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Modélisation de la digestion anaérobie

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Le premier modèle de digestion anaérobie (Graef and Andrews, 1974) ne comprenait qu’une seule réaction avec une seule biomasse associée. L’Anaerobic Digestion Model n°1 (ADM1) a été publié par un groupe de travail de l’IWA (Batstone et al., 2002). Il est aujourd’hui le modèle le plus utilisé par la communauté scientifique. Le présent chapitre va brièvement le décrire.

La nomenclature d’ADM1 est basée sur une caractérisation physico-chimique des substrats. En cela, il diffère des modèles aérobies de type ASM. Ceci est surtout vrai en aval de l’hydrolyse. En amont de cette étape, les difficultés de modélisation ont abouti à une prise en compte de concepts plus cinétiques. La Figure 11 représente les différentes fractions de substrats et réactions prises en compte par ADM1.

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3

5 Acétogénèse depuis le valérate et le butyrate 2 Acidogénèse depuis les acides aminés

5 Acétogénèse depuis le valérate et le butyrate 2 Acidogénèse depuis les acides aminés

5 Acétogénèse depuis le valérate et le butyrate 2 Acidogénèse depuis les acides aminés

6 Méthanogénèse Acétoclaste 7 Méthanogénèse hydrogénotrophes 1

Figure 11 : Représentation schématique des réactions modélisées dans ADM1 (Rousseau, 2009).

Les numéros représentent les réactions pour lesquelles des biomasses spécifiques sont considérées.

Désintégration/hydrolyse

Ces deux étapes sont liées à des réactions de dépolymérisation extracellulaire. Elles sont toutes deux représentées par des cinétiques du premier ordre. La désintégration constitue une première étape liée à l’hydrolyse de polymères complexes d’un point de vue biochimique (association de protéines, lipides et carbohydrates). Les produits de cette désintégration sont distribués dans les trois familles biochimiques biodégradables caractéristiques que sont les lipides, les protéines et les polysaccharides. Une fraction inerte est également produite. Ces différentes familles biochimiques sont ensuite hydrolysées en produisant leurs monomères constitutifs respectifs : monosaccharides, acides aminés et AGLC.

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Acidogénèse

L’acidogénèse se fait ici à partir des trois familles de monomères précédents qui donnent lieu à la production d’un mélange d’AGV et d’H2. La stœchiométrie des réactions diffère selon les cas :

- L’acidogénèse des monosaccharides conduit à la production : de propionate (27%DCO), de butyrate (13%DCO), d’acétate (41%DCO) et d’H2 (19%DCO).

- L’acidogénèse des acides aminés conduit à la production : de propionate (5%DCO), de butyrate (26%DCO), de valérate (23%DCO), d’acétate (40%DCO) et d’H2 (6%DCO).

- L’acétogénèse des AGLC conduit à la production : d’acétate (70%DCO) et d’H2

(30%DCO).

La croissance de biomasses acidogènes responsables de la dégradation de chaque fraction biochimique est considérée. Les cinétiques de réactions définies répondent à des lois de type Monod qui considèrent une influence de la concentration en substrat et en biomasse spécifique sur la cinétique globale. Ces réactions sont susceptibles d’être inhibées en cas de pH trop faible ou de carence en azote ammoniacal.

Acétogénèse

Cette phase aboutit, à partir des différents AGV (butyrate, propionate, valérate), à la production d’acétate et d’H2. La croissance de deux biomasses acétogènes responsables de la dégradation du propionate, d’une part, et du valérate/butyrate, d’autre part, est considérée.

C’est également une cinétique du type Monod qui a été choisie pour représenter cette réaction.

Ces réactions sont susceptibles d’être inhibées en cas de pH trop faible, de carence en azote ammoniacal ou de concentration en hydrogène dissout trop élevée.

Méthanogénèse

Le modèle ADM1 prend en compte les deux voies de la méthanogénèse : acétotrophe et hydrogénotrophe. Des équations de type Monod sont utilisées pour décrire ces deux

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réactions parallèles et la croissance d’une biomasse méthanogène acétotrophe et d’une biomasse hydrogénotrophe sont considérées. Une inhibition de la méthanogénèse hydrogénotrophe est incorporée en cas de carence en azote ammoniacal ou de pH trop faible.

Concernant la méthanogénèse acétotrophe, une inhibition par l’ammoniac libre est en plus considérée.

Ainsi, la modélisation de toutes les étapes, exceptées celles d’hydrolyse et de désintégration, prend en compte l’influence de la concentration en biomasse. La croissance de celle-ci est liée à la consommation de substrat et son décès est modélisé selon une cinétique du premier ordre.

Les Tables 2 et 3 présentent la matrice de Petersen du modèle ADM1 et les différents paramètres du modèle sont définis en Table 4.

Pour modéliser un procédé de digestion anaérobie avec ADM1, deux étapes cruciales s’imposent afin que le modèle représente correctement les processus impliqués dans le procédé :

le fractionnement de la DCO totale des substrats : détermination de le composition du substrat en accord avec les variables d’état du modèle ADM1.

le calage des paramètres cinétiques : estimation des paramètres cinétiques les plus sensibles.

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Composé → i 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Vitesse du process

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Composé → i 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Vitesse du process

Table 3: Matrice de Petersen du modèle ADM1 (Batstone et al., 2002) (2)

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Paramètre Description Unité

Ci Teneur en carbone du composé i kmoleC/kgDCO

Ni Teneur en azote du composé i kmoleN/kgDCO

fproduit,substrat Rendement du produit par unité de substrat kgDCO/kgDCO

kdis Taux de dissociation j-1

khyd_ch Taux d’hydrolyse des polysaccharides j-1

khyd_pr Taux d’hydrolyse des protéines j-1

khyd_ch Taux d’hydrolyse des lipides j-1

kdec_X Taux de décès de la biomasse X j-1

km_su Taux maximal d’acidogénèse des sucres j-1 Ks_su Constante de demi-saturation des sucres kgDCO/m3

Ysu Rendement de l’acidogénèse des sucres kgDCObiom/kgDCOs km_aa Taux maximal d’acidogénèse des acides

aminés j-1

Ks_aa

Constante de demi-saturation des acides

aminés kgDCO/m3

Yaa Rendement de l’acidogénèse des acides

aminés kgDCObiom/kgDCOs

km_fa Taux maximal d’acidogénèse des AGLC j-1 Ks_fa Constante de demi-saturation des AGLC kgDCO/m3

Yfa Rendement de l’acidogénèse des AGLC kgDCObiom/kgDCOs

K_Ih2_fa Constante d’inhibition de l’acidogénèse des

AGLC par l’H2 kgDCO/m3

km_c4 Taux maximal d’acétogénèse des C4 j-1

Ks_c4 Constante de demi-saturation des C4 kgDCO/m3 Yc4 Rendement de l’acétogénèse des C4 kgDCObiom/kgDCOs K_Ih2_c4

Constante d’inhibition de l’acétogénèse des

C4 par l’H2 kgDCO/m3

km_pro Taux maximal d’acétogénèse du propionate j-1

Ks_pro Constante de demi-saturation du propionate kgDCO/m3 Ypro Rendement de l’acétogénèse du propionate kgDCObiom/kgDCOs

K_Ih2_pro

Constante d’inhibition de l’acétogénèse du

propionate par l’H2 kgDCO/m3

km_ac Taux maximal de méthanogénèse de l’acétate j-1 Ks_ac Constante de demi-saturation de l’acétate kgDCO/m3

Yac Rendement de méthanogénèse de l’acétate kgDCObiom/kgDCOs K_I_nh3

Constante d’inhibition de la méthanogénèse de

l’ammoniaque kmoleN/m3

km_h2 Taux maximal de méthanogénèse de l’H2 j-1 Ks_h2 Constante de demi-saturation de l’ H2 kgDCO/m3

Yh2 Rendement de méthanogénèse de l’ H2 kgDCObiom/kgDCOs Table 4 : Descriptions des paramètres du modèle ADM1 (Batstone et al., 2002 )

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4.2. Caractérisation des substrats pour ADM1

Le modèle ADM1 comporte 24 variables d’état qui sont décrites par la Figure 12. Toutes les fractions organiques sont exprimées en kgDCO.m-3.

Figure 12 : Représentation schématique des variables d'état du modèle ADM1 (Batstone et al., 2002).

Ainsi, la DCO totale de chaque substrat dont la dégradation est modélisée avec ADM1 doit être fractionnée entre les différentes variables d’état du modèle ADM1 susceptibles d’être présentes en quantité significative dans le substrat. Ces fractions sont au nombre de 13, c’est-à-dire l’ensemble des fractions présentées en Figure 12 exceptées les biomasses. Pour répartir la DCO totale des substrats dans les différentes variables d’état concernées, plusieurs méthodes existent et leurs concepts sont synthétisés dans la Table 5.

DCO totale

DCO soluble DCO particulaire

Sac

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Table 5 : Synthèse des principales méthodes utilisables pour déterminer les données d'entrée du modèle ADM1 en termes de Méthodes Données obtenues Données

nécessaires Points de discussion Exemples de

références Analyses

physico-chimiques Fractionnement de la matière organique

- difficultés pour convertir les données analytiques en DCO

- difficultés pour associer les fractions biodégradables à chaque fraction chimique - des expériences supplémentaires sont nécessaires pour estimer les cinétiques d’hydrolyse et la biodégradabilité du substrat

Lübken et al., 2007

- difficultés pour associer les fractions biodégradables à chaque fraction chimique - des expériences supplémentaires sont nécessaires pour estimer les cinétiques d’hydrolyse et la biodégradabilité du substrat

Kleerebezem et al.,

- en théorie, applicable à la plupart des substrats

- les paramètres expérimentaux peuvent influencer les résultats

- le fractionnement obtenu est un fractionnement cinétique qui nécessiterait d’être complété par un fractionnement biochimique pour aboutir à une caractérisation assez détaillée pour ADM1

- des paramètres cinétiques associés à la dégradation de chaque fraction peuvent être déterminés simultanément au fractionnement.

- l’influence des caractéristiques de la biomasse initiale doit être prise en compte.

Yasui et al., 2006 stations de traitement des eaux usées.

- des interfaces entre les modèles doivent être développées et utilisées pour convertir le fractionnement initial en fractionnement « type ADM1 »

- particulièrement applicable dans le cas de la modélisation globale d’une filière de

- applicable à la plupart des substrats

- détermination des fractions biodégradables possible - estimation simultanée des paramètres cinétiques possible

- adéquate pour la simulation d’un réacteur existant, éventuellement industriel.

- l’identifiabilité de l’ensemble des paramètres dépend des données analytiques et des variations observées sur le digesteur

Zak et al. dans Girault et al. 2009.

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4.3. Calage des paramètres cinétiques

Des paramètres cinétiques par défaut sont proposés par Batstone et al. (2002).

Cependant, ils ne sont pas forcément adaptés à chaque configuration et une étape de calage peut être nécessaire au cours du projet de modélisation. Pour cela, différentes méthodes ont été appliquées dans la littérature :

Calage sur des données statiques issues d’un digesteur continu (Boubaker and Ridha, 2006;Lübken et al., 2007; Wett et al., 2007). Dans ce cas, l’identifiabilité des paramètres est souvent faible du fait des faibles variations observées sur le digesteur et des corrélations entre paramètres stœchiométriques et cinétiques (Bernard et al., 2006).

Calage sur les résultats dynamiques d’un digesteur industriel continu ou non (Batstone et al., 2003; Kalfas et al., 2006). La qualité du calage dépend beaucoup de l’amplitude des variations observées sur le réacteur dont dépend l’identifiabilité des paramètres ajustés.

Calage sur les résultats dynamiques d’un digesteur continu dans lequel des pulses de substrats spécifiques ont été effectués (Batstone et al., 2003; Kalfas et al., 2006). Ce type de méthode peut permettre une bonne identifiabilité des paramètres calés mais elle nécessite de perturber le fonctionnement du réacteur, ce qui n’est pas toujours faisable à l’échelle du laboratoire et inenvisageable à l’échelle industrielle.

Calage sur les résultats dynamiques issus d’expérimentations batch spécifiques (Feng et al., 2006 ; Yasui et al., 2008 ; Girault et al., 2011). Ce type de méthode permet avec un minimum de coût et d’effort, de déterminer les paramètres de calage avec une bonne identifiabilité (durée assez courte, grande quantité de données expérimentales dynamiques). Cependant, la prise en compte de l’état initial des tests batch, notamment en termes de concentration des biomasses initiales est un point crucial qui peut être délicat.

En effet, l’impact des concentrations en biomasses initiales est très fortement corrélé avec celui des taux de croissance maximaux de ces dernières.

En conclusion, bien que le modèle ADM1 ait été publié il y a presque 10 ans, son utilisation reste délicate et sa complexité freine son utilisation en dehors d’un contexte de recherche. Pour qu’un tel modèle soit utilisable à des fins de dimensionnement et d’ingénierie, des développements méthodologiques sont notamment nécessaires pour permettre des procédures de calage et de définition des données d’entrée plus simples et plus standardisées et permettant d’intégrer des critères cinétiques.

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5. Interactions entre substrats dans les systèmes de co-digestion –

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