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2.3 Modélisation de la rupture

2.3.2 Modèles de remplacement de grains

Dans un premier groupe de modèles, la rupture se produit lorsqu’un seuil de contrainte ou de force est atteint. À la rupture, le grain, considéré à la base comme un seul objet, est remplacé par un ensemble de grains de dimensions inférieures. Le critère (quand le grain

casse) et le mode (comment le grain casse) de rupture diffèrent d’un modèle à l’autre. Åström et Hermann [Åström and Herrmann, 1998] ont proposé deux critères de rup-ture (A) et (B) et deux modes de ruprup-ture (I) et (II) en 2D (disques) (figure 2.25) :

le critère de rupture (A) indique la rupture quand une valeur limite prédéfinie de la contrainte est atteinte dans le grain. Le critère de rupture (B) indique la rupture quand la force maxi-male de compression sur le grain atteint une valeur limite prédéfinie.

Concernant les modes de rupture, le mode (I) consiste à diviser le grain en deux fragments de taille identique, mais ce mode génère de fortes pressions locales n’ayant pas de signifi-cation physique. Dans le mode (II), le grain cassé est remplacé par 12 fragments de trois tailles différentes placés dans la surface du grain cassé, et le reste de la masse est placé à l’extérieur de cette surface dans les vides entre les grains voisins. Dans ce cas, le problème de pressions locales est évité.

Figure 2.25 – Rupture de grains selon le critère de rupture (A) a) suivant le mode de rupture (II) et b) suivant selon le mode de rupture (I) [Åström and Herrmann, 1998]

Tsoungui et al. [Tsoungui et al., 1999] ont considéré un grain en forme de disque sou-mis à un système arbitraire de forces de contact, et ont réduit ce système à deux couples de forces Fmaxet Fminéquivalents (figure 2.26). Le grain casse alors quand la contrainte de traction induite par ces couples de force dépasse une contrainte critique prédéfinie.

Ils ont choisi le mode de rupture proposé par Drlik [Drlik, 1987] : le grain cassé est rem-placé par 12 fragments de quatre tailles différentes placés à l’intérieur de la surface initial du grain (figure 2.27). Afin de conserver la masse, ils ont adopté la méthode proposée par Åström et Hermann [Åström and Herrmann, 1998] qui consiste à placer le reste de la masse dans les vides entre les grains voisins.

Figure 2.26 – Système arbitraire de forces de contact réduit à deux couples de forces équivalents [Tsoungui et al., 1999]

Figure 2.27 – a) Rupture de grains dans le cas d’un matériau fragile, b) mode de rupture proposé pour les simulations numériques[Tsoungui et al., 1999]

Lobo-Guerrero et Vallejo [Lobo-Guerrero and Vallejo, 2005] ont proposé le critère de rupture simplifié suivant :

1. seul les grains avec un nombre de coordination inférieur ou égal à 3 peuvent casser 2. le chargement sur un grain (figure 2.28(a)) est considéré équivalent à celui d’un essai brésilien (figure 2.28(a’)). La contrainte de traction induite peut être obtenue à l’aide de l’équation dans la figure 2.28(a’), avec P1la valeur de la force de contact la plus grande, L l’épaisseur du disque (dans ce cas l’unité), et D le diamètre du disque.

3. la résistance à la traction d’un grain de diamètre d’1 mm σmax1 mm est prédéfinie. La résistance à la traction d’une particule de rayon r (en mm) est :

σmax(r) = σmax1 mm[r]−1 (2.25) 4. toute particule ayant un nombre de coordination inférieur ou égal à 3 peut casser si

σt > σmax(r)

Un grain qui casse est remplacé par 8 grains de 3 tailles inférieures différentes (figure 2.28(c)).

Figure 2.28 – Mode de rupture d’un grain [Lobo-Guerrero and Vallejo, 2005]

Khalkhali et al. [Bagherzadeh-Khalkhali et al., 2008] ont proposé de simuler des grains anguleux 2D dans le cas d’un essai biaxial, en utilisant une méthode de couplage éléments discrets - éléments finis. L’ensemble des grains est simulé en tant qu’un assemblage d’élé-ments discrets. À chaque étape, une analyse contrainte-déformation à l’intérieur de chaque grain par la méthode des éléments finis permet de déterminer le mode et le chemin de rup-ture (figure 2.29). À la ruprup-ture, un grain est divisé suivant le chemin de ruprup-ture et remplacé par deux grains. Les simulations ont montré que la rupture des grains est la plus impor-tante dans les bandes de cisaillement (figure 2.30), et que la rupture des grains réduit les anisotropies lors de la compression biaxiale.

Figure 2.29 – Surfaces de rupture a) en traction et b) en cisaillement [Bagherzadeh-Khalkhali et al., 2008]

Figure 2.30 – Assemblage de particules soumis au cisaillement, a) particules à la ruptures, b) trajectoires des particules [Bagherzadeh-Khalkhali et al., 2008]

Ben-Nun et Einav [Ben-Nun and Einav, 2010] ont comparé en 2D la moyenne ¯Fn des composantes normales des forces de contact à la force critique Fcrit prédéfinie du grain, avec : ¯ Fn = 1 Nc Nc X c=1 Fn(c) (2.26)

où Nc : le nombre de coordination du grain. Le grain casse quand ¯Fn dépasse Fcrit.

Concernant le mode de rupture, Ben-Nun et Einav [Ben-Nun and Einav, 2010] ont consi-déré deux étapes de rupture, dans le but de conserver la masse (figure 2.31) :

1. remplacement du grain cassé par un certain nombre de grains plus petits, avec une rotation aléatoire, sans interpénétrations

2. élargissement du rayon des fragments pour obtenir de nouveau la masse initiale

Figure 2.31 – Les étapes de rupture d’un grain [Ben-Nun and Einav, 2010]

Dans le modèle 3D de McDowell et De Bono [McDowell and De Bono, 2013] (figure 2.32), les nouvelles sphères se chevauchent suffisamment pour ne pas dépasser les limites de la sphère initiale, la direction de l’axe joignant leurs centres étant celle de la contrainte principale mineure. Cela crée un pic de pression pendant la rupture, mais le chevauchement pousse les particules à s’éloigner le long de la direction de contrainte principale mineure, comme ce qui se passe dans le cas réel. McDowell et De Bono [McDowell and De Bono, 2013] ont examiné deux mécanismes de rupture alternatifs (figure 2.33) : divisions en 3 et 4 frag-ments égaux. Les nouveaux grains créés se chevauchent pour rester dans la limite du grain initial. Le mécanisme de rupture ne modifie pas le comportement sous compression, qui ne dépend que de la résistance des grains qui suit une distribution de Weibull en fonction de la taille des grains. Les résultats des simulations œdométriques ont montré que la granu-lométrie tend à rejoindre une distribution fractale vu que les grains de petites dimensions deviennent statistiquement plus résistants à la rupture.

(a) (b)

Figure 2.33 – Différents mécanismes de rupture (a) ’trilatéral’, (b) ’quadrilatéral’ [McDowell and De Bono, 2013]

Cantor et al. [Cantor et al., 2014] ont réalisé des simulations 2D sur des polygones irréguliers. Pour estimer la valeur de la contrainte de traction σt induite à l’intérieur du grain en fonction de ses dimensions, une série de simulations a été réalisée à l’aide du logiciel éléments finis ABAQUS (figure 2.34).

Un grain casse une fois σt dépasse une contrainte limite σcrit caractéristique du matériau. Le grain est divisé alors en deux, selon la direction principale de contraintes (figure 2.35). Ce modèle a été validé qualitativement en comparant les résultats numériques d’un essai œdométrique à des résultats expérimentaux d’un même essai sur des grains en plâtre (figure 2.36)

Figure 2.34 – Distribution des contraintes de traction dans des grains a) réguliers, b) irréguliers, c) allongés verticalement, d) allongés horizontalement soumis à une charge

Figure 2.35 – Représentation de la rupture d’un grain [Cantor et al., 2014]

Figure 2.36 – Comparaison qualitative entre expérimentation et simulation [Cantor et al., 2014]