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Enjeux liés à la digestion anaérobie des co-substrats graisseux

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5. Interactions entre substrats dans les systèmes de co-digestion – exemple des co-substrats graisseux

5.3. Enjeux liés à la digestion anaérobie des co-substrats graisseux

Historiquement, beaucoup d’auteurs ont mis en évidence des problèmes au cours des procédés de digestion anaérobie impliquant des substrats graisseux. Les AGLC sont les principaux éléments supposés être à l’origine de ces problèmes. Les principaux phénomènes mis en évidence sont alors les problèmes d’inhibition par les AGLC sur les différents groupes microbiens du réseau trophique (Hanaki et al., 1981; Koster & Cramer, 1987; Rinzema et al.

1994) et les problèmes de flottation et de lessivage de biomasse (Rinzema, 1988; Hwu et al., 1998a, b).

Même si les principaux auteurs se focalisent sur les problématiques liées aux inhibitions par les AGLC, plusieurs mécanismes sont en fait responsables des problèmes rencontrés lors de la digestion des substrats graisseux conduisant à des accumulations d’AGLC dans les réacteurs (Pereira et al., 2005) :

L’adsorption des AGLC sur les parois des bactéries : lié au caractère hydrophobe des AGLC, ce phénomène serait la principale cause des inhibitions observées. En effet, une fois adsorbés sur la paroi, les AGLC affectent les fonctions de transport et de protection des membranes des bactéries et produisent un effet toxique. Néanmoins, ce dernier serait réversible. De plus, ce phénomène serait à l’origine de problèmes de flottation de biomasse observés sur les réacteurs. (Galbraith et Miller, 1973)

La précipitation des AGLC : en présence d’ions présentant deux valences positives (Mg2+, Ca2+,…) les AGLC peuvent précipiter, former des agrégats et décanter au fond du réacteur. En conséquence, ils ne sont plus que très faiblement accessibles aux micro-organismes anaérobies, ce qui réduit les rendements de dégradation des graisses et provoque des accumulations d’AGLC dans les digesteurs.

Le piégeage des AGLC insolubles dans ou sur les agrégats de biomasses, ce qui réduit l’accessibilité de ce dernier pour les biomasses anaérobies et peut aller jusqu’à encapsuler l’agrégat de biomasse, ce qui limite les possibilités d’échange de ce dernier avec les substrats présents dans le milieu réactionnel.

Ces principaux phénomènes sont résumés Figure 14.

CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

Figure 14 : Mécanismes d’accumulation des AGLC : a. Précipitation, b. Adsorption, c. Piégeage. (Représentation schématique de Pereira et al., 2005)

Les inhibitions observées à l’échelle du procédé sont souvent des chutes de rendements résultants de ces différents phénomènes. Ces phénomènes d’inhibition ont beaucoup été étudiés dans la littérature en utilisant notamment des AGLC commerciaux.

Comme le montre le Table 8, si quelques travaux ont mis en évidence des phénomènes d’inhibitions irréversibles, la plupart des résultats publiés souligne un phénomène d’inhibition réversible. En batch, ce caractère réversible se traduit par un temps de latence avant que la production de méthane ne commence.

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Origine de

Ac. oléique 0,2g/L Réversible

Batch,

Ac. stéarique 0,5g/L Réversible 1g/L Irréversible

lait (granulaire) IC50=1015mg/L

Boues granulaires

Réversible Batch, 37°C Acétate Alves et al., 2001

Table 8 : Synthèse des phénomènes d'inhibition par les AGLC observés dans la littérature en batch.

IC50 : Concentration en inhibiteur pour laquelle l’activité des micro-organismes anaérobies est diminuée de 50%

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Ces différentes références bibliographiques, et en particulier la diversité des seuils d’inhibition observés, illustrent bien la complexité des phénomènes d’inhibition liés aux AGLC. Il apparaît que les seuils d’inhibition observés sont fonction d’un très grand nombre de facteurs :

l’origine de la boue et sa structure physique (Hwu et al., 1996) l’état d’acclimatation de la boue

les AGLC considérés (Lalman et Bagley (2002) ont hiérarchisé les inhibitions sur la dégradation du butyrate comme suit : 300mg/L total AGLC> 100mg/L total AGLC >

100mg/L linoleic>100mg/L oleic>100mg/L stéarique) les seuils de concentration imposés

les teneurs en ions positifs divalents (Ca2+, Mg2+, …) avec lesquels les AGLC peuvent précipiter, ce qui a tendance à diminuer les seuils d’inhibition.

les conditions expérimentales mises en œuvre pour le test d’inhibition (température, agitation, …)

Ces problématiques d’inhibition ont également été étudiées sur des substrats réels afin de déterminer les ratios de mélange limites au-delà desquelles une inhibition est obtenue.

Ainsi, Broughton et al. (1998) observent, en batch mésophiles (inoculum traitant des déchets de viande ovine), une inhibition réversible des acidogènes par du suif de mouton pour un ajout de substrat représentant 55% des VS dans le flacon.

De plus, un effet de l’acclimatation a été observé sur les biomasses ayant été en contact avec des AGLC (Pereira et al., 2004 ;Palatsi et al., 2010). Cet effet d’acclimatation serait principalement lié à deux facteurs :

1) La croissance de micro-organismes capables de dégrader les AGLC (plus qu’à des évolutions au niveau de la composition de la communauté microbienne. En effet, Palatsi et al. (2010) ont montré que l’adjonction d’AGLC dans des digesteurs batch contenant un inoculum acclimaté aux effluents d’élevage n’avait pas d’influence sur la composition des groupes microbiens impliqués dans la méthanogénèse.).

2) Le temps nécessaire pour dégrader les AGLC présents et annuler l’effet d’encapsulement des biomasses. (Pereira et al., 2005).

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Au vu de ces résultats, la question de la transposabilité des résultats obtenus en batch à des phénomènes susceptibles d’impacter le fonctionnement d’un réacteur continu se pose.

Ainsi, quelques auteurs ont étudié ces phénomènes d’inhibition en conditions continues qui sont plus proches des conditions réelles. Les principaux résultats obtenus en CSTR sur la co-digestion de boues de station d’épuration avec des déchets graisseux sont résumés dans la Table 9.

Substrats Tempé

rature HRT OLR Ratios testés Principaux

résultats Référence

Table 9 : Synthèse des tests de co-digestion opérés sur le mélange boues de station d’épuration + déchet graisseux en CSTR.

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Des inhibitions sont observées en CSTR lors de la co-digestion de boues mixtes avec des co-substrats graisseux. Elles sont mises en évidence pour les forts taux de co-substrats graisseux. Ces résultats obtenus en CSTR sont très variables en termes de ratios de graisses maximaux au-delà duquel des inhibitions sont observées. Ceci est sans doute en partie lié aux différences en termes de configuration des digesteurs et de composition des substrats testés.

Ceci peut également être lié à des incertitudes analytiques liées aux difficultés inhérentes à l’analyse des composés graisseux. A titre d’exemple, la mesure de la Demande Chimique en Oxygène des graisses est souvent délicate et les valeurs obtenues peuvent parfois être incohérentes (supérieures à la théorie, coefficient de variation très important, …).

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