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Modèle paternaliste : Modèle Français

PREMIERE PARTIE: ASPECTS THEORIQUES

LE MAROC EN CHIFFRE [13]

II. EVOLUTION DE LA RELATION MEDECIN PATIENT

1. Modèle paternaliste : Modèle Français

Le modèle français est généralement qualifié de paternaliste. Il est caractérisé par une communication essentiellement unilatérale et asymétrique, allant du médecin vers le patient. L’information est « descendante », autoritaire, transmise par une personne supposée savoir à une personne demandeuse. Le médecin doit fournir au malade l’information légalement requise sur les options de traitement pour obtenir un consentement éclairé. Ce modèle suppose que le médecin prenne la meilleure décision pour le patient. Il n’y a pas de délibération entre les deux intervenants, et le praticien est le seul décideur. La médecine française fonctionne sur ce mode, particulièrement en psychiatrie où les patients peuvent présenter des facultés altérées par leurs troubles psychiques. Les médecins respectent les principes de morale et de bienfaisance, qui protègent le patient affaibli et s’inscrivent dans une tradition de solidarité. Toutefois, cette

médecine est parfois perçue comme quelque peu infantilisante : la phrase « Faites-moi confiance, je sais ce qui est bon pour vous » a été adressée à des générations de malades… Mais ce mode de relation évolue du fait de la pression du patient-consommateur de soins, des associations de familles et des usagers qui demandent de plus en plus à participer au suivi et au déroulement du traitement. Le plus ancien, le modèle du médecin décideur, appelé aussi modèle paternaliste, repose sur le constat d’une dissymétrie foncière entre médecin et patient. L’un a le savoir scientifique, la compétence pratique, la distance nécessaire pour juger, tandis que l’autre ne connaît de sa pathologie que ses symptômes, et est perturbé par sa souffrance. Ainsi, le médecin prend les décisions tout en respectant un principe de bienfaisance, le principe du respect de la dignité et de l’intégrité humaines, qui était le principe de non-commercialisation du corps humain; le principe d’autonomie ou le droit à l’autodétermination sur la base d’informations exhaustives et correctes; les principes de justice et de solidarité en ce qui concerne l’accès équitable aux services de soins de santé; ce principe de bienfaisance, ou l’obligation de faire le bien d’autrui, en particulier dans le domaine des soins de santé; le principe de non-malfaisance, ou l’obligation de ne pas nuire à autrui, y compris l’obligation de protéger les groupes et individus vulnérables et de respecter la vie privée et la confidentialité.

Le Principe de Bienfaisance :

Le principe de bienfaisance pourrait être explicité comme étant : a. le devoir de ne pas nuire ;

c. le devoir de supprimer le mal ou la souffrance ; d. le devoir de faire le bien ou de promouvoir le bien.

Le serment d’Hippocrate [23] inclut d'ailleurs à ce propos le surtout ne pas nuire [en latin primum non nocere].

Le Pr. Louis Portes, Président de l’Ordre des Médecins français 1950,déclara, en s’appuyant sur une analyse de psychologie médicale, partant du constat que la souffrance trouble profondément la capacité à juger et décider par soi-même : « Face au patient, inerte et passif, le médecin n’a en aucune manière le sentiment d’avoir à faire à un être libre, à un égal, à un pair, qu’il puisse instruire véritablement. Tout patient doit être pour lui comme un enfant à apprivoiser, non certes à tromper - un enfant à consoler, non pas à abuser - un enfant à sauver, ou simplement à guérir. ».

« Je dirai donc que l’acte médical normal n’étant essentiellement qu’une confiance qui rejoint librement une conscience [celle du médecin]».

Ce modèle porte bien ses deux appellations de modèle du médecin décideur et de modèle paternaliste.

Cette orientation a des implications importantes tant sur l’information que sur la délibération et la décision. Concernant l’information, la version la plus traditionnelle de ce modèle constate la différence de connaissances et l’accepte comme un impondérable. Il n’y a donc pas d’échange d’information à proprement parler, ce qui entraîne aussi l’idée d’une confiance totale et nécessaire du patient en son médecin. D’où la formule du Pr. Portes : une confiance qui rejoint une conscience. Il convient d’ajouter que le modèle

aujourd’hui ceci : « Le médecin doit à la personne [...] qu'il soigne [...], une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.» [26].Ainsi, une place est faite à l’information, laquelle ne va toutefois que dans un seul sens : du médecin au patient. En second lieu, concernant la délibération, c’est-à-dire la réflexion sur le diagnostic et le traitement, le modèle paternaliste, dans sa version la plus traditionnelle, considère que le patient, dépourvu de savoir et affecté par la souffrance, n’est pas en état de délibérer. Ce rôle est assumé uniquement par le médecin. Au cours des dernières décennies, cette restriction s’est assouplie, tout en gardant son fond paternaliste, à savoir l’idée que la conscience du patient n’est pas vraiment en état de délibérer pleinement. En troisième lieu, concernant la décision, le modèle paternaliste, comme son nom l’indique, place le patient dans un statut infantile, assimilable à une personne mineure devant être prise en charge par une personne majeure, seule apte à décider pour elle. Le médecin est censé mieux savoir ce qui est bon pour le patient que le patient lui-même. La décision, pleine et entière, revient au médecin. D’où ce vocabulaire courant de l’« ordonnance », de la « prescription », etc. Le médecin ordonne, le patient obéit. Là encore, cette directivité est aujourd’hui atténuée, puisque le consentement éclairé du patient est désormais exigé lorsqu’il est possible, et il n’est plus question d’amoindrir son statut de majeur. On peut toutefois remarquer que ce cadre rénové où le médecin propose et où le patient consent [ou ne consent pas], conserve la même direction décisionnelle : le médecin a l’initiative de la décision, et le patient, s’il ne consent pas, se trouve considéré en refus de soin, avec le risque d’être délaissé. Dernière remarque, si nous prenons un peu de recul vis-à-vis de ce modèle, en

particulier dans le cas d’une relation hors hospitalisation, la toute-puissance paternaliste du médecin s’avère en partie illusoire : bien des patients ne suivent pas leurs « ordonnances » comme des ordres, et ce pouvoir de décision du patient doit être pris en compte. Cette insubordination cachée, de plus, n’est pas due seulement à une affectivité irrationnelle du patient, mais aussi à des raisons personnelles relatives à ses valeurs et à ses conditions de vie. Ainsi, à partir du moment où on accepte que le patient puisse exercer ce pouvoir de modulation de la décision médicale, on peut se demander si tout le modèle paternaliste ne vacille pas. Comment un patient, assez peu informé, écarté de la délibération, peut-il moduler correctement la prescription pour l’intégrer dans ses habitudes de vie et la rendre compatible avec ses choix personnels, sans risquer de tomber dans un soin de mauvaise qualité ? Outre son aspect un peu despotique et infantilisant, c’est un des écueils qui ont conduit ce modèle à s’assouplir, à reconnaître le devoir d’informer, et à envisager d’autres modèles de relation.

Les raisons du passage du modèle paternaliste au modèle autonomiste : Longtemps un certain paternalisme médical a prévalu, le médecin imposant au malade, parfois sans explications, la décision qu’il jugeait la meilleure. Or dans la deuxième moitié du 20ème siècle ce modèle n’étant plus satisfaisant pour de nombreux raisons

Premièrement, la médecine a progressé de façon exponentielle durant le vingtième siècle, on est passé d'une médecine empirique à une médecine devenue science. Les progrès ont permis une meilleure précision dans les diagnostics et les pronostics et ont de cette façon posé le problème de l'information donnée au patient.

Deuxièmement, avec la découverte de l’anesthésie et de l'asepsie, les progrès de la chirurgie rendent la médecine plus efficace mais aussi plus invasive dans ses moyens opératoires, exploratoires et chimiques, appelant ainsi au consentement du patient. La notion de « consentement aux soins « apparaît dans la jurisprudence française dès 1936. Reprise en 1957 dans une loi Californienne Loi de Californie 1957 (Informed Consent) elle a rapidement bénéficié d’un consensus International.

Devenue la pierre angulaire de l’Ethique occidentale et reconnaissant au patient le droit d’être clairement et totalement informé et celui d’accepter ou de refuser les examens ou les traitements qui lui sont proposés elle a sonné le glas du modèle paternaliste. Troisièmement, la société évolue elle aussi : le consumérisme, l'augmentation des connaissances et de l'autonomie des citoyens, l'accès facilité à l'enseignement et à l'information médicale et les évolutions des conceptions politiques, religieuses et philosophiques permettent aux citoyens-patients de s'impliquer dans leur propre prise en charge.

Parallèlement à ces évolutions, différents textes de références viennent s'ajouter durant la deuxième moitié du vingtième siècle. En exemple nous citerons les codes et lois appliquées dans le système français devenus des références universelles dans le domaine :

‐ Code de Nuremberg (critère à respecter dans la recherche sur les êtres humains) Le « code de Nuremberg » est une liste de dix critères contenue dans le jugement du procès des médecins de Nuremberg (décembre 1946 - août 1947). Ces critères indiquent les conditions que doivent satisfaire les expérimentations pratiquées sur l'être humain pour être considérées comme « acceptables »

‐ déclaration d’Helsinki [1964](La déclaration d'Helsinki (Document 17.C) est un document officiel de l'Association médicale mondiale, représentante des médecins dans le monde. Adoptée en 1964 à Helsinki (Finlande), elle fut révisée plusieurs fois lors d'assemblées générales) : respect de la dignité de la personne, respect de l'autonomie, consentement obligatoire pour tout acte médical

‐ code civil de santé publique : responsabilité civile et administrative du médecin selon les lois nationales de chaque pays.

‐ code de déontologie médicale : responsabilité disciplinaire du médecin ‐ loi Huriet [1988] et de bio-éthique [1994]La loi du 20 décembre 1988

relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet ou loi Huriet-Sérusclat, est une loi française qui vise à réglementer certains aspects relatifs à la bioéthique. Promulguée sous le gouvernement Rocard six mois après les législatives de juin, cette loi est la première à fixer un cadre légal aux essais cliniques en France. : protection des personnes dans le cadre de la recherche médicale et gratuité du don d'organes

‐ loi Léonetti [2005] La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, est une loi française adoptée le 12 avril 2005, promulguée le 22 avril 2005 et publiée au Journal officiel le 23 avril 2005. Cette loi est promulguée à la suite de la Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 : droits des malades en fin de vie.

Progressivement la société a modifié ses normes, privilégiant la notion de contrat de soins officialisée par toute une série de dispositions légales reconnaissant au malade des droits de plus en plus étendus et imposant au médecin des contraintes de plus en plus lourdes. De malade confiant dans la décision médicale le patient est devenu partenaire autonome, puis codécideur, enfin usager consommateur de soins. La dérive est manifeste. Cette médecine judiciarisée, contractualisée et consumériste porte en elle une triple menace :

‐ Elle introduit un climat de méfiance entre le corps médical et les malades.

‐ Elle réduit le rôle du médecin à celui d’un simple prestataire de services et risque d’éloigner les étudiants motivés du choix des professions de santé.

‐ Elle entraîne une augmentation des dépenses de santé de plus en plus difficiles à maîtriser en raison d’une inadéquation croissante entre les exigences démesurées de soins et les ressources limitées dont le pays dispose pour les satisfaire. C’est dans ce contexte que se situe la communication, véritable outil qui devrait permettre de réorienter la relation Soignant-Soigné.

2. Modèle autonomiste ou modèle consumériste de l’Amérique du