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3.4 Les oscillations γ Doradus : connaissances théoriques

3.4.3 Modélisation des étoiles γ Doradus : acquis et défis

La figure 3.13 reprend les étapes principales de la caractérisation astérosismique d’une étoile particulière, de son observation à l’établissement d’un modèle stellaire. Dans cette section, nous reviendrons sur chacune de ces étapes et mettrons en avant les spécificités liées à l’étude des étoilesγ Doradus.

La première étape consiste bien évidemment en l’observation de l’étoile choisie par spectroscopie et/ou photométrie. Une mesure instantanée d’un spectre dans une plage de longueurs d’onde donnée ou de la magnitude de l’étoile à travers différents filtres photo- métriques permet la caractérisation de ses paramètres fondamentaux : température effec- tive, magnitude, gravité de surface, champ magnétique, composition chimique de surface et vitesse de rotation projetée, etc. L’observation de l’étoile au cours du temps met en évidence sa variabilité, soit par effet Doppler sur les raies spectrales, soit par variation de l’intensité lumineuse. L’analyse fréquentielle de cette variabilité mène à la détermination des observables astérosismiques tels que les fréquences, amplitudes et phases des modes d’oscillation, les éventuels battements d’amplitudes de modes couplés. Cette analyse peut mener à des contraintes supplémentaires lorsque le nombre de modes détectés est suf- fisant, en détectant éventuellement les grandes et petites séparations des modes p, et le

period-spacing pour les modes g.

Une contrainte observationnelle supplémentaire est possible en cas d’identification des degrésℓ et des ordres azimutaux m des modes observés. Il existe deux méthodes permet- tant l’identification des modes. La première consiste à mesurer les rapports d’amplitudes photométriques et/ou spectroscopiques des modes de pulsation. Cela permet de sonder les variations de température et de gravité dues aux oscillations et de remonter de la sorte à l’identification du degréℓ des modes. La seconde est l’étude des variations des profils de raies et permet de remonter au champ de vitesses radiales en 3D et de retrouver le degré ℓ et l’ordre azimutal m de chacun des modes. Nous nous référons à la revue sur l’iden- tification des modes proposée par Telting (2008) pour plus de détails quand méthodes

Détection de pulsations Détermination des observables astérosismiques Identification des modes de pulsation

Code d’évolution stellaire

Code de pulsations stellaires (non-)adiabatiques Choix d’un modèle stellaire

Prédiction des modes de pulsation théoriques dans le

modèle consiéré

Figure 3.13 – Principe de la modélisation astérosismique d’une étoile.

spectroscopiques et à celle de Handler (2008) pour les méthodes basées sur la photo- métrie. Nous verrons dans le chapitre 7 que lorsque les observables astérosismiques se limitent à quelques fréquences uniquement, l’identification des modes est une contrainte indispensable à la modélisation d’étoiles.

Parallèlement à l’analyse astérosismique observationnelle, une fois les paramètres fon- damentaux de l’étoile ont été déterminés, des modèles stellaires peuvent être calculés à l’aide de codes d’évolution stellaire. Les modèles dépendent non seulement des ingré- dients physiques d’entrée de ces codes, mais également de la physique incluse dans ces derniers. Tous ne traitent pas des mêmes phénomènes liés à la physique stellaire et parfois complexes à traiter numériquement, tels que la diffusion et la lévitation radiative d’élé- ments chimiques, les processus non-standards comme la rotation (déformation, transport), le champ magnétique, la perte de masse, etc.

Lorsqu’un choix est arrêté sur les modèles stellaires rendant compte des observables physiques de l’étoile, l’utilisation d’un code de pulsations adiabatiques ou non-adiabatiques permet, dans le premier cas, de déterminer les fréquences des modes d’oscillation théo- riques de ces modèles, et dans le second de déterminer, entre autre, si ces modes sont rendus globalement instables par un mécanisme d’excitation. Une fois encore, tous les codes de pulsations stellaires ne sont pas équivalents, certains traitant l’approche adia- batique, d’autres pas, d’autres encore se limitant aux pulsations radiales, certains enfin considérant l’influence d’interactions entre des oscillations et, notamment, la convection et/ou la rotation, avec des approches plus ou moins complètes.

Les ´etoiles γ Doradus 67

Ce n’est qu’une fois que ces deux études parallèles ont été menées à terme que la comparaison entre les grandeurs théoriques et observationnelles peuvent être effectuées. Différentes méthodes sont possibles. Nous n’aborderons ici que celles ayant déjà été uti- lisées pour les étoilesγ Doradus.

– La première méthode est la méthode directe, qui consiste en la minimisation d’une fonction de mérite tenant compte soit uniquement des fréquences d’oscillation et de l’éventuelle identification des modes, soit considérant à la fois les paramètres astérosismiques et les paramètres physiques de l’étoile. C’est l’approche la plus couramment utilisée.

– Étant donné que les modes g d’ordres radiaux élevés sont dans le régime asympto- tique, il est également possible, lorsque le spectre des fréquences observées com- porte un nombre important de mode, de chercher des régularités entre leurs pé- riodes, qu’il serait possible d’ajouter comme contrainte à la minimisation de la fonction de mérite. Cependant, comme nous le verrons dans les chapitres 5 et 6, cette régularité est affectée par la présence d’un cœur convectif ou l’influence de la rotation sur les fréquences d’oscillation.

– Enfin, Moya et al. (2005) proposèrent une méthode, appelée la FRM pour "Fre-

quency Ratio Method", permettant d’obtenir des informations astérosismiques d’étoiles

γ Doradus montrant au minimum trois fréquences d’oscillation. Cette méthode s’appuie sur le fait que pour une étoile donnée, la théorie asymptotique au premier ordre permet d’écrire le rapport de deux fréquences d’oscillation de même ordre azimutal comme f2 f1 = n1+ 0.5 n2+ 0.5 ∗ √ ℓ2(ℓ2+ 1) ℓ1(ℓ1+ 1) . (3.9)

avec n l’ordre radial du mode considéré. Ainsi, la comparaison des rapports obser- vationnels aux rapports théoriques pour au moins trois fréquences permet d’aborder la modélisation des étoilesγ Doradus avec une méthode différente et complémen- taire à la méthode directe. Ces auteurs tinrent également compte de l’influence de la rotation sur les oscillations en implémentant l’approche perturbative de l’interaction rotation-pulsation au deuxième ordre dans leur méthode (Suárez et al. 2005). Enfin, l’analyse des minima de la fonction de mérite permet de déterminer le ou les modèles rendant le mieux compte des observables physiques et sismiques de l’étoile. Dans le cas où les modèles rendent mal compte des observation, il est possible d’être amenés à revoir la physique incluse dans les modèles considérés (mauvais paramètres d’entrée), dans le code d’évolution stellaire et/ou dans le code de pulsations (besoin de réévaluer le traitement de la physique incluse ou à inclure dans les codes numériques).

Nous ne reviendrons pas ici sur chacune des modélisations particulières d’étoiles γ Doradus présentées dans la littérature. Cependant, il en est quelques unes qu’il est important de rappeler du fait de leur approche particulière et/ou leurs résultats. Dupret et al. (2005b) s’essayèrent à la modélisation de cinq étoilesγ Doradus particulières et étu- dièrent plus particulièrement l’influence de la TDC sur la comparaison entre les rapports d’amplitude de modes observés dans différentes bandes passantes photométriques et ceux théoriques issus de leur code de pulsations non-adiabatiques MAD (Dupret 2001; Gri- gahcène et al. 2005), pouvant mener à l’identification du degréℓ du mode. Ils conclurent que les résultats obtenus avec la TDC sont bien plus en accord avec les observations que

ceux obtenus avec la FC. Rodríguez et al. (2006a) appliquèrent la FRM à la modélisation de laγ Doradus HD 218427 sans pour autant arriver à faire ressortir de tendance précise. Enfin, Moya et al. (2010b,a) utilisèrent également la FRM pour modéliser HR 8799 et contraindre la composition chimique interne et l’âge de cette étoile hôte d’un système pla- nétaire complexe. Cependant, le trop faible nombre de contraintes astérosismiques liées à cette étoile ne leur permet pas de déterminer de solution unique, comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre 7

En conclusion, si différentes pistes sont développées afin de modéliser des étoiles γ Doradus particulières et d’en contraindre la structure interne, il reste à effectuer un travail important en vue de traiter de manière consistante l’ensemble des phénomènes physiques liés à ces étoiles et, en particulier, la prise en compte des effets de la rotation sur la structure interne et sur les oscillations desγ Doradus.