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2.3 Évaluation des modélisations de comportement

2.3.3 Modélisation d’essais de cisaillement simple cyclique

Tel que mentionné précédemment, NorSand a récemment été modifié par Jefferies et al. (2015) afin d’en améliorer les capacités de modélisation en conditions de cisaillement simple cyclique. Les auteurs ont ainsi proposé de prendre en compte l’effet supposé ramollissant de la rotation de la direction des contraintes principales sur le comportement du sol.

L’essai de cisaillement simple cyclique est un essai de laboratoire complexe, mais très utile pour la prédiction du comportement des sols en situation de chargement latéral. En effet, l’état des contraintes et des déformations admis dans cet essai se rapproche de ce que l’on pourrait retrouver in situ pour des conditions prévalant durant les tremblements de terre ou sous l’effet des vagues par exemple. En laboratoire, des anneaux de confinements (ou une membrane en latex renforcée d’un fil d’acier) assurent que l’échantillon de sol ne puisse se déformer radialement. Ce confinement mécanique garantit donc que l’essai s’effectue en conditions de déformations planes (ε̇𝑧 = 0), de même qu’axisymétriques (ε̇𝑥= ε̇𝑧 et σ̅̅̅̅̇𝑥 =

σ

̅̅̅̅̇𝑧), tel que montré schématiquement à la Figure 2-8. Durant l’essai de cisaillement simple,

la contrainte verticale totale est maintenue constante4 (σ̇

𝑦 = 0) et un incrément de

déformation de cisaillement (γ̇𝑥𝑦) est appliqué, entraînant une variation de la contrainte de

4 L’essai de cisaillement simple effectué en conditions non drainées en laboratoire est particulier.

Puisqu’aucun confinement cellulaire n’est appliqué sur l’échantillon, il est impossible de simplement fermer la valve de drainage pour assurer les conditions non drainées (comme pour un essai triaxial). La condition non drainée est plutôt assurée en faisant en sorte qu’aucune déformation volumétrique n’a lieu. Puisque les déformations radiales sont empêchées par les anneaux de confinement, il suffit d’empêcher toute déformation verticale de se produire pour assurer une déformation volumétrique nulle, et donc une condition non drainée. En faisant varier la contrainte verticale de manière à compenser les déformations verticales en voie de se produire (en augmentant la contrainte verticale si l’échantillon dilate ou en la diminuant si l’échantillon se contracte), il est possible de réduire les déformations verticales à zéro. Finalement, tel que proposé par Dyvik

et al. (1987), les variations de contrainte verticale correspondent à l’inverse des variations de pressions

interstitielles (𝑢̇ = −σ̅̅̅̅̇𝑦) qui se seraient développées si la condition non drainée avait été appliquée en fermant la valve de drainage du sol (en raison de la condition aux limites de contrainte verticale totale constante). Ces

cisaillement (τ̇𝑥𝑦). Lors d’un essai cyclique, l’incrément de déformation de cisaillement

change de direction lorsque la contrainte de cisaillement maximale visée a été atteinte.

Figure 2-8. Conditions aux limites d’un essai de cisaillement simple

Les modélisations NorSand en conditions de cisaillement simple cyclique publiées par Jefferies et al. (2015) ont été effectuées pour des essais de laboratoire réalisés sur le sable Fraser River. Ce sable uniforme provient du delta de la rivière Fraser en Colombie- Britannique. Ses principales caractéristiques physiques sont listées au Tableau 2-3.

Tableau 2-3. Caractéristiques physiques du sable Fraser River Caractéristiques Sable Fraser River

𝑒𝑚𝑖𝑛 0.62

𝑒𝑚𝑎𝑥 0.94

𝐷50 [µm] 271

% de fines [%] 0.8

Essai de cisaillement simple cyclique non drainé – Sable Fraser River lâche

Un essai de cisaillement simple cyclique non drainé sur sable Fraser River lâche est montré à la Figure 2-9, accompagné de la modélisation NorSand correspondante. Pour cette figure ainsi que pour les figures suivantes concernant les essais de cisaillement simple cyclique non drainé, le cheminement des contraintes est montré à la portion A) de la figure, la courbe

contrainte-déformation à la portion B), l’évolution de la pression interstitielle à la portion C) et, finalement, l’évolution des déformations en fonction de l’évolution de la pression interstitielle à la portion D). L’essai de laboratoire (courbe rouge) est ainsi comparé à la modélisation NorSand correspondante (courbe bleue). L’essai de cisaillement cyclique débute à une contrainte verticale de σ̅̅̅̅𝑦 = 100𝑘𝑃𝑎. Le ratio de cisaillement cyclique, défini

à l’Équation 2.37 est égal à 𝐶𝑆𝑅 = 0.10. Au fil des cycles de cisaillement, la pression interstitielle augmente, ce qui a pour effet de faire diminuer la contrainte effective verticale, et donc, plus généralement, le confinement. À mesure que le confinement de l’échantillon diminue, les déformations de cisaillement augmentent. Aux alentours de σ̅̅̅̅𝑦 = 28𝑘𝑃𝑎, le cheminement des contraintes traverse ce que Ishihara et al. (1975) ont appelé la « transformation de phase », où l’échantillon passe de la contraction à la dilatation. Il s’agit de la condition image où la dilatance est momentanément nulle 𝐷 = ε̇𝑣/ε̇𝑞 = 0. À ce moment, la pression interstitielle augmente rapidement, pour finalement atteindre la valeur de la contrainte verticale initiale à l’apogée de chaque cycle de cisaillement (Δu/σ̅̅̅̅𝑦,0 ≈ 1). Cette situation place l’échantillon en état de boulance (lorsque σ̅̅̅̅𝑦 ≈ 0) et de grandes déformations de cisaillement sont générées. La modélisation NorSand correspondante parvient à répliquer la génération des pressions interstitielles au fil des cycles de cisaillement grâce à l’inclusion dans la loi de comportement de l’effet ramollissant de la rotation de la direction des contraintes principales, tel que décrit précédemment. Au fil de l’essai, la direction des contraintes principales varie continuellement de 45° à −45° de manière sinusoïdale. Cette rotation engendre un écrouissage négatif (ramollissement) de la surface de plasticité de NorSand, ce qui génère finalement des déformations plastiques. La condition image est atteinte simultanément par NorSand et l’essai de laboratoire, mais, une fois ce stade franchi, NorSand ne parvient pas à simuler l’atteinte des conditions de boulance observées dans l’essai de laboratoire. NorSand se met plutôt à alterner les phases de chargement et de déchargement en retraçant continuellement le même cheminement des contraintes. Ainsi, les déformations de cisaillement modélisées par le modèle stagnent à des valeurs inférieures à ce qui est observé en laboratoire.

2.37

Figure 2-9. NorSand – Cisaillement simple cyclique non drainé – 𝐷𝑟 = 40% – 𝐶𝑆𝑅 = 0.10 –

Sable Fraser River (modifié de Jefferies et al., 2015)

Essai de cisaillement simple cyclique non drainé – Sable Fraser River dense

Une comparaison des résultats de laboratoire pour un essai de cisaillement simple cyclique non drainé sur sable Fraser River dense avec la modélisation NorSand correspondante est montrée à la Figure 2-10. Contrairement à l’essai sur sable lâche montré précédemment, le comportement cette fois observé tient de la mobilité cyclique, où l’accumulation des déformations de cisaillement se fait graduellement au fil des cycles. La pression interstitielle

CSR = τxy,cyc σy,0

mesurée en laboratoire augmente rapidement au début de l’essai, atteignant environ 50% de la valeur de la contrainte verticale initiale, puis augmente graduellement au fil des cycles, engendrant au passage des déformations de plus en plus importantes. Il faudra finalement environ une dizaine de cycles avant l’atteinte de conditions de boulance. NorSand, de son côté, montre une augmentation brusque de la pression interstitielle, mais celle-ci atteint sa valeur maximale dès le premier cyclique. Au cours des cycles suivants, la pression interstitielle modélisée ne dépassera jamais la valeur maximale atteinte dès le premier cycle. Les déformations prédites par le modèle stagnent ainsi à des valeurs bien en deçà de ce qui est mesuré en laboratoire. Comme pour l’essai sur sable lâche, une fois la condition image dépassée, NorSand répète exactement le même cheminement des contraintes au fil des cycles, produisant au passage le même niveau de déformation cycle après cycle.

Essai de cisaillement simple cyclique non drainé – Sable Toyoura lâche

Les deux modélisations NorSand précédemment étudiées pour le cisaillement simple cyclique ont été publiées par Jefferies et al. (2015) et ne concernaient que le sable Fraser River. Les capacités de modélisation de NorSand pour le sable Toyoura, un sable standard uniforme japonais, sont explorées ci-dessous. Les principales caractéristiques physiques du sable Toyoura sont indiquées au Tableau 2-4. Les essais de laboratoire étudiés ci-dessous ont été réalisés par Kiyota et al. (2008) à l’aide d’un appareil de cisaillement sur cylindre creux simulant les conditions prévalant durant le cisaillement simple. Une description détaillée de cet appareil est disponible plus loin dans ce chapitre.

Tableau 2-4. Caractéristiques physiques du sable Toyoura Caractéristiques Sable Toyoura

𝑒𝑚𝑖𝑛 0.597

𝑒𝑚𝑎𝑥 0.977

𝐷50 [µm] 170

Figure 2-10. NorSand – Cisaillement simple cyclique non drainé – 𝐷𝑟 = 80% – 𝐶𝑆𝑅 = 0.30 – Sable Fraser River (modifié de Jefferies et al., 2015)

Les résultats d’un essai de cisaillement simple cyclique non drainé sur sable Toyoura lâche sont comparés à la modélisation NorSand correspondante à la Figure 2-11(5). Similairement

au comportement observé en laboratoire pour le sable Fraser River lâche (Figure 2-9), NorSand est en mesure de générer l’accumulation de pression interstitielle mesurée en laboratoire pour le sable Toyoura. De nouveau, lorsque le cheminement des contraintes traverse la condition image (aux environs de σ̅̅̅̅𝑚 = 40𝑘𝑃𝑎), NorSand est incapable de

5 Les données relatives aux pressions interstitielles ne sont pas disponibles pour les essais de Kiyota et al.

continuer à générer l’accumulation de pression interstitielle subséquente qui mène éventuellement le sable Toyoura à produire de grandes déformations de cisaillement.

Figure 2-11. NorSand – Cisaillement simple cyclique non drainé – 𝐷𝑟 = 25% – 𝐶𝑆𝑅 = 0.17 –

𝐾ℎ = 1.0 – Sable Toyoura (données labo. : Kiyota et al., 2008)

Essai de cisaillement simple cyclique non drainé – Sable Toyoura dense

Finalement, le comportement observé en laboratoire pour un essai de cisaillement simple cyclique non drainé sur sable Toyoura dense est comparé à la modélisation NorSand correspondante à la Figure 2-12. De nombreux cycles de cisaillement sont cette fois nécessaires au sable Toyoura pour atteindre la mobilité cyclique. Éventuellement, les fortes surpressions d’eau atteintes mènent à la génération progressive de déformations de

cisaillement de plus en plus importantes. Encore une fois, NorSand est en mesure de générer correctement l’accumulation de surpression d’eau au fil des cycles. Cependant, à l’instar de l’essai de cisaillement simple cyclique non drainé sur sable Fraser River dense, la génération des pressions interstitielles plafonne éventuellement et empêche finalement la progression des déformations de cisaillement attendues.

Figure 2-12. NorSand – Cisaillement simple cyclique non drainé – 𝐷𝑟 = 50% – 𝐶𝑆𝑅 = 0.16 – 𝐾 = 1.0 – Sable Toyoura (données labo. : Kiyota et al., 2008)

Retour sur la performance de NorSand en conditions de cisaillement simple cyclique non drainé

Les quatre essais de cisaillement simple cyclique non drainé étudiés dans cette section ont démontré que NorSand était bel et bien en mesure de prédire l’augmentation graduelle des

pressions interstitielles au fil des cycles de cisaillement grâce à l’inclusion de l’effet ramollissant de la rotation de la direction des contraintes principales dans la formulation du modèle. Par contre, tous les essais étudiés ont aussi démontré l’incapacité de NorSand à générer les importantes surpressions d’eau (menant généralement à l’état de boulance) caractéristiques du passage de la condition image. Ces pressions interstitielles trop faibles prédites mènent en retour à des déformations prédites également trop faibles, puisque le confinement résultant des faibles pressions interstitielles demeure plus élevé.

Si NorSand était appelé à être utilisé pour prédire le comportement des sables sous sollicitations cycliques, il en résulterait assurément des déformations de cisaillement bien en deçà de ce qui devrait normalement être observé. Il importe de s’attarder aux raisons qui mènent à ces modélisations erronées.