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Un modèle unique en droit français : la société d'attribution d'immeubles en jouissance à

L’ADEQUATION PRETENDUE DU DROIT DE CREANCE ET DES DROITS DE JOUISSANCE A TEMPS PARTAGE

1/ Un modèle unique en droit français : la société d'attribution d'immeubles en jouissance à

§ 11 La construction de modèles sociaux singuliersLa construction de modèles sociaux singuliers

Le droit français admet l’existence des droits de jouissance à temps partagé au sein d’un modèle unique : la société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé (1), tandis que la pluralité de formes sociales propres aux droits de jouissance à temps partagé en droit italien, accroît l’opacité déjà constatée dans ce domaine (2).

1/ Un modèle unique en droit français : la société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé

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La société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps

partagé s’inspire de la société coopérative de construction réglementée par la loi du 28 juin 1938 (de même que la société d’attribution). Par la suite, ce régime a été modifié par la loi du 16 juillet 1971. Les sociétés d’attribution, sous l’empire de la loi de 1938, connurent un essor exponentiel, mais la loi de 1971, modifiant certaines

dispositions, est plutôt tombée en désuétude121. La société coopérative de construction

et la société d’attribution se rejoignent sur leur objet et sur leur finalité122. Les sociétés d’attribution également appelées sociétés de construction en commun « sont les

héritières des sociétés de la loi de 1938 » […] [elles] « étaient conçues comme des instruments de construction en commun, comme des sortes de coopératives destinées à réunir des accédants à la propriété soucieux avant tout de construire pour eux-mêmes et d’éviter ainsi des frais parasites »123. La société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, instrument juridique spécifique, appliquée actuellement aux droits de jouissance à temps partagé, doit sa création à une adaptation du Titre II de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971. Le paradoxe de cette société consiste en une adaptation du statut de la copropriété au fonctionnement des droits de jouissance à temps partagé. Présenter ces droits comme des droits personnels et créer des règles de

121 MALINVAUD Ph., JESTAZ Ph., JOURDAIN P., Droit de la promotion immobilière, Précis Dalloz, 7ème éd., 2004, p : 441, § 415.

122 En effet, en règle générale, ces sociétés n’ont aucun but lucratif. L’accent est mis, avant tout, sur la mise en commun du matériel, ceci dans l’objectif unique de la construction d’un immeuble.

fonctionnement en faisant directement appel au droit de la copropriété paraissait, à l’époque, surprenant et entretenait la confusion dans les esprits. C’est la raison pour laquelle la loi du 6 janvier 1986124 est intervenue. L’objectif de cette loi était d’éclaircir la nature juridique des droits auxquels peut aspirer chacun des associés. Ces dispositions ont permis, selon le législateur, de lever toute équivoque relative à l’éventuelle acquisition d’un droit de propriété, en établissant expressément que les

droits de jouissance de l’associé constituent un droit personnel (Article 1er de la loi) :

« Les sociétés constituées en vue de l’attribution, en totalité ou par fractions,

d’immeubles à usage principal d’habitation en jouissance par périodes aux associés auxquels n’est accordé aucun droit de propriété ou autre droit réel en contrepartie de leurs apports sont régies par les dispositions applicables aux sociétés sous réserve des dispositions de la présente loi ». L’associé acquiert des parts, qui lui permettent d’être

titulaire d’un droit de jouissance sur un bien déterminé, dans l’espace et dans le

temps125. La société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé demeure

l’unique propriétaire de l’immeuble126.

124 Sur ce point, voir : MALINVAUD Ph., JESTAZ Ph., op.cit., p : 497, § 498 ; COLLART-DUTILEUL Fr., op.cit.; MARTIN R., op.cit., pp : 744 à 754 ; FRANK E., « Les sociétés civiles immobilières d’attribution en jouissance à temps partagé (loi n° 86-28 du 6 Janvier 1986) », Rev. Administrer Juin 1986, pp : 3 à 7 ; SAINT-ALARY-HOUIN C., op.cit., p : 69 à 88 ; ERB J., « Le problème de la répartition des charges de l’immeuble en multipropriété et l’information préalable de l’acquéreur », Gaz. Pal. 1992, 2ème sem., Chron., pp : 753 à 756.

125 En contrepartie, l’associé doit répondre aux appels de charges.

126 S’agissant des organes de gestion, la loi du 6 Janvier 1986 a prévu un conseil de surveillance, la référence au règlement de jouissance et une singularité, le représentant de périodes.

Le souhait du législateur a été de faciliter l’accès des associés aux assemblées générales, de même que l’exercice de leur droit de vote au sein de celle-ci. Cette volonté est assurément fondée sur le contexte dans lequel évoluent ces sociétés. Ce sont des associés qui ne possèdent pas nécessairement la même nationalité – d’où des difficultés de communication – et qui ne résident pas obligatoirement, à titre principal, en France ou sur le lieu de situation de l’immeuble concerné. C’est la raison pour laquelle certaines modalités de vote ont été adaptées à la spécificité de la société. Ainsi, « Les associés se réunissent en assemblée générale au moins une fois par an. Lorsque, conjointement, des associés disposant au moins du cinquième des parts ou actions de la société le demandent, l’assemblée générale est réunie dans un délai de trois mois qui suit la date de cette demande » (Article 13 alinéa 3 de la loi du 6 Janvier 1986). La participation de chaque associé à l’assemblée générale est obligatoire. Toutefois, il dispose de la faculté de se faire représenter. Deux types de représentant sont envisagés par la loi du 6 janvier 1986 : la représentation traditionnelle par une personne physique ou morale n’ayant pas de qualité particulière (Article 13 alinéa 4) et le représentant de périodes. Ainsi, le représentant de périodes incarné par l’un des associés contribue à faciliter la participation des associés aux assemblées générales. Les statuts doivent prévoir une possibilité de « représentant de périodes » pour chaque

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Un arrêt de la Cour d'Appel d’Aix-en-Provence du

11 décembre 1997127 est venu clarifier sensiblement la qualification juridique des droits

acquis dans le système de la multijouissance. Dans le litige qui leur était soumis, les juges ont distingué les droits de jouissance à temps partagé de la propriété et de la location. Les juges ont ainsi décidé que le fait d’avoir « consenti à diverses personnes

des contrats d’acquisition, d’achat de jouissance exclusive pendant une semaine ou plus par an sur un appartement, durant une saison déterminée selon la couleur de la période [permettait à ses clients d’acquérir uniquement] un simple droit d’occupation d’un appartement du club pendant une ou plusieurs semaines de leur choix exclusif de tout droit réel ». La définition est posée et ne souffre aucune ambiguïté : l’acquisition

de ces droits repose sur un droit d’occupation et non sur un droit réel. Par souci de précision et afin d’accroître la protection de l’accédant, les juges lèvent toute équivoque sur le rapprochement que les consommateurs ont pu faire entre le droit de propriété éventuel et les droits de jouissance à temps partagé. Ainsi, l’arrêt précise que : « l’acquisition d’un droit d’usage à titre temporaire dans l’immeuble ne peut être

assimilée à celle d’un bien immobilier en pleine propriété ni même à celle de parts de société donnant vocation à l’attribution en pleine propriété ou en multipropriété d’un appartement ou d’une villa ; […] que les contrats ne mentionnent […] [qu’] un simple droit de jouissance sur un appartement qui n’est d’ailleurs pas désigné quant à sa situation exacte [en l’espèce] […] ». Après avoir distingué les droits de jouissance à

temps partagé de la propriété, les juges poursuivent leur raisonnement en écartant la qualification de location : « Attendu que ces contrats ne peuvent pas non plus être

ensemble d’associés ayant un droit de jouissance pendant la même période. Chacun de ces représentants peut s’adjoindre un ou plusieurs suppléants. Ces personnes sont désignées pour une durée de trois ans renouvelable. En outre, la singularité de cette structure est représentée par l’instauration d’un vote par correspondance comme modalité de vote particulière instauré par l’article 13 alinéa 4 de la loi du 6 janvier 1986. En effet, l’éparpillement et l’éloignement des associés des sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé compliquent la prise de décision. C’est la raison pour laquelle, la loi du 6 janvier 1986, par l’article 13 alinéa 4 tend à atténuer l’absentéisme flagrant des associés aux assemblées générales et instaure, grâce à l’article 16 alinéa 4 une minorité de blocage. L’article 16 alinéa 4 de la loi du 6 janvier 1986 énonce que : « Pour les dispositions prévues aux deuxième et troisième aliénas [c'est-à-dire modification des statuts concernant les actes de disposition affectant les biens immobiliers, de même que la transformation d’un ou de plusieurs éléments existants…], et par dérogation à l’alinéa 1er de l’article 15, l’ensemble des cessionnaires de parts ou actions d’une société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé ne peut disposer de moins de 40 pour 100 des voix ».

assimilés à des contrats de location puisque la chose qui serait louée n’est pas déterminée avec précision et que l’appartement objet de l’acquisition du droit de jouissance n’est pas individualisé et qu’il est attribué par le gestionnaire du club en fonction de la période et non choisi par l’acquéreur ». Ainsi, la jurisprudence se

conforme à la position du législateur. Aucun droit réel n’est accordé, encore moins un droit de propriété, pas même un droit de location128.

La position adoptée par le législateur français au sujet de la société d'attribution

d'immeubles en jouissance à temps partagé129 et confirmée par cet arrêt, a inspiré,

pour partie130, le législateur transalpin dans la construction de la multiproprietà

azionaria. Cependant, les diverses formes italiennes de multipropriété par actions

ne semblent pas simplifier la situation.

2/ Une opacité accrue par une pluralité de