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6.4 Influence de la rotation sur les oscillations d’un modèle stellaire

6.4.1 Évolution de la période des modes de pulsation

L’équation (2.76), décrivant l’expression asymptotique de la période d’un mode g d’ordre radial élevé dans une étoile avec un cœur et une enveloppe convectifs, peut s’écrire dans le cadre de l’approximation traditionnelle de la rotation comme

Pco(n)≃ π2 √ λkmr1 r0 N rdr (2n+ 1), (6.20)

avec Pco la période du mode dans le référentiel comobile. La mise en parallèle des ré- sultats issus de nos calculs rigoureux avec cette expression asymptotique nous permettra d’interpréter les tendances observées dans cette section.

La figure 6.2 présente les périodes d’oscillation du modèle dans le référentiel comobile en fonction du rapport de la fréquence de rotation angulaire sur la fréquence de rotation

Effets de la force de Coriolis sur les modes de gravit´e 141

Figure 6.4 – Comparaison de l’évolution des périodes dans le référentiel inertiel pour les modes instables de degréℓ = 1 en fonction de la rotation pour les approximations traditionnelle (courbes continues) et perturbative au premier ordre (courbes discontinues). Chaque panneau représente une valeur donnée du couple (ℓ, m).

Effets de la force de Coriolis sur les modes de gravit´e 143 angulaire critique (Ω/Ωc). Notons que la multiplication de l’axe des abscisses parΩcR (cf.

tableau 6.1) donne la vitesse équatoriale correspondante. Chaque courbe correspond à un mode particulier et l’épaisseur de ces courbes indique si le mode est stable (courbe fine) ou instable (courbe épaisse) par rapport au mécanisme d’excitation des étoilesγ Dor. Pour Ω = 0, les modes sont dégénérés selon leur ordre azimutal m. Lorsque la rotation entre en jeu, la dégénérescence est levée par un splitting rotationnel non linéaire et les périodes de pulsations de tous les modes, excepté les modes progrades sectoriels (PS, m< 0), tendent à décroître à mesure que la rotation augmente. Notons que cette évolution des périodes est également valable pour les modes zonaux (m= 0) alors que la théorie perturbative au premier ordre prédit une invariance de leurs périodes de pulsation.

Afin de déterminer l’importance de la force de Coriolis sur la propagation d’un mode donné, nous pouvons comparé sa longueur d’ondeλ au rayon de Rossby (cf. par exemple Gill 1982) Rr = c 2Ω , (6.21)

où c est la vitesse de phase de l’onde. Ce rayon, mesure de la distance de propagation de l’onde durant une période de rotation, est l’échelle de longueur fondamentale sur laquelle la force de Coriolis se fait sentir. Siλ est plus grande que cette échelle, la dynamique de l’onde est dominée par la force de Coriolis, qui devient une force de rappel à part entière. À l’inverse, siλ < Rr, cette force n’aura qu’une contribution à la force de rappel de l’onde,

dominée par la poussée d’Archimède. Le régime dans lequel la dynamique des modes est dominée par la force de Coriolis est couramment appelé "régime inertiel". La longueur d’onde et la vitesse de phase azimutales d’un mode étant respectivement données par λ = 1/m et c = −ωco/m, la force de Coriolis domine la dynamique du mode dès que la condition ν = ω2Ω co > 1, (6.22) ce qui équivaut à Pco ≥ π/ Omega. (6.23)

Dans la figure 6.2, la limite de ce régime est représentée par la courbe pointillée épaisse. Dans cette configuration, des modes changent de nature et deviennent des modes gravito- inertiels. Dintrans & Rieutord (2000) montrèrent que dans un modèle sphérique, les modes gravito-inertiels de fréquence adimensionnelleωco se propagent uniquement dans les ré- gions où

Γ = r2ω co

(

N2+ 4Ω2− ω2co)− (2ΩNz)2, (6.24)

où r et z définissent les coordonnées cylindriques radiale et verticale. Cette relation im- plique que lorsque ωco < Ω, une latitude critique θc = arcsin[ωco/(2Ω)], au-delà de la- quelle les modes ne peuvent plus se propager, apparaît. Ainsi, contrairement aux modes purement gravitationnels, ces modes peuvent se propager dans les régions convectives, mais ne peuvent pas explorer les régions polaires, et la taille angulaire de cette zone "in- terdite" augmente avecν. Lorsque Ω → 0, cette condition limite de propagation revient à la condition classiqueωco < N.

Rappelons que la fréquence de l’oscillation dépend de la force de rappel sur les élé- ments déplacés, soit la force d’Archimède dans le cas d’une étoile statique (cf., par

exemple, Lighthill 1987). Lorsque la rotation entre en jeu, l’intensité de la force de rap- pel est augmentée par la force de Coriolis, générant un accroissement de la valeur propre λkm, et donc une diminution de sa période. L’importance de cette diminution dépend de la

période de pulsation du mode et de la vitesse de rotation de l’étoile. Townsend (2005a) obtient des résultats similaires en appliquant l’approximation traditionnelle de la rotation à des modèles stellaires d’étoiles SPB. Il explique la compression de la gamme de pé- riodes comme étant due à la dépendance de l’effet de la force de Coriolis au paramètre ν (équation (6.22)). Par conséquent, les modes de plus longues périodes sont plus fortement influencés que ceux de périodes plus petites, menant ainsi à une augmentation de la den- sité de modes à mesure que la vitesse de rotation de l’étoile croît.

Cependant, cette analyse ne fonctionne pas pour les modes PS. Dans ce cas particu- lier, l’intensité de la force de Coriolis est également liée à la valeur du paramètreν mais, lorsque la rotation entre en jeu, ces modes endossent le même type de comportement que les ondes de Kelvin (Gill 1982; Unno et al. 1989; Townsend 2003a). Les modes de Kelvin, tout comme ceux de Rossby, sont générés par la conservation de la vorticité spécifique. Ils sont entre autre caractérisés par l’équilibre géostrophique, défini par l’équilibre entre la force de Coriolis provenant des mouvements de fluide azimutaux et le gradient de pression (cf., par exemple, Gill 1982; Rieutord 1997). Étant donné cet équilibre, la force de rappel n’est pas influencée par la force de Coriolis de la même manière que dans le cas des modes non-PS. Cela se traduit non pas par une augmentation des valeurs propres (diminution des périodes) lorsque la rotation augmente, mais par une légère diminution (augmentation) de ces dernières à faible rotation, suite à quoi les valeurs propres tendent vers des asymp- totes horizontales (cf. figure 6.1, k= 0). Suivant le comportement des valeurs propres, les périodes des modes PS croissent lentement et tendent asymptotiquement vers des valeurs constantes à mesure que la rotation augmente.

Les périodes de pulsations dans le référentiel inertiel, c’est à dire celui d’un observa- teur extérieur, peuvent s’écrire en fonction des périodes dans le référentiel comobile

Pin =

Pco 1− mPco

P

, (6.25)

où Pin est la période de pulsation dans le référentiel inertiel et PΩ la période de rotation de l’étoile. La figure 6.3 présente l’évolution des périodes d’oscillation en fonction de la rotation dans le référentiel inertiel. Le comportement des périodes observées peut être facilement expliqué en se basant sur l’équation (6.25). Dans le cas des modes zonaux, le dénominateur de cette équation est égal à 1 et les périodes ne sont pas influencées par le changement de référentiel. Dans le référentiel comobile, les périodes des modes progrades non-sectoriels diminuent lorsque la fréquence de rotation augmente tandis que celles des modes progrades sectoriels augmentent mais tendent très rapidement vers des asymptotes horizontales. Étant donné la valeur négative de l’ordre azimutal, le dénomi- nateur de l’équation (6.25) devient supérieur à 1 lorsque l’étoile est en rotation, ce qui entraîne une diminution de la valeur des périodes des modes progrades à mesure que la rotation augmente. Le cas des modes rétrogrades est moins évident car leur variation n’est pas uniforme lorsque la rotation augmente. En observant les modesℓ = 2, m = 1 sur la figure 6.3, il est possible de définir trois régimes pour trois gammes de rotation.

Effets de la force de Coriolis sur les modes de gravit´e 145 Tout d’abord, les périodes sont croissantes pour de faibles fréquences de rotation, suite à quoi elles atteignent un plateau horizontal avant de croître à nouveau fortement. Ces régimes sont explicables en reformulant l’équation (6.25) à partir de l’équation (6.20) et de l’expression du paramètreν Pin ∝ 1 √ λ(1− mν2), (6.26)

où le facteur √λ−1vient de l’expression de Pco et le facteur 1−m1 ν

2 est dû au changement

de référentiel. Alors que le premier facteur diminue continuellement à mesure queν aug- mente (c’est à dire que la rotation augmente pour un mode donné ou que la période de pulsation augmente pour une rotation donnée), le second est une fonction croissante deν avec une asymptote verticale pourν = 2. Dans le premier régime, l’effet de changement de référentiel domine le comportement des périodes de pulsations inertielles. Cet effet est ensuite contrebalancé par la diminution de Pco dans le deuxième régime. Enfin, dans le troisième et dernier régime, le facteur provenant du changement de référentiel tend vers une asymptote verticale et domine entièrement le comportement de l’équation (6.26), en- gendrant ainsi une augmentation significative de Pin. Les modes rétrogrades présentent également une autre particularité : comme nous pouvons le voir dans le cas des modes (ℓ, m) = (2, 2), des périodes décroissantes avec la rotation apparaissent à partir d’une certaine fréquence de rotation. Les périodes de ces modes sont en fait décalées vers des valeurs négatives dans le référentiel inertiel (mν/2 < 1). Dans la figure 6.3 ces périodes restent positives puisqu’un observateur observe la valeur absolue de ces dernières.

La figure 6.4 compare l’approximation traditionnelle et la méthode perturbative au premier ordre dérivée par Ledoux (1951) en présentant l’évolution avec la rotation des périodes de modes instables de degré ℓ = 1 dans le référentiel inertiel pour les deux approximations. Quel que soit l’ordre azimutal considéré, les différences entre les deux approximations sont plus prononcées pour les modes d’ordres radiaux plus élevés pour lesquels la force de Coriolis a un poids plus important dans l’équation de conservation du mouvement. Pour les modes d’ordres radiaux plus faibles, les deux approximations donnent des résultats comparables pour des rotations très faibles (de l’ordre de 10% de la fréquence de rotation critique dans le meilleur des cas, pour les modes zonaux d’ordres radiaux faibles).