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Le modèle des structures attachées formulé par Townsend en 1961 constitue le principal pilier sur lequel s'appuient l'essentiel des études théoriques sur la turbu-lence pariétale [73, 74, 75]. Ce modèle suppose l'existence de structures (délimitées par un lacet de vorticité) dont la taille et la distance aux parois sont similaires et qui sont donc considérées comme attachées aux parois. Les structures TEC vues précédemment constituent un exemple de structures réelles pouvant correspondre à cette description, leurs jambes étant situées à proximité des parois tandis que leur têtes s'étendent jusque dans la couche externe de l'écoulement. Il est important de souligner que la démarche suivie par Townsend ne présume pas de la forme de ces structures qui devra être déterminée de façon à pouvoir expliquer les caractéris-tiques de la turbulence. Le modèle des structures attachées ore un cadre théorique

simple et relativement puissant et a remporté d'importants succès, notamment dans la description de la vitesse moyenne et de l'intensité turbulente dans la couche de recouvrement.

Inuence des structures attachées

On considère dans un premier temps, une structure attachée dont le centre est situé en xs = (xs, ys, zs). La uctuation de vitesse induite par la structure en un point x = (x, y, z) de l'écoulement peut alors s'écrire :

u0i(x) = u0fi((x − xs)/ys) (6.19) où u0 est l'échelle de vitesse associée à l'écoulement induit par la structure. La fonction fipeut être vue comme une fonction d'inuence qui décroit avec la distance à la structure.

Le modèle de Townsend considère une distribution aléatoire de structures de tailles variées dans le plan (x, z). L'eet induit par l'ensemble des structures est alors simplement déterminé par la somme des contributions individuelles de chaque structure attachée. La contribution Cij de l'ensemble des structures à la contrainte u0iu0j s'exprime alors par :

Cij(y) = Z Z P (u0, xs)u20fi(x − xs ys )fj(x − xs ys )du0dxs (6.20) = Z L0 l0 N (ys)Iij(y/ys)dys y (6.21)

La fonction P dénit la probabilité des structures selon la position de leur centre et est invariante dans les directions x et z en raison de l'homogénéité de l'écoulement des ces directions. Les bornes l0 et L0 correspondent respectivement aux tailles des plus petites et des plus grandes structures considérées. La fonction Iij correspond à l'inuence totale d'une structure dans le plan (x, z) et s'écrit :

Iij(y/ys) = Z Z 0 fi(x − xs ys )fj(x − xs ys )dxdz (6.22) La notation l représente la longueur l normalisée par ys, l = l/ys. La fonction N (ys)est analogue au facteur u0 dans l'expression de la contribution individuelle et

peut être interprétée comme l'intensité moyenne des structures : N (ys) =

Z

0

u20ys3P (u0, xs)du0 (6.23) L'allure exacte des fonctions Iij est naturellement en grande partie inconnue mais peut être approximée à partir de notre connaissance des propriétés de l'écoulement. Tout d'abord, à proximité des parois, y/ys << 1 et les fonctions fi peuvent être approximées par un développement limité au premier ordre qui se réduit à f2(y) = y dans le cas de la composante normale v de la vitesse du fait de la condition d'imperméabilité (vitesse normale nulle aux parois). La fonction d'inuence totale I22

varie donc en y2 à proximité des parois. Les fonctions d'inuence pour les uctuations u0 et w0 peuvent être non nulles, dans l'hypothèse de structures non-visqueuses considérée par Townsend. Le comportement des fonctions Iij en y << ys est donc déni par :

I12 ∝ y

I22 ∝ y∗2 (6.24)

I11, I33 6= 0

Par ailleurs, on peut supposer que l'eet ressenti est maximal à une distance y proche de la position ys du centre de la structure y = y/ys ≈ 1 et décroit signi-cativement au-delà pour y >> 1. Ces hypothèses mises bout à bout permettent de dresser un portrait robot des fonctions Iij envisageables, tel que montré dans la gure 6.8.

Structures attachées et loi logarithmique

On reprend ici l'approche de Townsend [4] qui permet de déterminer le comporte-ment des uctuations de vitesse dans la couche de recouvrecomporte-ment en considérant le comportement asymptotique de la relation 6.21 lorsque l0 << y << L0. À la dif-férence des fonctions I11/y et I33/y, les fonctions I12/y et I22/y tendent vers une valeur nie lorsque y → 0 et ne présentent aucune singularité. Les intégrales :

I12= Z L0 l0 I12(y/ys)dys y = Z y/l0 y/L0 I12(y)dy y 4. STRUCTURES COHÉRENTES 151

I12 Iij I22=  L0 l0 I22(y/ys)dys y =  y/l0 y/L0 I22(y)dy y y/L0 → 0 y/l0 → ∞ y N (ys) = N = cste C12= NI12 C22= NI22 uv C11 C33 Iij y < y 0 y > y 0 Cij = Cij(1)+ Cij(2) = N  y∗ 0 y/L0 Iij(y)dy y + N  y/l0 y∗ 0 Iij(y)dy y y 0 y Cij(2) C11(1) C33(1) uu ww

u02= −A11ln( y L0) + B11 v02= B22 (6.25) u0v0 = B12 w02= −A33ln( y L0) + B33

La valeur des constantes Aij et Bij dépend de la forme exacte des structures attachées. Comme mentionné précédemment, l'approche de Townsend est basée sur l'hypothèse d'une superposition de structures attachées, réparties aléatoirement dans les directions homogènes x et z. Or, cette hypothèse n'est pas compatible avec la présence de paquets de structures, dans lesquels les structures se répartissent de manière ordonnée, dont l'existence n'était pas encore connue à l'époque. Par la suite, la notion de paquets a été formalisée et intégrée au modèle des structures attachées à travers le concept de hiérarchie de structures introduit par Perry et al. [73] et illustré dans la gure 6.9. Les structures se regroupent alors dans des hiérarchies dont l'échelle est déterminée par la taille de la plus grande structure. Il est important de souligner que l'introduction de la notion de hiérarchie dans le modèle des structures attachées ne modie pas les relations 6.25sur les uctuations de vitesse qui sont également proposées par Perry dans son étude [73]. Enn, les relations logarithmiques prédites par le modèle des structures attachées semblent conformes avec les résultats expérimentaux obtenus sur des écoulements à grands nombres de Reynolds présentés dans la gure6.10. Il convient cependant de souligner que l'accord apparent avec une loi logarithmique est souvent trompeur, une loi de puissance pouvant également produire des prols similaires, comme le montre la gure 6.3.

Notion de structures actives et passives

L'étude rapide des relations6.24 peut fournir des informations intéressantes sur l'eet d'une structure sur les diérentes composantes de la vitesse en fonction de sa taille. Les structures de grande taille devant la position y considérée (y/ys << 1) contribuent essentiellement aux uctuations u0 et w0 et n'aectent pas la contrainte de Reynolds. En eet, dans le cas y/ys << 1, les uctuations de vitesse normale v0 et la contrainte de Reynolds u0

v0 sont très faibles et augmentent selon (y/ys). On peut donc considérer que les structures de grande taille devant y contribuent

Hiérarchie caractérisée par Λ

Figure 6.9  Illustration du concept de hiérarchie proposée par Perry et al. [73] de manière marginale à la vitesse normale et à la contrainte de Reynolds u0v0. En revanche, les uctuations induites sur les composantes longitudinale et transverse ne sont pas nulles et augmentent de manière linéaire. Les structures de grande taille contribuent donc pas à la production d'énergie turbulente donnée par P = −u0v0 ∂U

∂y

et sont donc qualiées de passives dans la terminologie de Townsend.

Pour les structures  locales  de taille comparable à la position y (y ≈ ys), les relations 6.24 ne sont évidemment plus valables, mais on peut a priori considérer que les tourbillons (tournant dans le plan x − y) délimitant les structures attachées ont une inuence non négligeable sur la composante normale de la vitesse ainsi que sur la contrainte de Reynolds, comme le suggère l'allure des courbes présentées dans la gure 6.8. Les structures locales contribuent donc à l'ensemble des uctuations de vitesse et sont qualiées d'actives du fait de leur rôle dans la production d'énergie turbulente.

Cela nous amène à insister sur le fait que les structures attachées locales et ac-tives ont un eet tourbillonnaire au point y considéré, à la diérence des structures passives. En eet, dans le cas de ces dernières, le point y est beaucoup plus éloigné des tourbillons délimitant les structures et l'eet tourbillonnaire est beaucoup moins marqué. Les structures passives sont donc considérées comme irrotationnelles. Cette caractérisation en structures passives irrotationnelles et structures actives tourbil-lonnaires est confortée par l'analyse du champ vectoriel présenté dans la gure 6.6

montrant un paquet de structure, qui est clairement irrotationnel dans les zones éloignées des têtes des structures TEC.

Figure 6.10  Prols de la contrainte u02/u2

τ pour diérents nombres de Reynolds. (A) : Reτ = 628000, (B) : Reτ = 98190, (C) : Reτ = 68780, (D) : Reτ = 18010. Les lignes verticales délimitent la zone 3Reτ < y+ < 0.15Reτ correspondant à la couche de recouvrement. Les diérentes expériences ont été réalisées sur diérents types d'écoulements de paroi, le paramètre Λ0 représente l'échelle de longueur externe. Le détail des expériences est donné dans l'article de Marusic et al. [76]

La séparation entre structures actives et passives, ne contribuant pas à la con-trainte de Reynolds, a récemment été exploitée par Panton [75] an d'évaluer la dépendance du pic des uctuations de vitesse en fonction du nombre de Reynolds. On notera que les pics de u02 et w02 surviennent avant la couche de recouvrement et que leur existence n'est donc pas incompatible avec les lois logarithmiques prédites par Townsend et Perry [4,73] valables uniquement dans la couche de recouvrement. L'étude de Panton [75] propose de décomposer les uctuations de vitesse longitu-dinale u0 = u0A+ u0P en une composante active u0

A et une composante passive u0 P

obéissant chacune à des jeux d'échelles diérents. Les développements eectués sont relativement complexes et font intervenir des considérations théoriques et empiriques qui peuvent dicilement être présentées de manière succincte. On se contentera ici de donner la loi de dépendance logarithmique entre l'intensité du pic de u02 et le nombre de Reynolds de friction alors obtenue :

u0+2 = 0.95 ln(Reτ) + 1.710 (6.26) Cette loi logarithmique présente une pente quasiment similaire avec la loi loga-rithmique u0+2= 0.965 ln(Reτ) + 1.036pouvant être extrapolée à partir des résultats expérimentaux couvrant une large gamme de nombres de Reynolds et sera également comparée à nos résultats de simulation présentés dans le prochain chapitre.

Eets du nombre de Reynolds sur le

champ de vitesse

1 Introduction

Une des qualités premières de la simulation numérique directe par rapport à l'ex-périmentation tient dans la très grande précision des résultats obtenus qui permet de produire des statistiques ables et précises de quantités dicilement mesurables ex-périmentalement comme, par exemple, la dissipation ou la vorticité. Les simulations numériques se sont par ailleurs montrées capables de reproduire avec précision les résultats expérimentaux et se sont progressivement imposées comme une alternative crédible aux expérimentations [5].

Les développements théoriques sur la turbulence de paroi présentés dans le chapitre précédent sont basés sur des considérations asymptotiques et ne peuvent être rigoureusement appliqués uniquement à des écoulements à grands nombres de Reynolds, encore inaccessibles à la simulation. Cependant, l'augmentation continue de la puissance de calcul a permis d'étendre considérablement la portée des simula-tions numériques et d'envisager l'étude d'écoulements autrefois réservés à l'expéri-mentation. La période qui s'ouvre actuellement est une période charnière au sens où les nombres de Reynolds atteints ne rentrent pas dans les conditions idéales de validité des modèles théoriques mais sont néanmoins susants pour en observer les premiers eets.

La campagne de simulations conduite au cours de cette thèse a permis de réaliser quatre grandes simulations à Reτ = 180, 395, 590et 1100 et constitue actuellement la plus grande base nationale de simulation numérique directe d'écoulement en canal. La première base mondiale a été produite l'équipe de Jimenez [38] qui est parvenue

à atteindre Reτ = 2003. Les résultats à Reτ = 1100obtenus sont cependant ample-ment susants pour observer les eets des grandes structures sur les statistiques de l'écoulement. Ce chapitre se propose d'étudier l'eet du nombre de Reynolds sur les statistiques des champs de vitesse. L'objectif sera de déterminer l'inuence des dif-férentes échelles sur les statistiques et de discuter la conformité des eets identiés avec la description actuelle des grandes structures de l'écoulement.

2 Conduite des simulations

L'écoulement simulé est un écoulement en canal de parois d'extension innie dans les directions x et z. Le caractère non borné du domaine de calcul dans ces directions est modélisé par l'utilisation de condition périodiques aux limites du domaine tandis qu'une condition d'adhérence est utilisée pour modéliser l'action des parois. Les équations de Navier-Stokes sont discrétisées en espace selon les schémas explicites optimisés présentés précédemment et avancées temporellement selon le schéma de Runge-Kutta d'ordre 3 proposé par Spalart [32]. Il est à noter que la résolution de l'équation de Poisson est réalisée dans l'espace de Fourier dans les directions homogènes x et z et dans l'espace physique dans la direction y, le solveur de Poisson purement spectral (présenté dans la section 2 du chapitre 5) ayant été développé ultérieurement.