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PARTIE II : METHODES EXPERIMENTALES, ANALYTI-

II.1 Techniques expérimentales

II.1.3 Obtention et préservation des équilibres thermodynamiques

II.1.3.2 Les différents déséquilibres

A l’échelle des cristaux. Un important aspect du protocole expérimental est la durée de l’ex-périence. Les vitesses de diffusion dans les minéraux sont très inférieures aux vitesses de dif-fusion dans les liquides (e.g., Chakraborty, 1995 ; Zhang et Stolper, 1991 ; Freer et al., 1982 ; Kohlstedt et Mackwell, 1998). Ainsi, les minéraux présents dans les matériaux de départ et stables dans les conditions expérimentales vont avoir des difficultés à se rééquilibrer. La durée expéri-mentale doit être suffisante pour mettre à l’équilibre les minéraux et le liquide. Ce temps est dé-pendant de la température, de la fraction de liquide dans l’expérience (donc des conditions P-T), de la taille des cristaux dans le matériel de départ, de la composition chimique du matériel de départ, de la présence d’eau, etc.. Dans la Figure II.10, les durées expérimentales dans cette étude sont comparées aux durées dans la base de données LEPR (Library of Experimental Phase Relations ; Hirschmann et al., 2008).

6 8 10 12

10

100

1000

10000/T(K)

t (heures)

10 µm 4 µm

Figure II.10 Durée expérimentale (en heures) en fonction de l’inverse de la température (en K) : les expériences

de la base de données LPER (Hirschmann et al., 2008) sont représentées par les cercles, celles de cette étude par des losanges rouges (expériences avec olivine) ou gris (expériences sans olivine). Les lignes 10 µm et 4 µm se réfèrent au temps caractéristique (défini par x²/2D, où x est la largeur caractéristique du cristal et D le coefficient de diffusion pour l’interdiffusion Fe-Mg) pour la diffusion de Fe2+/Mg dans des cristaux d’olivine de 10 µm et de 4 µm dans des conditions anhydres (Chakraborty, 1997).

Pour une température donnée, mes expériences se situent nettement dans le pôle des longues durées. Sur la figure, les temps de diffusion requis pour l’équilibre Fe-Mg de cristaux d’olivine de 4 µm et 10 µm sous des conditions anhydres sont reportés (Chakraborty, 1997). On observe

que toutes nos expériences ont été réalisées pour des durées supérieures au temps nécessaire pour l’équilibre de minéraux de 4 µm (taille moyenne des cristaux dans les matériaux de dé-part) et la majorité de nos expériences, pour des durées supérieures au temps nécessaire pour l’équilibre de minéraux de 10 µm (taille maximale de nos cristaux dans les matériaux de dé-part). Néanmoins, les temps de diffusion sont beaucoup plus importants dans les pyroxènes et les grenats. Par exemple, la durée de rééquilibrage d’un cristal de cpx de 4 μm de diamètre par diffusion est de l’ordre d’un mois. Par conséquent, malgré la très fine granulométrie de nos poudres de départ (tailles des grains < 10 µm) et les longues durées de nos expériences, on ob-serve la présence de petits cœurs hérités dans certains pyroxènes et grenats en fin d’expérience (Figure II.11). Coeurs hérités dans des cpx Coeurs hérités dans des gt (a) (b)

Figure II.11 (a) Images MEB en électrons rétrodiffusés de l’expérience 103-B1 (1.0 GPa, 1250 °C, t = 88 h).

Cer-tains clinopyroxènes (cpx) contiennent des cœurs hérités. (b) Images MEB en électrons rétrodiffusés de

l’expérien-ce 16-A3 (2.0 GPa, 1330 °C, t = 118 h). Les grenats (gt) contiennent des cœurs hérités. Barres d’échelle : 20 µm.

Cependant, comme leur fraction est relativement faible, ces cœurs ont un effet mineur sur les équilibres de phases et les bilans de masse. Dans un cristal de 30 µm par exemple, un cœur hérité de 5 µm correspond à une fraction volumique < 4 % du cristal. Ces cœurs n’étant pas à l’équilibre dans les conditions expérimentales, ils n’ont pas été analysés.

A l’échelle de la charge expérimentale. Toutes les expériences en piston-cylindre renfermant plus de 20 % environ de liquide présentent un zonage, avec rassemblement des cristaux (Figure II.12). Ce phénomène n’est pas dû à la gravité car la densité des cristaux dans ces conditions est supérieure à celle du liquide. Il s’agit du phénomène de migration thermique, i.e. la diffé-renciation interne d’un système initialement homogène sous l’effet d’un gradient de tempé-rature, décrit par Lesher et Walker (1988). D’après ces auteurs, il apparaît même pour de très faibles gradients de température ; ici il est très bien développé pour des gradients de l’ordre de

de 1-2°C.mm-1. Ce phénomène n’est généralement pas gênant, du moins lorsqu’il n’affecte pas l’équilibre thermodynamique. Il peut même être intéressant car en redistribuant les phases, il favorise la réaction du cœur des cristaux et la concentration du liquide en larges plages facile-ment analysables.

Croissance hors équilibre. Afin de préserver les équilibres de haute température, il faudrait en théorie une trempe instantanée. Les vitesses de trempe en piston-cylindre sont d’environ 50°C/s et 200°C/s pour les assemblages 3/4" et 1/2", respectivement. De telles vitesses ne sont pas suffisantes pour des charges contenant du liquide basique, car certains minéraux, et tout parti-culièrement le cpx, peuvent avoir des vitesses de croissance très importantes pendant le refroi-dissement. Toutes les expériences contenant du cpx et du liquide présentent des surcroissances de trempe et des cristaux dendritiques (Figure II.13). Les cristaux obtenus par ces croissances ultrarapides sont en déséquilibre avec le liquide à partir duquel ils se développent (coefficients de partage tendant vers 1 pour les éléments majeurs ; Gamble et Taylor, 1980). Il faut noter que les autres cristaux (orthopyroxène, olivine, etc.) subissent aussi des surcroissances de trempe, même si le phénomène est moins développé.

-+ + -+ +

-(a)

(b)

Figure II.12

Exemples de ségrégation des cristaux liée à un gra-dient thermique. (a) Dans une expérience

piston-cy-lindre 3/4" (40-B1n ; F ~ 81 % pds). Les cristaux d’olivine sont rassemblés au toit et à la base de la charge pour une différence de température entre le point chaud (au centre de l’échantillon) et les extré-mités de 5°. (b) Dans une expérience 1/2" (40-E3b ;

F ~ 69 % pds). Les cristaux sont rassemblés au sommet de la charge et le liquide à la base (le liseré gris à l’interface correspond à une frange de clino-pyroxènes de trempe) ; la différence de température entre le haut et le bas est de 2 degrés environ (Figu-re II.7). Ces expériences permettent de déterminer la structure thermique de la charge et de localiser approximativement les isothermes ; les signes + et – indiquent les zones chaudes et froides, respecti-vement. Barres d’échelle : 500 µm.

La croissance rapide liée à la formation des cristaux dendritiques est un mécanisme contrôlé par la diffusion (Faure et Schiano, 2005). La vitesse de croissance étant supérieure à la vitesse de diffusion des éléments, il se forme autour des cristaux une bordure de diffusion dans laquelle la composition du liquide est différente de la composition à l’équilibre. Dans le cas des expériences de fusion partielle du manteau en piston-cylindre, les teneurs des principaux oxydes atteignent des valeurs stationnaires pour des distances supérieures à 10 μm du cristal pour les assemblages de 1/2" et supérieures à 20-25 µm pour des assemblages de 3/4" (Médard, 2004). Ces distances sont du même ordre ou plus grandes que les rayons des poches de verre que l’on observe dans nos charges fortement cristallisées (> 50% de cristaux) : la composition des plages de verre interstitielles est donc fortement modifiée par rapport à la composition d’équilibre du liquide, d’où la nécessité de développer des techniques d’extraction permettant de séparer le liquide des cristaux pendant l’expérience.