1.3 Application à la modélisation des joints de flexion
1.3.1 Modèle 2D : le modèle coin-coin
Soit le repère cartésien (e
1,e
2,e
3). On travaille dans le plan (e
1,e
2) et on suppose
que les dérivées spatiales par rapport à x
3sont nulles. On assume une distribution
continue de désinclinaisons coins dont la ligne est perpendiculaire à la figure et la
discontinuité de rotation autour de cette même direction. Une telle ligne de
désincli-naison est représentée par le tenseur de densité de désinclidésincli-naisonsθ qui ne possède
qu’une seule composante θ
33telle que θ = θ
33e
3⊗e
3. La condition de continuité
divθ =0conduit à la conditionθ
33,3= 0 qui est satisfaite (ligne de désinclinaisons
supposées infiniment rectilignes). Les équations d’incompatibilité1.73des courbures
élastique et plastique se réduisent à la détermination de seulement deux composantes
(κ
e31,κ
e32) et (κ
p31,κ
p32) :
θ
33=κ
p31,2−κ
p32,1=−κ
e31,2+κ
e32,1. (1.124)
L’équation de transport de la densité de désinclinaisons θ
33prend la forme :
˙
θ
33= ˙κ
p31,2−κ˙
p32,1. (1.125)
En notation indicielle, l’équation 1.86 s’écrit ˙κ
pij= e
jklθ
ikV
θl
. Cette relation
donne les expressions des vitesses de courbures plastiques engendrées par le
mouve-ment des désinclinaisons coins :
˙
˙
κ
p32=θ
33V
1θ. (1.127)
D’après 1.120 et1.123, les vitesses des désinclinaisons vérifient :
V
1θ= 1
B
θM
32θ
33(1.128)
V
2θ=− 1
B
θM
31θ
33(1.129)
L’équation de transport des dislocations 1.99 montre que la mobilité 1.126 et
1.127 des désinclinaisons coins génère des densités de dislocations coins α
13et α
23.
Ces deux densités représentent respectivement des lignes de dislocations coins avec
une ligne perpendiculaire au plan (e
1,e
2) et un vecteur de Burgers parallèle à e
1et e
2. En combinant ces deux densités, il est donc possible de modéliser n’importe
quel vecteur de Burgers dans le plan. Les dislocations coins peuvent se déplacer et
générer des vitesses de déformation plastique ( ˙ε
p11, ˙ε
p12, ˙ε
p21, ˙ε
p22) :
˙
ε
p11=−α
13V
2α(1.130)
˙
ε
p12= ˙ε
p21= 1
2(α
13V
α 1−α
23V
2α) (1.131)
˙
ε
p22=α
23V
1α(1.132)
˙
ε
p11et ˙ε
p22proviennent des mouvements de type montée ou diffusion (mouvement
perpendiculaire à la ligne et au vecteur de Burgers) des dislocations coins (α
13,
α
23) tandis que le glissement de ces dislocations induit une vitesse ˙ε
p12. La trace du
tenseur des vitesses de courbures plastiques étant nulle, les équations de transport
des densités de dislocations sont réduites à :
˙
α
13= ˙ε
p11,2−ε˙
p12,1+ ˙κ
p31(1.133)
˙
Les relations1.120et1.122fournissent les vitesses de dislocations pour les
mou-vements de type montée :
V
1α= 1
B
ασ
22α
23(1.135)
V
2α=− 1
B
ασ
11α
13(1.136)
et pour le glissement des dislocations :
V
1α= 1
B
ασ
12·α
13(1.137)
V
2α=− 1
B
ασ
12·α
23(1.138)
On assume que les coefficients de viscosité sont les mêmes pour les dislocations
et les désinclinaisons : B
θ= B
α= B. Les contraintes et moments de contraintes
impliqués dans ce problème 2D sont (T
11, T
12, T
21, T
22) et (M
dev31
, M
dev 32). L’équation
d’équilibre 1.110 devient :
T
11sym,1+T
12sym,2+1
2(M
dev 31,1+M
32dev,2)
,2= 0 (1.139)
T
21sym,1+T
22sym,2−1
2(M
dev 31,1+M
32dev,2)
,1= 0, (1.140)
Nous nous concentrons maintenant sur les lois d’élasticité constitutives 1.104
et 1.105. Il a été récemment montré par Upadhyay que les tenseurs B et D sont
nuls dans le cas isotrope et centrosymétrique [Upadhyay,2013]. Cependant, en
pré-sence de dislocations et de désinclinaisons, la centrosymétrie cristalline est rompue
au niveau du cœur de défauts et ces tenseurs d’élasticité sont à priori non nuls
dans ces régions. On rappelle que les dimensions des tenseursA et (B,D) sont une
contrainte multipliée par une longueur au carré et une contrainte multipliée par une
longueur. Cela suggère l’existence d’une longueur interne caractéristique à
l’élas-ticité au niveau des défauts et aussi du caractère non local de l’élasl’élas-ticité. La non
localité se manifeste clairement au travers de la définition du vecteur de Burgers1.97
qui montre que des fortes variations des courbures élastiques peuvent générer des
déformations élastiques
0e= (κ
te
×r)
tqui s’ajoutent aux déformations élastiques
elocaux entre courbures et déformations. Une première expression pour ces tenseurs
a été récemment proposée [Fressengeas,2014a, Taupin,2014]. Dans ce modèle 2D, le
déplacement infinitésimal du =
0e.dr = (κ
te×r)
t.dr provenant de l’hétérogéneité
des courbures (κ
e31
, κ
e32
) sur le vecteur r= (r
1, r
2) est :
du
1=
011edr
1+
012edr
2=−κ
e31r
2dr
1−κ
e32r
2dr
2(1.141)
du
2=
021edr
1+
022edr
2= +κ
e31r
1dr
1+κ
e32r
1dr
2. (1.142)
Le tenseur des contraintes (voir équation 1.104) peut donc avoir la forme :
T
11sym= C
1111e11
+C
1122e22
−D
1131κ
e31(1.143)
T
12sym= C
1212e12
+C
1221e21
+D
1231κ
e31−D
1232κ
e32(1.144)
T
21sym= C
2112e12
+C
2121e21
+D
2131κ
e31−D
2132κ
e32(1.145)
T
22sym= C
2211e11
+C
2222e22
+D
2232κ
e32. (1.146)
D’une façon similaire, la rotation infinitésimale dω = κ
0e.dr = r ×
e.dr/r
2induite par l’hétérogénéité des déformations (
e21
,
e22
) and (
e11
,
e12
) produit des
cour-bures (κ
031e, κ
032e) :
dω
3= 1
r
2(r
1e21
−r
2e11
)dr
1+ 1
r
2(r
1e22
−r
2e12
)dr
2=κ
031edr
1+κ
032edr
2(1.147)
Ainsi, on peut supposer que la forme des moments de contraintes (voir équation
1.105) est :
M
31dev= A
3131κ
e31−B
3111e11
+B
3112e12
+B
3121e21
(1.148)
M
32dev= A
3232κ
e32−B
3212e12
−B
3221e21
+B
3222e22
. (1.149)
On assume la symétrieB
ijkl=D
klij. Par exemple,D
1131=B
3111, ce qui donne en
utilisant les relations 1.141 et 1.147 : −D
11310r
2=−B
31110/r
2. Ainsi :B
31110/D
11310=
r
2. La même valeur r
2caractérise tous les modules élastiques. La distance r =||r||
est la longueur interne caractéristique de l’élasticité non locale au niveau du cœur
des défauts. Elle doit être de l’ordre des distances inter-atomiques et contrôle la
portée de la non localité. Pour le cuivre [Fressengeas,2014a], on peut prendre la
valeur r = 0.5 Å provenant d’estimations récentes [Maranganti,2007]. Nous avons
donc pour les composantes non nulles des tenseurs (A,B,D) les valeurs A
ijkl=
µr
2, B
ijkl= D
klij= µr. Pour le tenseur C, l’élasticité isotrope linéaire et
homo-gène est utilisée. La figure 1.9 montre la toute première application de ce modèle
[Fressengeas,2011a]. Les tenseursBetD sont nuls pour cette simulation. Un dipôle
de densité de désinclinaisonsθ
33initialement compact et placé au centre d’une boîte
de simulation se relaxe et s’étale par transport sous son propre champ de moments
de contraintes. Durant ce processus, des densités de dislocations coins sont nucléées
et ces dernières sont contenues à l’intérieur du dipôle de désinclinaisons. Tout cet
ensemble de défauts converge vers une structure organisée et d’énergie plus faible
que la configuration initiale, et la valeur de l’énergie élastique de la structure obtenue
est plus raisonnable que celle prédite par les théories élasto-statiques des
désincli-naisons [Romanov,1992, Romanov,2009]. On voit bien aussi sur cette figure que la
relaxation par nucléation de dislocations génère un vecteur de Burgers
perpendicu-laire au bras du dipôle, ce qui traduit un gradient de rotation élastique au travers du
dipôle. Autrement dit, la relaxation du dipôle modifie localement la désorientation
élastique.
Figure1.9 – (A) : Dipôle de désinclinaisonsθ
33et distributions de densités de
dis-locations coinsα
13, α
23après auto-relaxation d’un dipôle initial compact. Le dipôle
de désinclinaisons est en couleur et les flèches représentent les vecteurs de Burgers
associés aux densités de dislocations. (B) : Rotation ω
3et champ de vecteur de
Burgers dans le domaine. La rotation est en couleur et les flèches représentent le
champ de vecteur de Burgers. D’après [Fressengeas,2011a].
1.3.2 Modélisation de la structure de cœur et de l’énergie
Dans le document
Modélisation de l’interaction des coeurs de dislocations et des joints de grains
(Page 69-74)