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LES DROITS DE JOUISSANCE A TEMPS PARTAGE A LA LUMIERE DU DROIT DE COPROPRIETE

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La copropriété constitue un mode ancien de répartition de la

propriété270. Bien que la France ait connu la copropriété depuis le XIXème siècle, le

270 Voir sur ce point : ATIAS Ch., « Copropriété », Répertoire civil Dalloz, 2007 ; GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., La copropriété, Dalloz action, 6ème éd., 2006 ; LEVY J.-Ph., CASTALDO A., Histoire du droit civil, Précis Dalloz, 1ère éd., 2002, § 327, p: 447.

Des traces de ce type d’exploitation d’un immeuble sont retrouvées 2000 ans avant J.-C. Voir PIEDELIEVRE A., « La copropriété par appartements », Etudes de droit privé sous la direction de J. CARBONNIER : L’immeuble urbain à usage d’habitation, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé Tome 49, Paris, 1963, pp : 183 s.

Le droit romain refuse d’admettre la copropriété, ceci en raison de certains principes contraires à une telle conception de la propriété (Notamment l’adage selon lequel : « aedificum solo cedit ; jus soli sequitur »).

En France, le phénomène de la copropriété apparaît, dès le XVIIIème, mais de manière parcellaire. La copropriété est restée un phénomène rare encore au XIXème siècle. Gênes importa cette pratique en Corse, tandis que Grenoble et Rennes y recoururent, pour l’une, en raison d’un manque d’espace de son territoire, pour l’autre, à cause d’un terrible incendie en 1720, conduisant à une modification intégrale de l’architecture de cette ville.

La copropriété a connu un essor considérable dans certaines provinces, différentes coutumes en font état (Coutumes d’Auxerre, du Berry, du Boulonnais, de Bretagne, de l’Orléanais, du Nivernais, de Montargis, de Paris cité par BERGEL J.-L., BRUSCHI M., CIMAMONTI S., op.cit., p : 529, § 517).

La crise du logement consécutif à la première guerre mondiale a conduit à une redéfinition de la propriété. Si bien que la remarque de MARCADÉ était désormais dépassée. « Cette hypothèse singulière […] d’une maison divisée horizontalement allait avoir une importance de plus en plus considérable du fait de circonstances nouvelles ». MARCADÉ V., « Le cas d’une maison divisée par étages entre ses différents propriétaires sera probablement assez rare… », Explication du Code civil, Tome II, Art. 664 cité par PIEDELIEVRE A., op.cit., p : 183. DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, T.XI, 4ème éd., n° 425 : « La règle écrite dans l’article 815, que nul n’est tenu de rester dans l’indivision, n’est pas alors applicable ; et cette exception est fondée sur la plus évidente de toutes les lois, sur la nécessité, et sur l’impossibilité où se trouverait chacun des propriétaires d’user de la chose qui lui appartient exclusivement, s’il était privé de sa copropriété dans la chose commune, qui en est l’appendice indispensable […] ».

droit français n’a adopté une première loi que le 28 juin 1938271. Il a été souvent reproché aux droits de jouissance à temps partagé de ne pas correspondre pleinement

aux catégories juridiques existant en droit français272. La complexité de ces droits a été

fréquemment mise en exergue, afin de contourner la difficulté et de conclure à une qualification sui generis de ces droits. Les nuances apportées par le droit de copropriété au droit de propriété permettent d’envisager une nouvelle analyse des droits de jouissance à temps partagé, ceci grâce aux différentes analyses doctrinales de la nature juridique du droit de copropriété existant en droit français. Deux interprétations relatives à la notion de copropriété sont inhérentes aux théories en présence : il s’agit de la conception unitaire et de la conception dualiste (Section 1). La doctrine française s’oppose sur le point de savoir quelle conception juridique adopter. Par son ambivalence théorique, le droit de copropriété se rapproche de l’instabilité des droits de jouissance à temps partagé. A tel point qu’il serait envisageable d’utiliser le droit de copropriété dans la démarche de qualification de ces droits notamment en raison de la gémellité de la notion de « charges » (Section 2).

n°425 bis : « […] l’hypothèse singulière, que notre Code a prévue dans l’article 664, celle d’une maison divisée horizontalement, de telle sorte que le rez-de-chaussée appartient à l’un, le premier étage à un autre, le second étage à un autre encore, et ainsi de suite. Plusieurs de nos anciennes coutumes s’en étaient également occupées ; et cette espèce de division est effectivement dans les usages de cetaines localités, notamment à Grenobles et à Rennes ; nous en avons aussi en Normandie quelques exemples ; […] ».

271 J.O. 30 juin 1938, D. Crit. 1939, IV, p : 73 cité par PIEDELIEVRE, op.cit., p : 184.

L’essor considérable de la copropriété imposait au législateur français d’intervenir rapidement sur ce point. Il le fit plutôt tardivement par rapport au législateur belge. Le législateur belge est intervenu antérieurement, dès le 8 juillet 1924 cité par PIEDELIEVRE A., op.cit., p : 184.

272 DAGOT M., SPITERI P., op.cit., Doctr., 2481 ; DESURVIRE D., op.cit., P.A. 11 Juin 1993, n ° 70, pp : 15 à 18 ; DESURVIRE D., op.cit., A.J.P.I. 10 février 1993, pp : 80 à 84.

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ECTION

1 L

E RECOURSAUX THÉORIESENPRÉSENCE

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Avant de procéder à un raisonnement comparatif entre le droit de

copropriété et les droits de jouissance à temps partagé, il convient, au préalable, d’analyser au mieux le droit de copropriété et ses caractéristiques. La copropriété est un mode d’accession à la propriété, dérogeant à la conception absolue et intangible du droit de propriété issu de la Révolution française et retranscrit dans l’article 544 du Code civil français. Il s’agit d’un droit original portant sur le bien. Par conséquent, la

question primordiale273 a été, sur ce sujet également, de qualifier juridiquement le droit

en présence274. Est-on en présence d’un droit unique portant sur l’ensemble du bien275 ?

Ou bien est-il possible de procéder à une distinction de ces droits sur le bien276 ? Dans

cette dernière hypothèse, comment s’organise la répartition de ces droits et quelle est leur qualification ? La thèse unitaire du droit de copropriété, antérieure à la loi du 10 Juillet 1965, est scindée en deux courants doctrinaux. D’une part, certains auteurs privilégiant le caractère absolu du droit de propriété et refusant ainsi la permanence de la copropriété, considéraient la « division d’un immeuble par étages » comme « une

juxtaposition de droits de propriété individuels assortis de toute une série de servitudes actives et passives destinées à permettre l’utilisation de l’appartement »277.

D’autre part, des auteurs comme PROUD’HON et LABBE278 envisagent la division

d’un immeuble par étages comme « une indivision assortie d’un partage provisionnel

des appartements cela, afin de respecter la règle, qu’ils considéraient comme absolue, posée par l’article 815 du Code civil ». Ce courant doctrinal reprochait aux défenseurs

de la première thèse unitaire de ne pas tenir compte du « tout homogène » de la maison

273 COLLART-DUTILLEUL Fr., op.cit., p : 16, § 173 s.

274 MALINVAUD Ph., JESTAZ Ph., Droit de la promotion immobilière, Précis Dalloz, 6ème éd., p : 511.

275 Courant unitaire. 276 Conception dualiste.

277 HUC, Commentaire théorique et pratique du Code civil, 1893, t. 4, n° 351 s. cité par GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., La copropriété, op.cit., § 219, p : 96, et surtout VAREILLES-SOMMIERES (Marquis de), « De la copropriété », Rev. Crit. Législ. et Jur. 1907, p : 583, n° 9.

« dont les parties sont solidaires les unes des autres ». Par la suite, l’analyse de la

copropriété revient à la conception unitaire279. En effet, de nombreuses critiques ont été

évoquées sur le sujet de la conception dualiste du droit de copropriété280. Dans un article publié avant la loi de 1938, le Professeur HEBRAUD estimait qu’à elles deux « la propriété privative et la part de copropriété » formaient « un droit complexe mais

unique »281. Suite à la loi de 1938, le Professeur CHEVALLIER282 adoptait une position identique. Ainsi, il s’agit d’un droit de copropriété qui n’est pas soumis au partage et bénéficie d’un « véritable statut, rendu nécessaire par l’intérêt collectif qui se dégage

de la division de la maison par étages ». Monsieur PIEDELIEVRE, quant à lui,

considère que « le droit de copropriété est un droit réel fortement pénétré de rapports

personnels, ce qui ne serait pas d’ailleurs un exemple unique, du fait de son aménagement collectif, de son esprit quasi-communautaire »283.

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Le droit de copropriété, conçu comme un droit unique, se

rapprocherait de la qualification juridique d’un droit indivis. Le droit de copropriété, envisagé comme un droit unique, conduit à considérer l’immeuble dans son ensemble, comme un tout sur lequel chaque copropriétaire serait titulaire d’un droit concurrent portant sur l’ensemble de l’immeuble. Par conséquent, ce droit porterait sur un droit de copropriété indivis organisé, échappant au principe conduisant au partage prévu à l’article 815 du Code civil français284. Selon les auteurs partisans de cette thèse, le droit

279 Courant néo-unitaire.

280 GIVORD Fr., GIVERDON Cl.,CAPOULADE P., op.cit., § 225, p: 99: « Ce droit, faute de pouvoir être exercé d’une manière exclusive, ne peut être un droit de propriété. Mais, comme il est « incontestable que l’ensemble des prérogatives » qu’il confère, « au titulaire d’un appartement », est le maximum de celles qui peuvent appartenir sur un même bien à plusieurs individus », il est légitime de le considérer comme un droit de copropriété ».

281 HEBRAUD, « A propos d’une forme particulière de copropriété : la copropriété par appartement », R.T.D.Civ. 1938, 26 s.

GIVORD Fr., GIVERDON Cl.,CAPOULADE P., op.cit., § 224, p : 98.

282 CHEVALLIER, D. 1939, 4, 79.

GIVORD Fr., GIVERDON Cl.,CAPOULADE P., op.cit., § 224, note 10, p: 98.

283 PIEDELIEVRE A., op.cit., n° 34, p : 213.

Opinion retenue également par les Professeurs GIVORD, GIVERDON et CAPOULADE. Voir sur ce point, GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., § 224, note 11, p : 223.

284 BAYARD-JAMMES Fl., La nature juridique du droit du copropriétaire immobilier. Analyse critique, Thèse, 2002, p : 6.

de copropriété est un droit complexe à l’intérieur duquel plusieurs catégories de droits s’interpénètrent. « La coexistence de la propriété privée et de la copropriété est

tellement nécessaire pour réaliser la propriété de l’appartement qu’on peut les dire indivisibles (…). A elles deux, la propriété privative et la part de copropriété forment un droit complexe mais unique, ce sont deux faces d’un droit juridique complexe : un droit réel sur une partie déterminée d’un tout »285. Certains ont ajouté un critère d’intensité, afin de nuancer la conception unitaire de ce droit, sans pour autant accepter la théorie dualiste. Ainsi, « le droit d’usage est évidemment différent sur l’appartement

et sur l’ensemble de l’immeuble, mais il ne s’agit que de différences d’intensité dans les prérogatives qu’il comporte tenant à la nature des diverses choses et de leur affectation. Le droit est juridiquement unique »286. Néanmoins, la qualification du droit de copropriété comme droit unique a été écartée par la jurisprudence et contestée par le second courant doctrinal. A l’occasion d’un contentieux portant sur une indivision successorale, la Cour de cassation a raisonné sur deux droits : un droit indivis sur les parties communes et un droit privatif. Ainsi, la première chambre civile de la Cour de

cassation287 a considéré que : « […] les dispositions de cet article [l’article 815 du

Code civil] sont inapplicables à l’indivision nécessaire résultant de la co-propriété des parties communes d’un immeuble par les propriétaires des différents appartements qui y sont situés ; que, si les lois qui organisent cette co-propriété leur imposent certaines obligations, ces co-propriétaires n’en reçoivent pas moins des droits privatifs d’utilisation et de jouissance sur l’appartement dont ils sont titulaires, et dont ils peuvent disposer dans les conditions légales ; que, par suite, c’est à bon droit que l’arrêt attaqué a admis qu’il était possible éventuellement de mettre fin à l’indivision successorale par l’attribution personnelle à certains indivisaires d’un appartement dépendant de l’immeuble dont ils étaient co-propriétaires indivis ; qu’ainsi les griefs du premier moyen ne sont pas fondés ; […] ».

285 HEBRAUD P., op.cit., p : 23 spéc. p : 26. Voir également les commentaires de Madame BAYARD-JAMMES, Thèse op. cit., p : 6.

286 THIBIERGE, Rapport du 55ème Congrès des Notaires, 1957 cité par DEWAS-CLEMENT C., Thèse, op.cit..

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Par la suite, la loi du 10 juillet 1965288, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, a consacré la thèse dualiste du droit de copropriété en distinguant le droit exercé sur les parties privatives de celui exercé sur les parties communes. La référence à la théorie dualiste, courant doctrinal retenu par la loi du 10 Juillet 1965, distingue le droit de propriété exercé sur les parties privatives du droit de copropriété portant sur les parties communes, ce dernier correspondant plutôt à une indivision forcée. Cette thèse est dominante et défendue par « les auteurs les plus

considérables »289 comme BEUDANT et LEREBOURS-PIGEONNIERE290, PLANIOL

288 Cette loi innove en créant la notion de « lot de copropriété ». Cette expression repose sur la distinction entre les parties privatives et les parties communes : « au sein de l’immeuble des parties privatives faisant l’objet d’un droit de propriété exclusif et des parties communes soumises à un régime d’indivision forcée » (BERGEL J.-L., BRUSCHI M., CIMAMONTI S., op.cit., pp : 537-538, § 529). Le copropriétaire exercera ses droits exclusifs sur ce lot. Voir développements infra, § 250 s.

289 GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., p : 134.

290 BEUDANT et LEREBOURS-PIGEONNIERE, Cours de droit civil français – Les Biens, t.4, 2ème éd., 1938, Réimpression 1996, par VOIRIN, n° 381 : « L’observation des faits dégage l’existence – disons mieux – la coexistence de deux séries de droits : les uns portent sur les étages ou les appartements, les autres sur le gros œuvre de la maison, les parties communes, et le sol. Il faut qualifier ces droits. Les premiers sont, à coup sûr, des droits divis ; et ces droits divis sont, à n’en pas douter, des droits de propriété ». « […] Les droits de la seconde sorte – ceux de chaque propriétaire d’étage ou d’appartement sur les parties essentielles, et par là même communes, de l’édifice – ne peuvent être, quoiqu’on ait parfois soutenu le contraire, que des droits de copropriété ».

et RIPERT291, PICARD, MARTY et RAYNAUD292, CARBONNIER293. Cette loi

prévoit la distinction des parties privatives et des parties communes dès l’article 1er294.

Les parties privatives relèvent de l’usage exclusif d’une copropriété déterminée295. « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use

et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble »296. Parties privatives et parties communes sont intrinsèquement liées. Néanmoins, le droit du copropriétaire sur ses parties privatives est amené à être considéré dans une acception restrictive. Par conséquent, cet article limite la portée du droit de propriété de l’article 544 du Code civil, puisqu’il use et jouit de la chose, sans

291 PLANIOL et RIPERT, t. 3, par M. PICARD, n° 319 : « La maison divisée par étages ou par appartements ne se trouve pas elle-même en état de copropriété. Chacun des ayants droits a la propriété exclusive et complète de son étage ou de son appartement et il peut exercer sur celui-ci tous les droits d’un propriétaire, réserve faite des obligations qui découlent pour lui du voisinage spécial auquel il est soumis. Mais, en même temps, certaines parties de l’immeuble se trouvent en indivision forcée. Il y a donc superposition de propriétés distinctes et séparées, compliquée de l’existence d’une copropriété portant sur les parties nécessairement communes ou affectées à l’usage commun des différents propriétaires ».

Voir également, GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., § 221, p : 97.

292 MARTY et RAYNAUD, Droit civil –Les biens-, 2ème éd., 1980, n° 240, vol. 2, p : 300 : « Il est permis de reprocher à cette analyse [la thèse unitaire] de rendre assez difficilement compte de la différence que, malgré tout, la loi établit entre les parties communes et les appartements individuellement affectés et en particulier de ne pas expliquer l’impossibilité pour chaque copropriétaire d’exercer un droit sur les appartements des autres qui paraissent bien échapper ainsi à sa copropriété ».

Voir également GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., § 221, p : 97.

293 CARBONNIER, Droit civil, t. 2, § 838, p : 1796 : « Activement, la situation de chaque copropriétaire est faite de deux droits réels : un droit de propriété sur la partie privative, un droit de copropriété sur les parties communes, deux droits réels distincts et néanmoins réunis pour former un même lot ».

Voir également GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., § 221, p : 97.

294 « La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de quote-parties communes. A défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs ».

295 Article 2 de la loi du 10 juillet 1965.

avoir un droit absolu sur celle-ci. Certains auteurs297 considèrent le copropriétaire comme un propriétaire. Le droit de propriété comprend l’usus, le fructus et l’abusus, ce dernier critère étant susceptible de permettre au titulaire de ce droit, la destruction de la chose sur laquelle porte ce droit. Or, l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965298 restreint ce droit. En effet, il ne peut détruire l’objet de son droit, contrairement au droit de propriété énoncé à l’article 544 du Code civil.

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Il nous a été donné de voir précédemment qu’une première

théorie dite « unitaire » est apparue, avant d’être écartée par la théorie « dualiste ». Une théorie dite « néo-unitaire » s’est fait jour, en essayant d’établir un compromis entre les deux précédentes thèses. La définition légale de la nature juridique du droit du copropriétaire semble incertaine. Ainsi, le droit de copropriété suppose d’une part, une restriction spatiale du droit de propriété, d’autre part, une restriction des critères même de ce droit. En effet, le copropriétaire peut disposer de son bien tant qu’il ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires. Après nombre de débats sur l’acception du droit de copropriété, la doctrine299 et la jurisprudence300 conclurent à l’application du régime d’une indivision forcée. L’instabilité de la conception juridique du droit de copropriété rejoint la versatilité de la conception juridique des droits de jouissance à temps partagé. Les copropriétaires sont néanmoins considérés comme des propriétaires. Par conséquent, si ce raisonnement appliqué au droit de copropriété est valable, pourquoi ne pas le transposer en matière de droits de jouissance à temps partagé ?

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La thèse dualiste s’inscrit dans une démarche théorique

susceptible d’être transposée aux droits de jouissance à temps partagé. Le titulaire de ces droits acquerrait un droit sur les parties communes et un droit sur les parties privatives, lorsque le logement serait individualisé contractuellement. Le choix de la catégorie de l’immeuble pourrait être interprété en ce sens. La différence majeure repose sur la multiplicité de copropriétaires sur un même lot, ce que ne prévoit pas en théorie le droit de copropriété, mais le raisonnement reste le même. Ces droits

297 CARBONNIER J., op.cit., « Qui terre a, guerre a » enseigne le proverbe. Les copropriétaires n’ont pas toujours le sentiment d’avoir la terre. La guerre, ils peuvent l’avoir. Décidément, ils sont bien propriétaires », § 845, p : 1806.

298 Cette loi a opté pour une conception dualiste du droit de copropriété.

299 GIVORD Fr., GIVERDON Cl., CAPOULADE P., op.cit., note 1, § 222, p : 98. 300 C.A. Paris, 5 octobre 1964, JCP 1965.II. 14045, note Bulté.

présentent une originalité supplémentaire au droit de copropriété. En matière de copropriété, le droit portant sur les parties privatives revient à un seul titulaire. Or, les droits de jouissance à temps partagé supposent la présence de plusieurs titulaires de ce droit, sur une même partie privative. Les droits de jouissance à temps partagé et la copropriété comportent des liens certains. Dès lors, il est envisageable de réfléchir à une adaptation du droit de copropriété dans le domaine des droits de jouissance à temps partagé. Ce schéma représenterait une transition entre le refus du droit de créance et la reconnaissance du droit de propriété. Cette adaptation peut éventuellement se réaliser

par la notion de lot301. Ce rapprochement a déjà été évoqué dès 1974.