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PARTIE I : LES BASALTES DE RIDES MEDIO-OCEA-

I.3 La source des MORB

I.3.3 Modèles de manteau hétérogène

Réconcilier les différentes observations géochimiques, géophysiques et pétrologiques est un défi qui doit permettre de reconstituer un modèle de manteau terrestre. Deux modèles ont été proposés afin d’expliquer les variations régionales des rapports isotopiques et des rapports d’éléments traces incompatibles dans les MORB. Dans le modèle du manteau stratifié ou lité (Figure I.13a ; e.g., Turcotte et Oxburgh, 1967 ; McKenzie et al., 1973), le manteau supérieur est appauvri en éléments incompatibles, homogène et adiabatique, alors que le manteau infé-rieur est enrichi en éléments incompatibles. La lithosphère subductée au niveau des zones de subduction se mélange par convection au manteau supérieur appauvri ou est recyclée au sein du manteau inférieur. Ce matériel peut, après une certaine durée de stockage (environ 1-2 Ga), être ré-injecté dans le manteau supérieur par des panaches mantelliques s’enracinant à la limite manteau-noyau.

Cependant, le modèle de manteau stratifié ne permet pas de rendre compte des enrichissements locaux observés à l’axe de dorsales éloignées de tout point chaud et leur association à l’affleu-rement à des laves appauvries (e.g., Sleep, 1984 ; Niu et al., 1996, 1999). Ce constat a conduit à l’élaboration de modèles où des petits volumes de composants enrichis seraient omniprésents sous les dorsales (Figure I.13b) : le manteau supérieur, très hétérogène, serait ainsi constitué d’un assemblage de domaines appauvris (manteau résiduel) et de domaines enrichis de tailles, formes, compositions et origines très variables (manteau lithosphérique, croûte océanique et sédiments recyclés). Dans la variante dite du «plum-pudding» (Batiza, 1984), le composant enrichi se présente sous forme de lentilles dispersées dans la matrice appauvrie alors que la variante dite du «marble-cake» (Allègre et Turcotte, 1986) se caractérise par l’alternance de niveaux enrichis et appauvris résultant de la déformation des hétérogénéités par la convection mantellique.

I.3.4 Présence des pyroxénites dans les région-sources des MORB ?

Le concept de la fusion de sources pauvres en olivine jouant un rôle significatif dans la pétrogenèse des basaltes (e.g., Sleep, 1984 ; Zindler et al., 1983 ; Allègre et Turcotte, 1986 ; Hirschmann et Stolper, 1996 ; Hauri, 1996 ; Lassister et al, 2000) s’appuie sur un ensemble d’observations géophysiques, géochimiques et pétrologiques récapitulées ci-dessous :

(1) A grande échelle, d’immenses volumes de roches mafiques produites par la différen-ciation continue de la Terre retournent dans le manteau par subduction (comme en témoignent les études de tomographie sismique ; e.g., van der Hilst et al., 1991 ; Grand et al., 1997 ; Figure I.9) ou par d’autres processus (e.g., délamination de la lithosphère sous-continentale, métaso-matisme du coin du manteau ; Hirschmann et Stolper, 1996). Les calculs de bilan de masse suggèrent qu’une partie de ce matériel recyclé se retrouve dans le manteau supérieur source des MORB (e.g., Helffrich et Wood, 2001).

(2) La fusion d’une source péridotitique homogène ne peut pas expliquer les variations isotopiques ou élémentaires observées dans certaines suites de basaltes cogénétiques (Figures I.11 et I.12), d’où la nécessité de sources mantelliques géochimiquement hétérogènes (e.g., Hanson, 1977 ; Wood, 1979 ; Zindler et Hart, 1986 ; Prinzhofer et al., 1989 ; Schiano et al., 1997).

(3) Les pyroxénites sont omniprésentes dans les massifs orogéniques et les ophiolites (Bodinier et Godard, 2003) et sont également échantillonnées sous forme de xénolites man-telliques (Pearson et al., 2003). D’après leurs proportions dans les massifs orogéniques, les pyroxénites constitueraient 2 à 5% du manteau supérieur terrestre et localement plus de 9% (no-tamment à Beni Bousera ; Pearson et Nixon, 1996). Cette ubiquité des roches pyroxénitiques dans le manteau supérieur a fortement inspiré le modèle de marble cake de Allègre et Turcotte (1986).

(4) Les travaux expérimentaux réalisés sur les pyroxénites (e.g., Kornprobst, 1970 ; Obata et Dickey, 1976 ; Green et Ringwood, 1967 ; Thompson, 1974, 1975 ; Yasuda et al., 1994 ; Takahashi et al., 1998 ; Yaxley et Green, 1998 ; Petermann et Hirschmann, 2003) at-testent que les pyroxénites ont des productivités plus fortes et des températures de solidus plus basses que les péridotites ; ainsi, des proportions très faibles de pyroxénites dans le manteau peuvent contribuer disproportionnellement à la production de liquides. Par exemple, Hirsch-mann et Stolper (1996) estiment que dans le cas d’une source composée de 5% de pyroxénite et de 95% de péridotite, 15-20% des liquides pourraient provenir des pyroxénites.

La présence de pyroxénites a donc souvent été évoquée pour résoudre des problèmes majeurs de la pétrogenèse des basaltes, par exemple, le problème de la «signature en grenat»

des MORB (Hirschmann et Stolper, 1996). Les compositions isotopiques de l’hafnium (Salters et Hart, 1989 ; Salters et al., 1994), la distribution des terres rares (Bender et al., 1984 ; Fornari et al., 1988 ; Beattie, 1993a ; Frey et al., 1993 ; Shen et Forsyth, 1995), et les déséquilibres

(230Th)/(238U) (Beattie, 1993b ; La Tourette et al., 1993) dans les MORB suggèrent fortement

la présence de grenat résiduel dans leurs sources. Dans l’hypothèse d’une source purement péridotitique, la stabilité du grenat nécessite une fusion à très grande profondeur (≥ 2.5-3.0 GPa) et, en corollaire, une température du manteau et un degré de fusion final élevés. Or ceci n’est pas cohérent avec les modèles de fusion adiabatiques sous les rides médio-océaniques (e.g., Klein et Langmuir, 1987 ; McKenzie et Bickle, 1988 ; Kinzler et Grove, 1992a, 1992b, 1993 ; Langmuir et al., 1992 ; Scott, 1992 ; Turcotte et Morgan, 1992) qui prédisent des épais-seurs de croûte supérieures à la valeur normale (7.1 ± 0.8 km ; White et al., 1992) si la fusion commence dans le domaine des péridotites à grenat. Pour expliquer ce paradoxe, Hirschmann et Stolper (1996 ; Figure I.14) ont proposé que la signature du grenat dans les basaltes pro-vient de la fusion de niveaux pyroxénitiques : comme le grenat est stable à plus basse pression dans les pyroxénites (jusque ~ 1.5 GPa) que dans les péridotites, des liquides portant la si-gnature du grenat pourraient ainsi être produits à des pressions très inférieures à 2.5-3.0 GPa.

c.o Fusion de pyroxénites + péridotites Profondeur (km) 0 10 45 Z Z' F péridotite solidus péridotite

solidus pyroxénite à grenat pyroxénite Fusion de pyroxénites seules disparition du grenat dans la pyroxénite Manteau

Figure I.14 Schéma d’une région de fusion dans un manteau composé de péridotites et pyroxénites

sous une ride médio-océanique montrant les relations entre les profondeurs des solidus des péridotites (Z) et des pyroxénites (Z’) et la limite de stabilité du grenat dans les pyroxénites. Le diagramme situé à droite de la zone triangulaire de fusion représente pour chaque lithologie (péridotite et pyroxénite) la variation du degré de fusion (F) avec la pression. Modifié d’après Hirschmann et Stolper (1996).

Le rôle des pyroxénites a aussi été mis en avant pour expliquer la variabilité composi-tionnelle des MORB depuis les termes appauvris jusqu’aux termes enrichis : celle-ci résulterait du mélange des liquides provenant à la fois de la fusion de veines de pyroxénites enrichies avec des liquides provenant de la matrice péridotitique appauvrie (e.g., Prinzhofer et al., 1989 ;

Niu et Batiza, 1997 ; Salters et Dick, 2002). L’intervention des pyroxénites a également été évoquée pour expliquer les caractéristiques en éléments majeurs de certains MORB (Le Roux et al., 2002b ; Sobolev et al., 2007). Parallèlement, Kamenetsky et al. (1998) et Sigurdsson et al. (2000) ont invoqué la présence de lithologies riches en cpx dans la source des MORB pour expliquer les liquides ultra-calciques présents sous forme d’inclusions magmatiques dans cer-tains MORB de la ride médio-Atlantique et du nord de l’Islande.

A l’heure actuelle, même si un rôle significatif des pyroxénites dans la production des basaltes a été proposé dans de nombreuses études, leur importance pétrogénétique est encore controversée (e.g., Downes, 2007). La difficulté pour évaluer quantitativement le rôle des py-roxénites découle de la large variation compositionnelle de ces lithologies (voir Partie III) et de la connaissance très incomplète de leur comportement de fusion.

I.4 Les modèles de migration des liquides à l’aplomb des rides

médio-océaniques