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II.2 La maçonnerie : un matériau complexe

II.2.1 Descriptif des maçonneries

a Nomenclature des différentes maçonneries

Le terme « maçonnerie » recouvre tout ouvrage construit de pierres, de briques, d’agglomérés ou de tout autre élément servant à la construction. Les éléments constitutifs de la maçonnerie sont compactés entre eux par la gravité. Du point de vue mécanique, cela correspond à des comportements et des réponses variés. Très généralement, deux familles de maçonneries peuvent être différenciées par leur mise en œuvre, comme illustré sur la figure II.5 :

- le blocage est une maçonnerie d’éléments de différentes tailles, jetés pèle-mêle dans un bain de mortier. Il peut être utilisé de plusieurs façons : seul, pour constituer des éléments structuraux ou en remplissage entre deux appareils constituant les parements. A une échelle macroscopique comme celle de la structure, le blocage peut être considéré comme homogène, avec une faible anisotropie. On peut le rapprocher du béton, matériau composite biphasé relativement homogène.

- l’appareil est une maçonnerie d’éléments posés : chaque élément est adapté, éventuelle- ment équarri ou taillé, pour occuper une place déterminée.

Fig. II.5 – Les deux grands types de maçonnerie, [Oik09]

Pour qualifier une maçonnerie et définir l’ordonnancement de l’appareil, on distinguera les deux éléments de base :

- Les éléments, morceaux formant le corps de la maçonnerie. Ils peuvent être de la pierre, de la brique, des agglomérés, de la terre crue et la tuile. . .

- Les joints, espaces entre deux éléments. Le terme se réfère aussi à la couche de matériau qui remplit cet espace, c’est-à-dire au mortier. S’il est absent, on parle de joint vif.

Les appareils sont plus ou moins réguliers selon l’agencement, la forme et la taille des élé- ments qui les constituent.

– Si les éléments sont tous de même hauteur, les lits de joints sont rectilignes. On parle d’appareil à assises régulières.

– L’appareil assisé est moins régulier : les joints montants et les lits de joints ne sont pas rectilignes mais tout de même repérables. Les joints apportent à la structure maçonnée une certaine anisotropie en fonction de leur direction.

– L’appareil irrégulier est celui qui possède les éléments les moins ordonnés, avec des gros- seurs variables et de formes irrégulières. Si la proportion de mortier est importante, l’ho- mogénéité de ces appareillages est plus importante, à l’instar du blocage.

On peut d’ores et déjà noter que, dans les blocages comme pour les appareillages, l’isotropie et l’homogénéité seront les deux caractéristiques dont l’influence sera considérable sur le com- portement mécanique de la maçonnerie étudiée, donc sur la modélisation appropriée. Le blocage et les appareillages irréguliers seront plus homogènes, avec une isotropie plus grande, que les appareillages très réguliers. Là encore les Monuments Historiques poseront plus de problèmes que des bâtiments récents en maçonnerie. Celle-ci y est encore plus hétérogène à l’échelle ma- croscopique, même dans un seul bâtiment. Appareillage et blocage y sont souvent imbriqués, des ajouts ou réparations faits au fil du temps accentuant encore cette caractéristique.

b Description des matériaux

Intéressons-nous maintenant plus précisément à la description des matériaux composant la maçonnerie :

- Les éléments

On peut les décrire par leurs caractéristiques d’élasticité linéaire et de résistance en traction et en compression. Le comportement mécanique des éléments est de type fragile ou quasi-fragile ce qui suppose en première approche une rupture brutale du matériau. C’est ainsi que les fabriquants donnent en général leurs caractéristiques d’élasticité linéaire et leur résistance en traction compression. Pour définir ces valeurs, on pratique en général les mêmes tests que pour le béton, comme on peut le trouver pour une étude de marbres dans [CM99]. Les normes de construction se basent le plus souvent sur la résistance en compression puisque la maçonnerie se trouve essentiellement en structures massives porteuses. La valeur de résistance en traction est essentiellement utilisée pour évaluer la résistance à la flexion du mur : les éléments sont rarement sollicités directement en traction, mais plutôt en flexion suite par exemple à des tassements différentiels dans la structure.

On remarque dans le tableau de la figure II.6 que leur résistance en compression est consi- dérablement plus importante que leur résistance en traction, généralement limitée à des valeurs faibles.

- Les joints

Décrire mécaniquement un joint vif revient à décrire le frottement entre deux éléments. Les phénomènes à l’interface entre deux pierres étant très complexes, on se limite le plus souvent à une loi de Coulomb. , qui corrobore assez bien les essais expérimentaux. Pour plus de détails, on peut se reporter au travail de [ABJ+97]. Notons que pour interpréter correctement les expé- rimentations, les auteurs distinguent un coefficient de frottement statique et un dynamique, le

Fig. II.6 – Propriétés mécaniques de différents éléments, [Aca01]

premier étant plus élevé (environ 0,9) que le second (environ 0,6).

Le mortier est le liant habituel entre les éléments. Il est constitué d’un granulat, d’un liant et d’eau. Ce sont le séchage et les liaisons physico-chimiques qui se produisent dans le liant qui assurent la cohésion du mortier. Les propriétés mécaniques des mortiers dépendent d’un grand nombre de paramètres dont le dosage des différents éléments constitutif, leur mise en œuvre et leur durcissement. Notons que la mise en œuvre est fonction de l’ouvrabilité du mortier. Cette caractéristique est généralement définie par le maçon. On ne peut pas lui donner une signification précise par manque de norme spécifique le concernant. Ce qu’il faut retenir c’est que pendant cette phase, le mortier doit avoir une certaine viscosité, être facile à étaler avec une truelle et impérativement coller sur les surfaces verticales.

Les ingrédients qui peuvent augmenter l’ouvrabilité du mortier sont la taille des agrégats et la quantité d’eau utilisée pour le malaxage. L’entraînement d’air est un additif qui crée des bulles d’air minuscules dans le mélange. Ces bulles vont aider les ingrédients du mortier à se déplacer plus librement. Mais par ailleurs, elles vont réduire la résistance du matériau puisque la densité et la surface de liaison entre les unités de maçonnerie vont être naturellement affaiblies.

– le granulat : on utilise traditionnellement du sable. Inerte dans la réaction chimique, il influe sur la compacité du mortier une fois durci. L’homogénéité du mortier dépend de sa granulométrie.

– Le liant : Les mortiers anciens et traditionnels sont à base de chaux. La chaux grasse, obtenue par extinction de la chaux vive en la laissant vieillir, est la base du mortier traditionnel rencontré dans les édifices anciens. En règle générale, les mortiers à base de chaux possèdent une plasticité très bonne mais leur résistance mécanique est faible et leur cure lente. De plus leurs propriétés mécaniques dépendent énormément de leur mise en œuvre.

On trouve aussi souvent du mortier à base de terre argileuse dans les bâtiments anciens. Il s’effrite et sa résistance est assez mauvaise dans le temps ce qui permet de le reconnaître assez aisément. C’est le liant le plus courant dans les blocages anciens.

Dans les constructions modernes, on utilise le plus souvent du ciment Portland ou un mélange à base de ciment Portland, de calcaire et d’adjuvants mouillants et hydrofuges dit ciment de

maçonnerie.

On peut voir dans le tableau de la figure II.7 que les dosages font varier les caractéristiques mécaniques de façon importante. Notons encore que la mise en œuvre, notamment le temps de prise, le type d’éléments et leur état de surface, est déterminante dans la qualité finale du mortier.

Fig. II.7 – Propriétés mécaniques de différents mortiers, [Aca01]

Les caractéristiques mécaniques du mortier sont déterminées par deux types de tests : – Sur le mortier seul comme un matériau à part entière, pour les caractéristiques élastiques, les résistances en traction-compression. Ce test est intéressant pour les maçonneries de blocage ou aucun lit de joint n’est défini, et que l’on peut considérer comme homogène.

Fig. II.8 – Exemples d’assemblages pour des tests sur du mortier, [Aca01]

– Sur de petits assemblages comme illustré sur la figure II.8, pour lesquels on fait l’hypothèse d’un appareillage assisé voire régulier. Les facteurs géométriques du joint prennent alors de l’importance. On mesure donc les résistances propres de chaque matériau, l’adhérence entre les phases, les effets de bord. Le joint est donc caractérisé comme une interface par son comportement normal en traction et compression et son comportement tangentiel en cisaillement.

Les travaux de [ABJ+97] sur les mortiers anciens et de [DHH79] sur les mortiers en général, ont permis de dégager les grandes lignes suivantes pour le comportement des mortiers :

Fig. II.9 – Comportement normal en trac- tion directe d’un joint de mortier, [Aca01]

- En traction (Figure II.9) :

Comportement caractéristique des géo- matériaux, avec une première phase élastique et une phase d’adoucissement rapide. La rupture se produit après micro-décohésions, coalescence puis macro-fissures. Après décharge, si elle est faite avant rupture, les caractéristiques élas- tiques sont très dégradées et les déformations résiduelles sont faibles.

Fig. II.10 – Comportement tangent en ci- saillement d’un joint de mortier, [Aca01]

- En cisaillement (figure II.10) :

– Pic de contraintes au premier cycle, avec un schéma proche de celui du test en traction. La rigidité tangentielle du joint dépend de la contrainte tangentielle et de la contrainte nor- male. La cohésion décrite par ce pic dépend énormément des conditions expérimentales. On parle, pour la cohésion, de comportement d’en- dommagement.

– Pour les cycles suivants, la contrainte de cisaille- ment résiduelle est proportionnelle à la pression normale et ne dépend pas du nombre de cycles. Le joint s’accommode donc. On parle, pour la contrainte résiduelle, de comportement plastique non associé.

– La dilatation du joint est inversement propor- tionnelle à la pression normale.

– La cohésion tangentielle et la contrainte rési- duelle suivent correctement le critère de Mohr- Coulomb.