n’est pas elle !... Mais si ! semble-t-il. Je stoppe et descends. C’est bien elle.

3. Il grandissait dans le miroir, elle pouvait distinguer son casque, ses grosses lunettes de protection, il donnait l’impression, sur sa machine, d’un robot implacable, il n’était pas humain. Elle disait : « C’est impossible [je refuse d’y croire], ce n’est pas après moi qu’il en a, il va me dépasser, il poursuivra son chemin. » Il la dépassa dans un bruit de moteur poussé à fond, continua un instant, puis ralentit en se retournant vers elle, en levant la main.

Dans les exemples ci-dessus, l’expression c’est impossible renvoie à l’étonnement, au refus de croire, dans un premier temps, à ce qui est effectivement constaté. Le procès

est qualifié d’impossible en référence aux attentes de l’énonciateur. Ce qui est constaté ne correspond pas à ce qui était attendu, ce qui provoque l’effet d’étonnement. Ce qui est qualifié d’impossible, c’est la situation telle qu’elle était envisagée par l’énonciateur avant qu’il ne soit confronté à son actualisation (ou non-actualisation) effective. Par c'est impossible, l'énonciateur exprime l'incompatibilité entre ce qui était attendu dans le monde référentiel et ce qui est constaté effectivement dans celui-ci.

Nous ne proposons pas de glose particulière ici. Même si la paraphrase proposée se distingue de celles qui précèdent, il nous semble qu’impossible ne présente pas ici une nuance de sens distincte de la nuance épistémique. Nous considérons donc ici c’est impossible comme un emploi particulier de l’impossible épistémique.

Synthèse

Le terme impossible apparaît dans notre échantillon d’exemples avec une signification aléthique et une signification épistémique, tout comme le terme possible :