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3.3 Les étoiles γ Doradus : contexte observationnel

3.3.2 Étoiles hybrides

Étoiles hybridesγ Doradus/δ Scuti

Si l’existence d’étoiles hybridesγ Doradus/δ Scuti est désormais bien établie, la ques- tion fut longuement débattue. En effet, dès la reconnaissance des γ Dor comme nouvelle classe d’étoiles pulsantes, certaines études se penchèrent sur le lien éventuel entre ces deux types d’étoiles. Breger & Beichbuchner (1996) étudièrent pour la première fois la possibilité d’étoiles hybrides en se posant la question suivante : "γ Doradus and δ Scuti

stars : cousins or twins ?". S’il ne confirmèrent pas d’étoiles hybrides, il montrèrent que

quelquesδ Scuti issues de la littérature présentent une variabilité à des fréquences com- parables à celles des étoiles γ Dor. Six ans plus tard, Handler et al. (2002) mirent en évidence la variabilité de l’étoile primaire du système double HD 209295 dans les deux gammes de fréquences nous intéressant mais montrèrent que la variation dans la gamme de fréquences des étoilesγ Doradus est due aux forces de marée exercées par la secon- daire. Handler & Shobbrook (2002) cherchèrent également des modes p dans 26 bona fide

Les ´etoiles γ Doradus 57 ou candidatesγ Dor, sans aucun résultat concluant.

Henry & Fekel (2005) découvrirent le caractère hybride de l’étoile HD 8801 (Teff = 7158 K). Ils observèrent six fréquences comprises entre 2.5 et 20 c/j dans cette étoile Am e faisant, a priori, pas partie d’un système binaire. La constante de pulsation Qi

log Qi = −6.456 + 0.1Mbol+ 0.5 log g + log Teff+ log Pi, (3.6)

permet de définir si un mode de fréquence donné est de typeγ Doradus (Q ≥ 0.23, cf. par exemple Handler & Shobbrook 2002) ouδ Scuti (Q ≤ 0.03, cf. par exemple Breger et al. 1999). Cette équation appliquée aux six fréquences de HD 8801 permit aux auteurs d’établir que :

– les deux fréquences les plus basses sont des modesγ Dor ( f ∼ 2.5 c/j), – deux fréquences sont clairementδ Scuti ( f ∼ 20 c/j),

– et deux fréquences sont situées entre les deux gammes de modes (∼ 8 c/j). Le caractère hybride de cette étoile fut confirmé par Handler (2009) (figure 3.8).

Un an plus tard, deux étoiles hybrides vinrent compléter la toute jeune classe des étoiles hybridesγ Doradus/δ Scuti. La variabilité de ces étoiles, HD 114839 et BD+18 4914, fut découverte dans les courbes de lumières de MOST par l’équipe canadienne en charge de cette mission spatiale (King et al. 2006; Rowe et al. 2006). L’étoile HD 114839 est éga- lement une étoile Am (Pribulla et al. 2009) présentant quinze fréquences dans les mêmes gammes que HD 8801, soit des fréquences autour de 2, 8 et 20 c/j. L’étoile BD+18 4914 montre quant à elle six fréquences dans la gamme de modesγ Dor et dix fréquences entre 7 et 16 c/j. Le caractère Am de cette étoile fut confirmé par Hareter et al. (2011). Ces auteurs émirent d’ailleurs l’hypothèse d’un éventuel lien entre le comportement hybride et les particularités chimiques de type Am sans trouver de tendance particulière sur un si faible échantillon (trois étoiles).

HD 49434, cible du premier long programme d’observation du satellite CoRoT (LRa1), fut proposée comme étoile hybride par Uytterhoeven et al. (2008) qui déterminèrent un en- semble de onze fréquences entre 0.2 et 12 c/j. Cependant, cette étoile est possiblement un rotateur rapide (3. sin i = 87 km.s−1, 3rot = 234 km.s−1selon la fréquence identifiée comme fréquence de rotation par Uytterhoeven et al. 2008) et toutes ses fréquences peuvent être expliquées par le splitting rotationnel de modes g (Bouabid et al. 2009 - cf. annexe B, et chapitre 6).

Enfin, Ripepi et al. (2011) analysèrent l’étoile CoRoT 102699796, observée dans le "champ exoplanètes" durant le programme d’observation LRa1. Cinq fréquences entre 3.32 et 6.80 c/j furent détectées. Ils avancèrent la possibilité que cette étoile fasse partie de la classe Ae de Herbig et oscille avec des pulsations hybridesγ Dor/δ Scuti. Cependant, il est surprenant que ces fréquences soient toutes supérieures à celles typiquement attendues dans des étoilesγ Dor. En cas de confirmation, cette étoile serait la première étoile PMS de type Ae de Herbig présentant de telles oscillations.

Avec les missions spatiales telles que CoRoT et Kepler, le nombre de candidates hy- brides augmente de manière exponentielle. Hareter et al. (2010) déterminèrent l’existence de 25 candidates hybridesγ Dor/δ Scuti dans le "champ exoplanète" du satellite CoRoT, durant le seul programme LRa1. Les observations continues du satellite Kepler permirent également la découverte d’étoiles candidates A et F semblant présenter à la fois des os- cillationsγ Dor et δ Scuti. À ce jour, plus de 250 candidates hybrides sont recensées dans

Figure 3.8 – Exemple de spectre d’une étoile hybride γ Dor/δ Sct : fenêtre spectrale et spectre de fréquences issus des courbes de lumières de HD 8801. Figure issue de Handler (2009).

les données Kepler (Catanzaro et al. 2011; Grigahcène et al. 2010b; Uytterhoeven et al. 2011). Étant donné ce grand nombre de candidates, deux sous classes d’hybrides ont été établies :

– les γ Doradus/δ Scuti, dont la fréquence d’amplitude maximale se situe dans la gamme de fréquences des modes g d’ordres radiaux élevés (< 5c/ j),

– les δ Scuti/γ Doradus, dont la fréquence d’amplitude maximale se situe dans la gamme de fréquences des modes g d’ordres radiaux faibles et des modes p (> 5c/ j), Si un grand nombre de ces candidates hybrides venaient à être confirmées, une véritable étude statistique du phénomène pourrait être menée, et confirmer ou infirmer le lien entre ce comportement sismique et certaines caractéristiques physiques de ces étoiles, telles que leurs particularités chimiques, leurs températures effectives ou encore leurs vitesses de rotation.

Les ´etoiles γ Doradus 59 Étoiles hybridesγ Doradus/type solaire

Comme nous l’avons souligné dans la section 2.8, les oscillations de type solaire sont théoriquement attendues dans toutes les étoiles ayant une enveloppe convective. Cepen- dant, à ce jour, aucune oscillation de ce type n’a encore été observée dans une étoileγ Dor. Christensen-Dalsgaard & Frandsen (1983), puis Houdek et al. (1999) estimèrent les amplitudes théoriques des oscillations excitées de manière stochastique dans des modèles stellaires de séquence principale entre 0.8 et 1.8 Mpour la première étude et entre 0.9 et 2 Mpour la seconde. Les résultats de ces deux études concordent : l’amplitude théorique des oscillations stochastiques augmente avec le rapport L/M de l’étoile jusqu’à M = 1.6 M(type spectral F2), soit en plein dans la gamme de masses des étoilesγ Dor, avant de décroître pour des étoiles plus massives. Ils expliquèrent ce lien entre l’amplitude et la masse par la forte dépendance du taux de génération de bruit acoustique au nombre de Mach turbulent Mt, maximum pour une masse de 1.6 M⊙.

Antoci et al. (2011) découvrirent des oscillations stochastiques dans laδ Scuti HD 187547 observée en continu durant trente jours par le satellite Kepler. Ils identifièrent cette étoile comme une étoile Am de température effective Teff = 7500 ± 250 K tournant lentement (3. sin i = 10.3 ± 2.3 km.s−1). Le diagramme échelle de cette étoile montre une grande séparation de l’ordre de∆ν = 40.5 ± 0.6 µHz (≃ 3.5 c/j) et une fréquence dominante de mode stochastique à 682µHz8(≃ 58.9 c/j) alors que le mode δ Scuti dominant se situe à une fréquence de 251µHz (≃ 21.7 c/j).

Plus récemment encore, Guzik et al. (2011) étudièrentθ Cygni, étoile la plus brillante du champ d’observation de Kepler, observée par ce satellite durant 90 jours de juin à septembre 2010, mais pour des raisons techniques, seuls 42 jours d’observation ont put être utilisé lors de l’analyse fréquentielle. Cette étoile de type F4 (Teff = 6745 ± 150 K), c’est à dire située du côté rouge de la bande d’instabilitéγ Dor présente des oscillations de type solaire dans la gamme de fréquences 103-216 c/j. Bien que des modes g excités soient prédits dans des modèles rendant compte des propriétés physiques de cette étoile, aucun ne fut détecté.

La qualité des données issues du satellite Kepler aidera grandement à la détection de telles étoiles A et F présentant à la fois des modesγ Doradus, δ Scuti et/ou stochas- tiques de type solaire permettant ainsi de sonder l’ensemble de la structure de l’étoile, des couches les plus internes jusqu’à l’enveloppe convective.

Étoiles hybridesγ Doradus/roAp

Récemment, Balona et al. (2011) analysèrent l’étoile A5p KIC 8677585 observée par le satellite Kepler. Ils mirent en évidence le caractère roAp de cette étoile pour laquelle de nombreuses fréquences autour de 140 c/j ont été observées. De plus, une fréquence est clairement présente à 3.142 c/j. La faible vitesse de rotation projetée de cette étoile (3. sin i = 4.2 ± 0.5 km.s−1) exclue la possibilité que cette fréquence soit sa fréquence de rotation. Ils émirent alors l’hypothèse d’une oscillation de typeγ Doradus. Toutefois, cette fréquence unique peut être également due à la force de marée induite par un com- pagnon très peu brillant. Deux autres étoiles issues des données Kepler, classées comme Ap, montrent également des oscillationsδ Scuti et γ Doradus. Cependant, leur caractère

chimique particulier n’est pas confirmé à ce jour. De telles observations pourraient ame- ner à la révision des modèles astérosismiques d’étoiles roAp, à condition bien sûr que le caractère Ap des candidates soit confirmé.