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Modèle autonomiste ou modèle consumériste de l’Amérique du Nord

PREMIERE PARTIE: ASPECTS THEORIQUES

LE MAROC EN CHIFFRE [13]

II. EVOLUTION DE LA RELATION MEDECIN PATIENT

2. Modèle autonomiste ou modèle consumériste de l’Amérique du Nord

Dans ce modèle, médecin et malade interagissent sur un pied d’égalité, la recherche du consentement et le respect absolu des libertés individuelles constituant le fondement de leur relation.

Le malade n’est plus un patient, mais un client. C’est ainsi, par exemple, que l’hospitalisation sans consentement ne peut être imposée que si le patient est dangereux pour lui et pour autrui. La législation de certains États impose le recueil écrit du consentement du sujet dans le cadre de l’administration éventuelle d’un traitement antipsychotique. Dans un pays où les plaintes judiciaires et les poursuites à l’encontre des médecins sont banalisées et fréquentes, la relation thérapeutique est avant tout une relation de consommation. Le médecin est un prestataire de services, qui adopte plutôt une position défensive face à un patient qui peut se transformer en accusateur. Les médecins informent, mais en se protégeant au maximum et toujours avec la crainte d’un éventuel procès. Quand un médecin prescrit un traitement, il doit énoncer tous les effets secondaires possibles, à court et moyen termes. Pour les psychiatres américains, les dyskinésies tardives [des mouvements incontrôlables et gênants] dues aux neuroleptiques classiques ont causé de multiples actions en justice, alors même qu’ils sont beaucoup moins prescrits qu’en Europe. Ainsi, souvent, le médecin limite l’information à l’énoncé du risque thérapeutique, tout ce qu’il pourrait dire d’autre pourrait être retenu contre lui. De plus, les psychiatres américains sont tenus d’informer leurs patients des diverses solutions alternatives possibles, et il est vivement conseillé d’énoncer le diagnostic en s’appuyant sur les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM IV. (Il est utilisé internationalement comme référence pour les diagnostics des troubles mentaux (ou psychiatriques). Il catégorise ces troubles mentaux, décrit leurs critères diagnostiques et fournit diverses informations telles que leur prévalence.

Le DSM-5 a été publié en mai 2013. Le DSM-IV a été publié en 1994 et révisé (DSM-IV-TR), de façon mineure, en 2000. Le DSM-I a été publié en 1952, le DSM-II en 1968 et le DSM-III en 1980. (Pour le DSM-5, les chiffres romains ayant été abandonnés.)

Par ailleurs, les patients américains conservent un droit de propriété sur l’information contenue dans leur dossier ; ils peuvent y avoir accès et en obtenir une photocopie. En France, l'article L1111-7 du Code de la santé publique pose le principe de l'accès au dossier médical, qui doit comprendre les informations « formalisées qui ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic, du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d’échanges écrits entre professionnels de santé ». Par ailleurs, l’information doit être standardisée, rendue la plus objective possible, éviter toute connotation subjective du médecin [par exemple, éviter les commentaires sur l’état d’humeur du patient, par exemple ne pas indiquer une suspicion d’état dépressif]. Une telle exigence tend à limiter le dossier aux seuls éléments « professionnels ». Ainsi, seules les informations objectives et nécessaires à la prise en charge du malade figurent dans le dossier médical. Développé en réaction contre le modèle paternaliste, le modèle du patient décideur [appelé aussi « modèle informatif »] entend donner au patient une souveraineté pleine et entière en matière de décision. De ce fait, ce modèle transpose à la relation médicale le modèle plus général du contrat de prestation de service. L’acteur central, principal, est le patient-client. Le médecin est expressément assimilé à un prestataire au service de son client. Concernant l’information, le médecin doit apporter au patient toute l’information nécessaire. Il ne s’agit pas seulement de décrire le traitement recommandé par la connaissance médicale, mais aussi ses alternatives. En

somme, le médecin à le devoir de présenter le diagnostic, de bien le faire comprendre, mais il n’a pas à exprimer de choix de traitement ou de préférences personnelles. L’accent est donc mis sur la qualité de l’information. Muni de toutes les informations et après avoir posé toutes les questions qu’il veut, c’est le patient qui choisit entre les différentes options.

Le principe de ce modèle réside dans l’aptitude qu’aurait le patient lui-même à mettre en relation ses propres valeurs et les propositions thérapeutiques, avec leurs avantages et leurs inconvénients. D’une part, puisqu’il s’agit de sa vie et qu’il est le premier concerné, il serait légitime qu’il décide ; d’autre part, étant le seul à bien connaître ses préférences de vie, son contexte personnel et social, il serait le seul à pouvoir bien appréhender les retentissements des traitements dans sa vie quotidienne.

Si ce modèle convient à certains patients qui mettent fortement en avant leur autonomie, il faut reconnaître qu’en pratique il se heurte à plusieurs limites. La compréhension des propositions est toujours imparfaite ; il existe toujours une asymétrie de connaissance entre le médecin et le patient. Mais là n’est sans doute pas l’écueil principal : il n’est pas évident qu’un patient qui souffre, ou qui est sous le choc émotionnel de l’annonce d’une maladie grave, soit dans une situation psychologique où il puisse réfléchir et décider sereinement. Entre l’idéal de rationalité de l’agent libre et la réalité de la psyché en souffrance du patient, il y a une réelle différence. De même, il n’est pas évident qu’un patient puisse facilement faire le lien entre sa propre vie concrète et l’énoncé abstrait des conséquences des traitements, en réalisant pleinement ce qu’elles peuvent impliquer pour lui. Enfin, les essais de ce modèle montrent qu’il peut être

doute et la culpabilité éventuelle d’avoir fait un mauvais choix

Les concepts du modèle :

Ce modèle peut être illustré par la pratique anglo-saxonne et notamment par celle des États-Unis. Il est basé sur trois concepts reliés logiquement :

o l'autonomie

o l'identité personnelle o le rapport du corps L'autonomie :

L'autonomie est avant tout une conception politique, elle est la base de l'individualisme et du libéralisme. Chaque individu est indépendant, détermine lui-même ce qu'est le bien pour lui et a donc la liberté d'avoir des préférences. L'accomplissement de celles-ci se gère par la négociation avec les autres individus qui eux aussi ont leurs propres préférences. Cette négociation s’opère sans qu'une entité supérieure n'impose un mode de pensée et une vision du bien commun. En bref, l'état est arbitre et non promoteur de valeurs. Pour reprendre le modèle américain, une Commission Présidentielle affirme en 1982 « le droit de l’individu de définir et de poursuivre sa propre vision de ce qui est bon ».

En pratique médicale on doit donc respecter la liberté du patient. Cela veut-il dire que le médecin doit respecter les choix du patient même s’veut-il les juge irrationnels ? Comme par exemple refuser une transfusion sanguine, refuser un traitement bénin ou encore prendre des risques disproportionnés.

L’Identité personnelle :

Dans le modèle anglo-saxon l'individu a une responsabilité vis à vis de ses actes et engagements passés. Nous sommes alors dans une vision statique de l’identité : le présent est déterminé par le passé. Le passé n'est pas pensé comme révolu, il est une négation de l’écoulement du temps, il est une permanence du présent. Aux Etats-Unis, le Patient Self-Determination Act [32] voté en 1991 impose aux hôpitaux ou autres établissements de santé l'information des patients sur les soins médicaux et sur les droits d'y consentir. Les patients expriment donc un « living will » directive anticipée [33] qu'on peut traduire par testament de vie.

Dans ce testament, le patient exprime ses souhaits concernant les soins, la réanimation ou encore le maintien en vie. Mais la personne bien-portante signant son testament de vie et le patient arrivant en réanimation sont-ils la même personne ? N'y a-t-il pas un droit à changer et à faire des choix différents lorsque l'on est réellement confronté à la situation ?

Le rapport du corps :

La notion de l'homme ayant un droit de propriété sur son corps découle de l’Habeas Corpus [34], droit constitutionnel anglais fondamental. Dans ce système, la médecine transgresse l'interdit d'influer sur le corps de l'autre. Il faut donc un consentement ou même un « contrat » entre le patient et son médecin. Le médecin propose une « prestation »: le traitement. Dans cette logique le corps devient un objet, comme une maison par exemple dans laquelle le médecin est l'artisan chargé de détruire une cloison et réaménager la pièce, le corps devient alors une marchandise monnayable comme par exemple aux États-Unis lors des

on peut faire commerce Le corps humain nous appartient-il comme un objet? En conclusion, ce système autonomiste pose un certain nombre de questions à la fois philosophiques et politiques. Malgré son application dans les pays anglo-saxons, ce modèle ne peut pas être suivi entièrement ailleurs.