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II.3 Différentes approches de modélisations pour une maçonnerie historique

II.3.3 Modélisations multi-échelles de la maçonnerie

La modélisation multi-échelle fournit une alternative aux deux approches présentées précé- demment en construisant des modèles macro-mécaniques basés sur des considérations micro- mécaniques.

Fig. II.24 – Modélisation multi échelles : combiner micro et macro modélisations

Le milieu hétérogène initial est ainsi remplacé par un milieu homogène équivalent, discrétisé en éléments de maillage qui ne suivent pas le posi- tionnement des joints et des éléments mais uniquement les règles propre à cette méthode. Ce milieu homogène aura les mêmes caractéristiques mé- caniques que le milieu hétérogène de départ : c’est la loi de comportement de ce « matériau équivalent » qui de- vra rendre compte du comportement moyen, en contournant donc les carac- téristiques physiques du problème.

On distingue deux types de méthode d’homogénéisation :

– les méthodes de bornes, bien adaptées aux maçonneries de blocage ; – l’homogénéisation périodique, à privilégier pour les maçonneries régulières.

Ensuite, on étudie le milieu homogénéisé en recourant à des modèles similaires à ceux décrits dans la modélisation macro-mécanique.

Comme on peut le voir par exemple dans [PA94], cette méthode a montré qu’elle était efficace pour décrire dans sa globalité le comportement d’une structure même complexe, sans multiplier les paramètres et augmenter l’effort en temps de calcul comme d’autres méthodes.

Frunzio dans [FMG01] a étudié sur Ansys en 3D un pont romain en pierre. Il a divisé la structure en 4 parties : la voûte, les murs tympans, le remplissage approximé grossièrement par un béton et les fondations. Il a appliqué un critère de Drucker-Prager pour tous les matériaux et calculé le module d’élasticité selon le processus d’homogénéisation proposé par Aboudi dans [Abo91]. Il a noté que le résultat était très dépendant des paramètres matériaux, qui ont été difficiles à évaluer.

Afin de pouvoir ouvrir des fissures dans la structure, des éléments numériques de type « joints », capables de s’ouvrir et de glisser, ont été placés dans la structure numérisée aux interfaces jugés stratégiques.

Abruzzese, dans [AMY09] a modélisé une pagode chinoise du 11 ème siècle en utilisant les propriétés mécaniques linéairement homogénéisées des matériaux obtenues par des essais ex- périmentaux. Le modèle mécanique était basé sur un simple comportement élastique linéaire en ne considérant aucune résistance en traction. La tour dont l’inclinaison est de 6, 5 deg a été analysée sous poids propre afin d’évaluer le risque de chute. Il a employé la même technique ([AFM+10] pour deux clochers de Campanie, améliorant la méthode par un re-calibrage des données pour retrouver les fréquences propres déterminées à partir des mesures in situ.

La question de la représentation de la fissuration est un point important dans ce type de modélisation. On peut distinguer deux grandes approches, comme illustré sur la figure II.21 :

- Méthode discrète.

On modifie la géométrie de la structure réelle tout en restant linéaire élastique pour décrire l’intérieur de chaque morceau. L’approche macro avec éléments joints permet la compréhension des mécanismes structurels de grands ouvrages. Les éléments joints, en s’ouvrant, simulent le développement des fissures dans une zone prédisposée de la structure, choisie à l’avance. Les fissures suivent alors une voie non-naturelle.

- Fissuration répartie.

La géométrie est gardée telle quelle mais on introduit le processus de fissuration par l’in- termédiaire des lois de comportement : il change la déformation et la raideur du matériau à chaque point d’intégration. En intégrant le phénomène de fissuration à l’intérieur d’un matériau continu, les fissures peuvent se développer le long d’un chemin non-prédisposé mais déterminé par les calculs. Les fissures se développent dans les zones où les contraintes sont excessives par rapport à des critères spécifiés.

Cette technique est partie du postulat qu’une fois la résistance en traction de la maçonnerie dépassée, il y aurait perte complète de cohésion dans la direction de la contrainte principale la plus importante. Ce modèle de départ a été amélioré en prenant en compte l’adoucissement et le raidissement dus à la traction, ou la dégradation de la capacité en cisaillement. Des dé- veloppements supplémentaires ont permis la formation de fissure dans d’autres directions que celle de la contrainte principale la plus importante, ou le changement de direction de la fissure

principale, donnant lieu aux fixed multi-crack models et au rotating crack models décrits dans [BFPS94]. Lotfi et col. dans [LS91] ont aussi introduit des modèles d’endommagement et de plasticité, avec de l’adoucissement en compression comme en traction.

Cette approche est souvent préférée car pour des structures de grande taille il est presque impossible de traiter chaque fissure individuellement.

Mais la modélisation multi-échelle pose tout de même quelques problèmes :

– Ces méthodes connaissent des difficultés de convergence (perte d’ellipticité du problème de valeur limite) et des discontinuités du premier ordre dans le champ des déplacements. – De plus, les résultats sont extrêmement dépendants du maillage éléments finis, de sa disposition comme de sa taille. D’une part la localisation de la fissuration peut être bloquée ou très fortement influencée par la typologie des éléments de maillage employés. D’autre part les solutions dépendent énormément de la taille de ces éléments quand la fissuration se produit. Cet inconvénient peut être atténué en rattachant les paramètres du modèle d’endommagement à la taille de chaque élément grâce à une caractéristique du matériau qui doit rester constante, comme par exemple l’énergie de fracture.

Ces méthodes permettent d’intégrer le caractère hétérogène de la structure tout en conser- vant la simplicité des calculs sur milieux homogènes. Elles donnent des résultats intéressants dans la modélisation des phénomènes linéaires ; la modélisation des comportements non-linéaires est encore en cours de recherche. Elles permettent aussi d’étudier l’impact d’éventuels renforce- ments en intégrant leur modélisation dans le modèle initial.

Ce tour d’horizon des différentes études sur la maçonnerie nous a permis de voir que le sujet était difficile à traiter compte tenu de la grande variété des types de maçonnerie et de la com- plexité des phénomènes physiques qui interviennent. Trois grands types d’approche ont émergé, correspondant chacun à un choix d’échelle d’étude du matériau, selon qu’on le considère comme hétérogène, homogène ou homogénéisé. Les différents modèles s’attachent à caractériser un ou plusieurs modèles de comportement (plasticité parfaite, élasto-plasticité, plasticité non associée, endommagement fragile) de la maçonnerie en s’appuyant sur des observations empiriques ou sur des données expérimentales.

L’objectif global de ce mémoire d’analyser une structure en maçonnerie de grande taille : une chapelle. D’autre part, on a souligné la nécessité de pouvoir hiérarchiser les études structurelles. On cherche à faire un pré-diagnostic, permettant de jauger l’utilité d’études plus poussées sur l’édifice. Les résultats ne seront ni aussi précis ni aussi exhaustif que dans une étude longue et coûteuse. Mais une telle étude aura le mérite de la rapidité et de la simplicité. Elle pourrait donc s’appliquer à un grand nombre de bâtiment. Ce serait de ce fait un outil extrêmement utile dans le cadre de la prévention des risques et la protection du Patrimoine.

Nous avons donc choisi d’utiliser un macro-modèle, considérant le matériau comme un milieu continu et homogène.

Chapitre III

Cas d’étude : la chapelle du hameau

de Boudin, Beaufort-sur-Doron

III.1

Contexte-Description de l’édifice