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5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau

5.2 Modélisation cinétique

5.2.1 Période d’induction, premiers temps de latence

Les temps de latence tl1 (fig. 5.15) suivent une loi de puissance C−p où p = 1.8 ± 0.2 à l’inter-face a/e et p = 1.6 ± 0.6 à l’interl’inter-face h/e. Cela est proche d’une loi de puissance en C−2, signature de processus diffusif. En prenant comme mécanisme limitant l’adsorption diffusive des espèces am-phiphiles, la concentration superficielle d’excès en fonction du temps s’écrit de la manière suivante [23] :

Γ (t) =2C r

Dt

π (5.4)

Où C est la concentration d’isolat protéique en solution, D le coefficient de diffusion des espèces s’adsorbant à l’interface. Dans le cas de l’isolat de tournesol, on a montré par diffusion de la lumière, l’existence de deux populations, rapides et lentes (Drapide=35 ± 5 µm2/s, RH,rapide=6 ± 1 nm et Dlent=2.8 ± 0.4 µm2/s, RH,lent =77 ± 10 nm). Le nombre d’espèces de la population lente est né-gligeable devant celui de la population rapide, on suppose donc que la concentration superficielle d’excès est contrôlée par l’adsorption de la population rapide (section 3.2.2).

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 144 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 0 2 4 6 8 10 12 0.1g/L 0.05g/L 0.02g/L 0.01g/L 0.005g/L a/ e ( m N / m ) (mg/m 2 )

Fig. 5.14:Pression de surface en fonction de la concentration superficielle d’excès à l’interface air/eau. Le trait plein montre la concentration superficielle d’excès nécessaire à l’augmentation de la pression de surface, les pointillés correspondent aux incertitudes expérimentales de Γ pour Π = 0.5 mN/m. d’excès latente Γl1 correspondant à la quantité de matière minimale produisant une pression de surface non nulle. On peut évaluer cette quantité par les mesures de pression de surface et de concentration superficielle d’excès effectuées par ellipsométrie (fig. 5.11 (b)) en parallèle sur la même interface a/e uniquement. On ne peut donc pas évaluer la pertinence de ce modèle avec les mesures à l’interface h/e. Les mesures et interprétations suivantes ne concerne que l’interface a/e. Les mesures des temps de latence étant proche de Π = 0 mN/m, on évalue la concentration superficielle d’excès latente à la pression de surface Π = 0.5 mN/m car cette mesure est significativement supérieure à la sensibilité de la mesure qui est de 0.1 mN/m.

La figure 5.14 montre la pression de surface en fonction de la concentration superficielle d’excès à l’interface a/e. La pression de surface atteint Π = 0.5 mN/m lorsque la concentration superficielle d’excès atteint Γl1 =1.8 ± 0.2 mg/m2. L’incertitude est obtenue par la dispersion des courbes Π(Γ ). La modélisation du temps de latence s’écrit comme suit (provenant de l’eq. 5.4) :

tl1 = π D  Γl1 2C 2 (5.5)

Sur la figure 5.15, on observe que les temps de latence expérimentaux sont plus élevés que ceux pré-dits par le modèle diffusif (eq. 5.5) d’un ordre de grandeur. On peut définir un coefficient de diffusion apparent Da qui prend en compte une diminution de la diffusion dû à une barrière d’adsorption. Le coefficient de diffusion apparent s’écrit de la manière suivante [25] :

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 145 Avec εa l’énergie d’activation de la réaction d’adsorption (type loi d’Arrhenius), R la constante des gaz parfaits et T la température.

L’ajustement des données expérimentales donne Da =2.3 ± 0.5µm2/s. Cela correspond à une énergie d’activation par protéine de (1.4 ± 0.2)kBT à l’interface a/e. On remarque que ce coefficient de diffusion apparent est similaire à celui de la population lente Dlent= (2.8 ± 0.4)µm2/s.

Ainsi, la première étape d’adsorption des protéines à l’interface a/e apparaît guidée par la diffusion des protéines jusqu’à l’interface puis ralentie pendant l’adsorption.

Les mesures à l’interface h/e montrent des temps de latence plus courts qu’à l’interface a/e. On ne peut pas mesurer la concentration superficielle d’excès à l’interface h/e, ce qui empêche de faire une analyse similaire à celle effectuée à l’interface a/e.

5.2.2 Courbes maîtresses

L’ajustement des facteurs d’échelles avec la concentration en loi de puissance Cpoù p = 1.6±0.2 est proche d’une loi de puissance en C2. La démarche consiste à modéliser les facteurs d’échelle α (C) par le modèle d’adsorption diffusive (eq. 5.4) et d’évaluer les zones de la courbe maîtresse où le modèle diffusif est valable. Pour modéliser les facteurs d’échelle par le modèle diffusif, il est nécessaire de faire plusieurs approximations :

- A une valeur de pression de surface correspond une seule valeur de concentration superficielle d’excès, c’est à dire que la fonction Π(Γ ) est monotone.

- L’adsorption est irréversible comme on a pu le vérifier expérimentalement (fig. 5.13) par les expériences de lavage. Modèle diffusif t l 1 ( s ) C (g/L) C -2

Fig. 5.15:Temps de latence tl1 en fonction de la concentration, à l’interface a/e. Le trait foncé correspond au temps de latence prédit par le modèle diffusif (eq. 5.5) et le trait clair correspond à l’ajustement des mesures avec le coefficient de diffusion comme paramètre libre.

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 146 Les facteurs d’échelle αΠ qui ont servi à construire la courbe maîtresse en pression de surface permettent également la construction d’une courbe maîtresse en concentration superficielle d’excès, comme le montrent les graphiques de la figure 5.11, on peut donc écrire :

Γ (C, t) = Γ (Cre f,tre f) (5.7)

avec tre f = αt

Où Cre f et tre f correspondent respectivement à la concentration de la solution protéique et à l’âge de l’interface au moment de la mesure pour la courbe de référence (Cre f =0.1 g/L).

En combinant les équations 5.4 et 5.7 on obtient : 2C r Dt π =2Cre f r Dαt π (5.8) α =  C Cre f 2 (5.9) 10 -2 10 -1 10 0 10 1 10 2 10 -3 10 -2 10 -1 10 0 10 1 10 2 10 3 10 4 10 5 10 6 Modèle diffusif a/e h/e Lavage h/e C (g/L) C 2

Fig. 5.16:Facteurs d’échelles αΠ et αΓ en fonction de la concentration en isolat. Le trait plein correspond au modèle diffusif sans paramètre libre (eq. 5.9).

La figure 5.16 montre la correspondance entre le modèle diffusif et les mesures des facteurs d’échelle en fonction de la concentration d’isolat protéique en solution. Les facteurs d’échelle sont proches du modèle diffusif jusqu’à la concentration C = 0.1 g/L à l’interface a/e et C = 0.5 g/L à l’interface h/e. On peut donc identifier un régime d’adsorption contrôlé par la diffusion des protéines jusqu’aux pressions de surface des pseudo-plateaux. La juxtaposition des courbes n’est plus possible à partir de la sortie des pseudo-plateaux en pression de surface, donc pour des concentration d’isolat pro-téique en solution C ≥1 g/L à l’interface a/e et C ≥0.2 g/L à l’interface h/e. Cette impossibilité de

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 147 juxtaposition indique que la fin du pseudo-plateau est dépendant de l’âge de formation du film. Les temps d’entrée aux pseudo-plateaux (fig. 5.5) suivent les lois de puissance en C−p où p = 1.0 ± 0.2 à l’entrée des pseudo-plateaux à l’interface a/e, p = 1.6 ± 0.4 à l’interface h/e. Donc à l’interface a/e le processus n’est plus diffusif à l’entrée des pseudo plateaux mais est encore diffusif pour l’interface h/e. A l’interface h/e, les temps de latences à la sortie du pseudo-plateau suivent une loi de puissance en C−poù p = 0.7 ± 0.3, donc la sortie du pseudo-plateau correspond à un processus non diffusif. Ces pseudo-plateaux on permis d’identifier une pression de surface latente Πl2 qui est reportée sur les figures présentant les mesures de rhéologie interfaciale dilatationnelle (fig. 5.22). On remarque un lien entre ces pseudo plateaux et les processus de relaxation que l’on discutera.

5.2.3 Modélisation cinétique issue du profil optique

Les mesures des angles ellipsométriques en fonction du temps permettent d’obtenir l’évolution temporelle de la concentration superficielle d’excès. Le modèle diffusif (eq. 5.4) correspond à une évolution temporelle de la concentration superficielle d’excès en loi de puissance 12. Les données expérimentales visualisées en échelle logarithmique en fonction du temps n’évoluent pourtant pas en loi de puissance 12 malgré la correspondance des facteurs d’échelles servant à la construction des courbes maîtresses avec le modèle diffusif (fig. 5.16, fig. 5.11). Les mesures obtenues avec les concentrations d’isolat protéique en solution C comprises entre 0.02 et 0.2 g/L se rejoignent à un plateau temporel de concentration superficielle d’excès (Γm=3.0 mg/m2) qui peut correspondre à une saturation de l’interface. Cela a conduit à utiliser un modèle d’adsorption diffusive prenant en compte la saturation du film interfacial. Il s’écrit de la manière suivante [22] :

Γ (t) = Γm     1 − exp −2C Γm s Dt π     (5.10)

Où t est le temps, Γmla concentration de saturation du film interfacial, C la concentration des espèces en volume, D le coefficient de diffusion des espèces s’adsorbant à l’interface. Pour modéliser nos mesures on considère D = Drapideet C la concentration d’isolat protéique en solution.

La figure 5.17 montre la correspondance entre la modélisation par adsorption diffusive et les mesures. Le modèle est ensuite tracé pour de plus basses concentrations sans paramètre libre.

La modélisation de l’adsorption diffusive avec saturation est dans l’ordre de grandeur des mesures expérimentales. La concentration superficielle d’excès augmente à nouveau après un pseudo-plateau où Γ = Γm. Ce plateau temporel est d’autant plus court que la concentration en isolat protéique est élevée, il n’est plus visible pour C > 1 g/L. Cela correspond à une adsorption supplémentaire après le régime pseudo-stationnaire.

Dans le cas du lysozyme à l’interface a/e, par réflexion des rayons-X, la modélisation de la concentra-tion superficielle d’excès montre deux plateaux interprétés par la formaconcentra-tion d’une première couche

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 148 10 100 1000 10000 0.1 1 10 10g/L 3g/L 1g/L 0.2g/L 0.1g/L 0.05g/L 0.02g/L 0.01g/L 0.005g/L 2 m ( m g / m 2 ) t (s)

Fig. 5.17:Concentration superficielle d’excès en fonction du temps pour différentes concentrations d’isolat en solution, à l’interface a/e. Les lignes correspondent au modèle diffusif avec saturation (eq. 5.10) tracé à différentes concentrations d’isolat protéique en volume. La ligne horizontale en pointillés rouge correspond à 2Γm

interfaciale dense et d’une seconde couche moins dense, sous la première [38]. On remarque que la valeur correspondant à 2Γm, indiquée en pointillés (fig. 5.17), correspond à des pseudo-plateaux temporels visibles pour les mesures effectuées avec les solutions à 3 et 10 g/L d’isolat protéique en solution.

Les concentrations superficielles d’excès de latence Γl1 et de saturation Γm permettent respec-tivement d’évaluer l’aire moyenne occupée par une protéine lorsque que les protéines entrent en interactions et lors de la saturation de l’interface. On peut comparer le côté a du carré équivalent à l’aire par protéine et le rayon hydrodynamique en volume. Pour obtenir l’aire par protéine on utilise la masse molaire de l’hexamère de globulines de tournesol. La concentration superficielle d’excès latente Γl1 est obtenue expérimentalement à l’interface a/e (fig. 5.14). Cette dernière est également obtenue avec l’ajustement des temps de latence (fig. 5.2) par le modèle diffusif (eq. 5.5), aux deux types d’interface a/e et h/e. Les côtés des carrés équivalent aux aires protéique moyennes sont définis concentration superficielle d’excès latente alet à la saturation de la monocouhe am:

al1 = s Mw Γl1NA (5.11) am= r Mw ΓmNA (5.12)

Où Mw est la masse molaire de l’hexamère de globuline de tournesol (300 kDa fig. 2.25) et NA le nombre d’Avogadro.

al et am sont dans l’ordre de grandeur du diamètre hydrodynamique de la population rapide 2RH. Cela suggère que la déformation des protéines lors de l’adsorption est faible et que les protéines sont

5. Isolat protéique de tournesol aux interfaces air/eau et huile/eau 149 Tab. 5.1: Concentration superficielle d’excès latente et de saturation de la monocouche, côtés équivalents aux

aires protéique moyennes et diamètre hydrodynamique

Γl1 (mg/m2) Γm(mg/m2) al(nm) am(nm) 2RH(nm)

a/e 1.8±0.4 3.0 ± 0.2 17±1 13 ± 0.5 12 ± 2

peu compressibles avec la pression de surface, jusqu’à saturation de l’interface.