La méthanisation est un procédé biologique qui vise à produire, à partir de déchets organiques, un biogaz principalement composé de méthane et de dioxyde de carbone. Le biogaz peut être valorisé, entre autres, par cogénération pour produire une énergie renouvelable sous forme d’électricité et de chaleur. Cette technique induit également la production d’un résidu appelé digestat. La méthanisation s’est développée ou se développe sur quatre principaux secteurs producteurs de déchets ou de co-produits organiques (chiffres issus d’une étude commandité par l’Ademe et GrDF1) :
Le secteur des déchets ménagers : Le biogaz produit est issu de la dégradation de la fraction fermentescible des ordures ménagères. Il est produit soit dans les Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (301 sites en France dont 71 valorisant le
1 Ernst et Young pour Ademe et GrDF. 2010. Etude de marché de la méthanisation et des valorisations du biogaz. 142p.
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biogaz en 2010), soit dans les digesteurs installés dans les usines de traitement mécano-biologique (6 installations en 2010).
Le secteur industriel : La plupart des installations ont d’abord vocation à traiter la partie organique des effluents industriels. On comptait 88 unités de méthanisation industrielles en France en 2008. Dans la majorité des cas, le biogaz est valorisé pour produire de la chaleur qui est autoconsommée sur le site.
Le secteur du traitement des eaux usées urbaines : La méthanisation est appliquée aux boues mixtes (boues primaires + boues secondaires) de 74 stations d’épuration urbaines (chiffres de 2008). Le plus souvent, le biogaz est valorisé pour produire de la chaleur utilisée pour le procédé et le séchage des boues.
Le secteur agricole : La méthanisation est appliquée sur les effluents d’élevage (lisiers, fumiers) auxquels d’autres co-substrats organiques peuvent être ajoutés. Une douzaine d’installations étaient en fonctionnement en 2008, il y avait plus d’une centaine de projets réalisés ou en cours de développement en 2010. Le biogaz est quasiment exclusivement valorisé par cogénération.
Ce travail de thèse se focalise sur l’application de la méthanisation dans le secteur agricole et dans le secteur du traitement des eaux usées.
La filière associée à la méthanisation des boues d’épuration est présentée en Figure 1.
En France, l’ensemble des méthaniseurs digérant des boues d’épuration ont une capacité cumulée de 22 à 23 millions d’équivalents-habitants (EH)2. La plupart des digesteurs sont installés sur des stations d’épuration de taille importante (plus de 30 000EH). Dans ce contexte, la méthanisation est avant tout utilisée comme un procédé de réduction de la production de boues (entre 40 et 50% des matières volatiles sont dégradées3). Le biogaz produit est également une source d’énergie renouvelable et ce procédé est un moyen de stabilisation des boues. Pour les stations de tailles inférieures, l’absence de production de boues primaires associée à des contraintes de gestion des boues beaucoup moins fortes nécessite un modèle de développement de la méthanisation radicalement différent. Dans ce
2 Ernst et Young pour Ademe et GrDF. 2010. Etude de marché de la méthanisation et des valorisations du biogaz. 142p.
3 Camacho P. et Prévot C. dans Moletta R. 2008. La méthanisation, Tec & Doc, Lavoisier, 532p.
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cas, l’ajout de co-substrats permettant d’augmenter la production de biogaz semble être la voie la plus prometteuse pour assurer la rentabilité de la filière.
Figure 1: Insertion de la méthanisation dans la filière de gestion des boues d'épuration.
La filière de méthanisation appliquée au secteur agricole est présentée en Figure 2.
Dans ce cas, la méthanisation est avant tout une voie de production d’énergie renouvelable et de réduction des émissions de gaz à effet de serre au stockage des effluents4. Elle constitue également une voie de diversification économique pour les agriculteurs. Cependant, le faible potentiel méthanogène des effluents d’élevage (surtout pour les lisiers) engendre une productivité de la filière qui reste le plus souvent insuffisante pour rentabiliser les investissements. Ainsi, comme pour la méthanisation des boues issues de petites et moyennes stations d’épuration, l’ajout de co-substrats de plus fort potentiel méthanogène aux effluents d’élevage est nécessaire pour augmenter la production de méthane.
4 Béline F. dans Coop de France, FR CUMA. 2011. Guide pratique "Réussir un projet de méthanisation territoriale multipartenariale". Edition 2011. 237p.
Station d’épuration des eaux usées
Teneur en
Digesteur
Epandage
Compostage Incinération
Boues d’épuration
Digestat
Co-substrats
Epaississement Déshydratation
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Figure 2 : Insertion de la méthanisation dans la filière de gestion des effluents d'élevage.
Qu’il s’agisse de la méthanisation des boues d’épuration ou de la méthanisation des effluents d’élevage, la co-digestion s’impose donc comme voie d’optimisation de la rentabilité des filières. Dans ce cadre, afin d’identifier les principaux co-produits organiques utilisés en tant que co-substrats dans les unités de méthanisation, une étude statistique5 a été réalisée sur plus de 90 projets (en cours de réalisation ou réalisés) notamment subventionnés dans le cadre du Plan de Performance Energétique des exploitations agricoles de 2009. Si les données qui sont présentées ci-après sont spécifiques aux projets agricoles, les conclusions de cette étude sont transposables à la méthanisation des boues d’épuration d’un point de vue qualitatif.
Tous les projets étudiés sont construits sur le modèle de la co-digestion. La liste des co-substrats utilisés regroupe ainsi la plupart des déchets fermentescibles :
Déchets ou effluents agricoles : lisiers, fumiers, résidus de cultures, …
Déchets de collectivités : déchets verts, déchets des stations d’épuration (boues notamment), …
Déchets industriels : déchets ou co-produits d’industries agroalimentaires principalement.
5 Résultats publiés dans le cadre de cette thèse : Girault R., Béline F., Damiano A. 2010. Méthanisation : les premiers pas de la filière dans le secteur agricole. Environnement et techniques. N°300. p38-42.
Bâtiments d’élevage
Teneur en Digesteur
Epandage Lisiers - Fumiers
Stockage
Co-substrats
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Toutefois, les différents projets analysés peuvent être classifiés selon l’origine des substrats envisagés. Cette classification est présentée en Figure 3. Dans environ 20% des projets, seule la valorisation de substrats d’origine agricole est envisagée. Dans ce cas, les effluents d’élevage constituent une part importante du potentiel énergétique et contiennent en général une forte proportion de fumiers dont le potentiel énergétique est supérieur à celui des lisiers. Des déchets de cultures sont ajoutés (issues de céréales, pailles, déchets de cultures légumières ou fruitières, …) ainsi que la plupart du temps de l’ensilage d’herbe ou de cultures. A l’opposé, environ 30% des projets envisagent quant à eux le traitement conjoint de substrats issus de l’agriculture, des collectivités et de l’industrie. Dans ce cas, l’option cultures énergétiques est plus rarement retenue. Les autres projets, qui sont majoritaires, associent en général aux substrats récoltés sur l’exploitation un ou deux co-substrats issus de l’industrie ou des collectivités.
(données en % des projets recensés)
21%
22%
29%
28%
substrats agricoles
substrats agricoles + déchets industriels
substrats agricoles + déchets de collectivités
substrats agricoles + déchets de collectivité et industriels
Figure 3: Origine des substrats sur les unités de méthanisation agricoles en projet en 2009.
La nature des co-substrats envisagés a également été analysée et la fréquence d’utilisation de chaque catégorie de co-substrat est présentée en Figure 4, effluents d’élevages mis à part. Quatre catégories de co-substrats sont utilisées dans près de la moitié des projets : les déchets issus de l’industrie agro-alimentaire, les ensilages d’herbe ou de cultures vouées à être méthanisées (intercultures comprises), les déchets verts (tontes de pelouse principalement) et les déchets liés au stockage et à la transformation des céréales (fonds de silos, …). Les déchets de restauration occupent également une place importante même si les
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flux restent sans doute limités. Une à deux installations sur dix envisagent de traiter des déchets de stations d’épuration des eaux usées (boues principalement).
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
déchets d'industries agro-alimentaires ensilage d'herbe ou de cultures
dédiées/intercultures déchets verts déchets du stockage et transformation des céréales
déchets de restauration déchets de stations d'épuration résidus de cultures légumières
et fruitières résidus de grandes cultures
déchets de supermarchés biodéchets ménagers
Fréquence d'utilisation des catégories de substrats (% des projets recensés)
Figure 4: Fréquence d’utilisation des différentes sources de co-substrats potentiels.
Logiquement, les premières installations se tournent en priorité vers des co-substrats à forts potentiels méthanogènes et pour lesquels des filières de collecte existent. C’est par exemple le cas de nombreux déchets d’industries agro-alimentaires, et notamment les déchets graisseux que l’on retrouve dans près de la moitié des projets du fait de leur potentiel énergétique important. D’autres co-substrats sont difficiles à mobiliser faute de filières de collecte existante généralisée, c’est le cas pour les biodéchets ou les déchets des supermarchés. Pour d’autres co-substrats, la question de l’acceptabilité sociale et de la réglementation (notamment ICPE) entre en ligne de compte et peut limiter leur utilisation comme pour les boues de station d’épuration.
En ce qui concernent les substrats issus de l’industrie agro-alimentaire, comme le montre la Figure 5, près de 40% d’entre eux sont issus de l’industrie de transformation de la viande (abattoir, charcuterie, …). Viennent ensuite les activités de transformation de fruits et légumes puis l’industrie laitière (respectivement 25 et 20% des déchets industriels collectés).
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De manière plus anecdotique, certains projets envisagent l’utilisation de déchets issus d’autres filières : l’industrie du pain et de la pâtisserie/biscuiterie, l’industrie sucrière, …
38% fréquence de rencontre sur les projets utilisant des déchets industriels
Figure 5: Origine des co-substrats agro-industriels envisagés dans les projets étudiés.
Ainsi, les co-substrats envisagés pour augmenter la production de biogaz ont des origines et des propriétés très diversifiées. Devant une telle diversité, des questions de dimensionnement des filières se posent pour optimiser les investissements en fonction des co-substrats envisagés et de leurs propriétés. D’autre part, si la co-digestion est une des principales voies d’optimisation de la méthanisation, il est nécessaire d’en définir les conditions permettant d’optimiser la production de méthane des unités de méthanisation.