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Comme dans toute activit´e scientifique, l’´el´ement central dans cette d´emarche est celui de la formalisation d’un mod`ele. Nous devons insister ici sur cinq points :

a.La premi`ere ´etape d’une mod´elisation en statistique consiste en lechoix de l’ensemble de toutes les r´ealisations possibles du ph´enom`ene ´etudi´e(ensemble souvent not´e Ω) ; l’observation effective dont dispose le statisticien est donc vue comme un ´el´ement ω de ce Ω, ensemble qui peut ˆetre “tr`es gros” et dont le choix fait intervenir `a la fois des consid´erations

“r´ealistes” et des consid´erations math´ematiques : par exemple pour 1000 observations prenant des valeurs enti`eres entre 0 et 120 (ˆages d’ˆetres humains en ann´ees) on poura prendre Ω = {0, . . . ,120}1000, mais il pourra ˆetre utile pour le traitement math´ematique de “plonger” cet espace dans R1000.

b. Une fois adopt´e un tel mod`ele, les r´esum´es des donn´ees auxquels on s’int´eresse se formalisent comme des applications de Ω, dans un autre espace Ω. De telles applications sont aussi appel´ees des statistiques. Le choix des r´esum´es jug´es pertinents peut ˆetre fond´e sur des consid´erations propres auωobserv´e (on est alors, comme ce sera le cas dans le cadre de l’analyse des donn´ees, jadis appel´eestatistique descriptive) ou sur des consid´erations portant sur le ph´enom`ene qui a donn´e naissance `a ce ω (on est alors, comme ce sera le cas en II.1.1 et III.3.1, dans le cadre de la statistique inf´erentielle, qu’on aborde au pointc qui suit).

c.Dans le cadre de la statistique inf´erentielle, le caract`ere fortuit de l’observation effective, parmi toutes les r´ealisations auxquelles aurait pu donner naissance le ph´enom`ene observ´e (et dont l’ensemble a ´et´e mod´elis´e par Ω), se traduit math´ematiquement en compl´etant le mod`ele par le choix d’une famille de probabilit´es; en ce sens, adopter un mod`ele statistique consiste `a admettre (au moins jusqu’`a r´evision de ce point de vue) que la “vraie” probabilit´e qui r´egit le ph´enom`ene appartient `a cette famille, classiquement not´ee P = {Pθ;θ ∈ Θ};

on parlera donc du mod`ele statistique (Ω,P). Il est souvent possible de donner un sens concret, dans le mod`ele, `a ceparam`etre θ(sinon, il est toujours possible math´ematiquement de prendre pour ensemble Θ l’ensemble de celles des probabilit´es sur Ω que l’on consid`ere susceptibles de r´egir le ph´enom`ene et d’´ecrire quePθ =θ).

Pour des raisons d’ordre math´ematique (voir X.1.1), il peut ˆetre n´ecessaire de pr´eciser la tribu F de parties de Ω (appel´ees ´ev`enements dans ce mod`ele) sur laquelle sont d´efinies les probabilit´esPθ (mais nous omettrons la r´ef´erence `aF quand cela ne prˆetera pas `a confu-sion). Dans le cadre d’un tel mod`ele, les statistiques (voir b. ci-dessus) ont la structure math´ematique de variables al´eatoires (v.a., voir X.1.1) de (Ω,F) dans un autre espace (Ω,F).

d. La succession des points ´evoqu´es en I.2 ci-dessus ne doit pas ˆetre consid´er´ee comme rigide. Par exemple la formalisation du probl`eme permet de guider des choix de r´esum´es, ou bien les questionnements ont ´et´e pr´esent´es par l’interlocuteur du statisticien pr´ealablement au choix du mod`ele (mais il importe de les interpr´eter dans ce cadre).

e. Un mod`ele est certes un “carcan” dans lequel on s’enferme pour pouvoir mener une

´etude rigoureuse (en particulier math´ematique) afin d’affiner, au vu des donn´ees, notre connaissance de l`a o`u se situent, dans le cadre de ce mod`ele, les caract´eristiques essentielles des observations ou bien la probabilit´e qui r´egit le ph´enom`ene (autrement dit, en g´en´eral, o`u se situe la vraie valeur du param`etre).Ceci ne doit pas bannir tout esprit critique sur le choix du mod`ele, et, en avan¸cant dans l’´etude, on peut mettre en ´evidence des anomalies qui conduisent `a reprendre le travail `a partir d’un mod`ele diff´erent.

Deuxi` eme partie

Statistique d´ ecisionnelle

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Chapitre II

Rappels sur le mod` ele param´ etrique

II.1 Un exemple introductif

II.1.1 Pr´esentation d’un jeu de donn´ees

L’interlocuteur du statisticien est ici un industriel, responsable d’une machine qui produit des pi`eces class´ees soit “bonnes” (ce qui est not´e 0), soit “d´efectueuses” (ce qui est not´e 1).

Il a observ´e un “lot” de n pi`eces ; voici la suite des observations, pourn= 100 : 00010 10100 00000 00000 00000 01000 00100 00100 01000 00010 10100 01000 00000 10100 00001 00101 00100 11010 00101 00000

On noterax= (x1, . . . , x100) la suite de 0 et de 1 observ´ee. Le mod`ele le plus simple que l’on puisse proposer ici consiste `a supposer que chaque xi ∈ X = {0,1} est la r´ealisation d’une variable al´eatoire (v.a.) Xi de loi de Bernoulli (voir X.2.1), ces v.a. ´etant suppos´ees ind´ependantes et identiquement distribu´ees (i.i.d.) (on a de la chance : les initiales sont les mˆemes en fran¸cais et en anglais !). L’ensemble des lois pourXiest l’ensemble des lois de Bernoulli : P ={B(p), p∈[0,1]}. Bien sˆur, quand on fera l’inf´erence `a partir des donn´ees, la vraie valeur du param`etre sera inconnue. L’espace des observations est Xn={0,1}n (avec n= 100), et on a, pourx∈ Xn,

P(X1 =x1, . . . , Xn=xn) =py(1−p)ny, o`uy=Pn

i=1xi est le nombre de pi`eces “d´efectueuses”.

Il est important de justifier le mod`ele et de s’assurer qu’il traduit bien les conditions d’obtention des observations.

II.1.2 Remarques sur la mod´elisation

Pour comprendre comment on peut justifier un tel mod`ele, remarquons que, comme dans la plupart des probl`emes statistiques, l’information sur les conditions de recueil des observa-tions d´ebouche imm´ediatement sur le questionnement suivant :Y a-t-il lieu de consid´erer qu’est intervenue une part d’al´eatoire ? si oui, o`u se situe cette intervention du hasard ?

Tr`es grossi`erement, on peut consid´erer que l’al´eatoire peut en g´en´eral avoir deux types de provenance :

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A. Variabilit´e intrins`eque du ph´enom`ene ´etudi´e. On peut imaginer, ici, que de

“petites variations” dans la fabrication (par exemple dans la position de la pi`ece dans la machine qui la fa¸conne) influent sur la qualit´e ; ces variations ne sont ni maˆıtrisables ni descriptibles en d´etail, et seule la notion de “probabilit´e de sortie d’une pi`ece d´efectueuse”

peut en rendre compte ; les param`etres de r´eglage de la machine pouvant ´evoluer au cours du fonctionnement, il peut ˆetre n´ecessaire de ne pas consid´erer cette probabilit´e comme constante ; une information, mˆeme imparfaite, sur cette probabilit´e peut d´eboucher sur des d´ecisions de r´eglage de la machine.

B. ´Echantillonnage.Ici on ne se situe plus pendant le ph´enom`ene, mais apr`es celui-ci : dans notre exemple, la masse de la production durant une certaine p´eriode est consid´er´ee dans son ensemble et on s’int´eresse `a la proportion de pi`eces d´efectueuses dans cette production ; un ´echantillon est tir´e “au hasard” dans cette population et on observe les qualit´es des pi`eces ainsi extraites ; en d´eduire une information, mˆeme imparfaite, sur la proportion de pi`eces d´efectueuses dans la production totale peut d´eboucher sur des d´ecisions consistant `a refuser de mettre la production en vente telle quelle ou `a arrˆeter la production ; nous reviendrons en II.1.3 ci-dessous sur de telles consid´erations de “d´ecision”.

Plus pr´ecis´ement, dans notre exemple, le mod`ele i.i.d. propos´e peut se justifier dans les conditions exp´erimentales suivantes, qui correspondent chacune `a l’un des deux types d’al´eatoire que nous venons d’´evoquer ; le lecteur remarquera que l’interpr´etation du param`etre p de la loi de Bernoulli est diff´erente dans les deux cas, mais que celui-ci n’est jamais connu du statisticien.

A.On a pris chronologiquement 100 pi`eces produites pendant un certain laps de temps;on admetque la production a ´et´e stable durant cette p´eriode, cette stabilit´e ´etant caract´eris´ee par la constance de la probabilit´ep pour chaque pi`ece produite d’ˆetre d´efectueuses ; on ad-met aussi que les petites variations al´eatoires pouvant influer sur la qualit´e des pi`eces ne se r´epercutent pas d’une pi`ece `a celles qui suivent ; le fait d’introduire des “trous” entre les interventions sur la chaˆıne pour extraire les pi`eces `a observer peut favoriser la satisfaction de l’exigence d’ind´ependance (voir X.1.4), mais, en allongeant le temps global de recueil, il peut d´et´eriorer l’exigence de conservation de la loi. Le param`etre p a ici un caract`ere th´eorique qui explique qu’il ne puisse pas ˆetre directement observable.

B. On dispose d’une masse de N pi`eces produites, dans laquelle p est la proportion de pi`eces d´efectueuses et on admet que, dans la proc´edure de tirage de l’´echantillon, le

“m´elange” des pi`eces a ´et´e bien effectu´e : ou bien chaque pi`ece tir´ee est remise dans la masse (qui est `a nouveau “bien m´elang´ee”), ou bien elle n’est pas remise mais alors N est suf-fisamment grand devant 100 pour qu’on puisse approximativement consid´erer que les 100 observations sont ind´ependantes (en effet, en toute rigueur, chaque fois qu’on tire une pi`ece, la proportion de pi`eces d´efectueuses dans la population restante est influenc´ee par la qualit´e de la pi`ece tir´ee, mais cette influence est tr`es faible siN est tr`es grand). Le param`etrepici a une situation concr`ete et serait atteignable si on voulait faire un recensement complet de la production consid´er´ee ; mais le fait d’extraire un ´echantillon est justement dˆu `a la volont´e de ne pas faire un tel recensement (trop long, ou trop coˆuteux, ou parfois mˆeme irr´ealisable si il se trouve que toute observation d´et´eriore la pi`ece). Il est clair que, dans cette situationB, la masse de pi`eces produites ayant ´et´e brass´ee, on a perdu toute possibilit´e de s’interroger sur la stabilit´e de la production au cours de la p´eriode de recueil.

Ces consid´erations montrent que l’hypoth`ese d’i.i.d., pourtant fort simplificatrice

math´e-II.1. UN EXEMPLE INTRODUCTIF 11 matiquement, est souvent sujette `a caution dans les applications. Par exemple elle ne serait sans doute pas utilisable dans les situations exp´erimentales (r´ealistes) suivantes :

C.100 pi`eces extraites sans replacement d’une masse de 500 pi`eces ;

D.100 pi`eces extraites “au hasard” `a des instants r´epartis sur un long laps de temps ; E. succession de m “sous-´echantillons” de taille k chacun (avec k.m = 100), extraits chacun d’une certaine masse de pi`eces produites dans un laps de temps o`u on peut consid´erer la production comme “stable” (par exemple m= 2,k= 50, ou bien m=k= 10).

II.1.3 Quels questionnements peut-on soulever ? On consid`ere le mod`ele des v.a. i.i.d. introduit dans II.1.1.

a. Le statisticien peut avoir `a proposer `a son interlocuteur une valeur pourp, qu’on appellera l’estimation ponctuelle de p. L’estimation ponctuelle sera pr´esent´ee au paragraphe II.3 Mais une telle information paraˆıt souvent un peu sommaire pour ˆetre vraiment op´eration-nelle pour l’industriel ; il sait en effet que, partant d’une r´ealit´e “floue” car al´eatoire, il ne peut pas esp´erer une r´eponse exacte ; il aura donc souvent besoin d’avoir un ordre de grandeur de l’impr´ecision de la r´eponse.

b. Cet ordre de grandeur est fourni par un intervalle de confiance (famili`erement une

“fourchette”) sur p: [p, p+]. Il faut alors consid´erer (sans que, ici encore, ce puisse ˆetre une certitude) que cet intervalle, calcul´e `a partir des observations, contient la valeur inconnue de p. La construction des intervalles de confiance sera trait´ee au paragraphe II.5. Cet intervalle de confiance peut servir `a ´etayer une d´ecision (par exemple arrˆeter la production si l’inter-valle de confiance a une intersection non vide avec l’interl’inter-valle [p0,1] des valeurs de p jug´ees inadmissibles).

c. Les proc´edures ded´ecisions d´ependent des questions pos´ees. Le statisticien peut avoir `a expliciter en quoi consiste le renseignement le plus utile pour l’interlocuteur (ici l’industriel) en vue d’une d´ecision que ce dernier a `a prendre (mettre en vente ou non la production, r´eparer ou non la machine ...) ; par exemple, l’industriel, pour des raisons de qualit´e, devrait arrˆeter la production s’il apparaissait que la probabilit´epde produire des pi`eces d´efectueuses

´etait mont´ee au dessus d’un certain seuilp0 (par exemple 0.2) ; mais un arrˆet coˆute cher, et il ne le fera que si le statisticien arrive `a le convaincre de la n´ecessit´e d’y proc´eder ; tout ce qui int´eresse l’industriel, au vu des donn´ees, c’est donc de savoir s’il doit consid´erer quep≤p0 (et continuer `a produire) ou quep > p0(et se r´esoudre `a arrˆeter). Une technique pour r´epondre `a cette question sera appel´ee test de l’hypoth`ese nulleH0={p≤p0}contre l’hypoth`ese alternative (ou contre-hypoth`ese)H1 ={p > p0}. Il s’agit donc d’associer `a la partition (H0, H1), donn´ee dans l’espace des param`etres Θ = [0,1], une partition (X0,X1), fabriqu´ee dans l’espace des observations Xn={0,1}n, de telle sorte que l’on conclue en faveur de H0 six∈ X0 et en faveur deH1 six∈ X1. L’ensemble X1, o`u on rejette H0, est dite r´egion critique du test (ou zone de rejet). Les proc´edures de test seront trait´ees au paragraphe II.6.

Remarque II.1. De mˆeme, dans le cadre du mod`ele E (avec 2 tranches de taille 50) on peut, par exemple :

– chercher `a proposer une estimation pour les param`etres pa et pour pb, correspondant chacun `a un des deux ´echantillons ;

– chercher `a ´elaborer deux intervalles de confiance, respectivement pourpa et pourpb.

– s’interroger sur l’apparition d’une d´egradation entre la premi`ere p´eriode et la seconde ; tout ce qui int´eresse l’industriel, au vu des donn´ees, c’est de savoir s’il doit consid´erer que pb ≤ pa (et ˆetre serein car il n’y aurait pas de d´egradation) ou que pb > pa (et prendre des mesures car il y aurait d´egradation) ;

Dans le document ´ECOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSS´EES (Page 15-22)