Dans l’hypothèse des petites déformations, le vecteur champ de déplacement
u a une valeur unique et est défini continu en tout point du cristal. Le tenseur
de distorsion défini comme le gradient du déplacement U=grad u est un tenseur
compatible et il en résulte la condition suivante :
rot U=0 (3.1)
Le tenseur de déformationεest la partie symétrique deU, le tenseur de rotation
ω représente sa partie antisymétrique. Un vecteur de rotation noté ω~ est associé à
ω :
~
ω=−1
2 ω:X=
1
2rot u (3.2)
Admettre que le vecteur champ de déplacement et par conséquent le vecteur
champ de rotation sont définis continument et uniquement en tout point du
cris-tal, y compris entre les atomes, équivaut à supposer que la matière est capable de
transmettre des contraintes et des moments de contraintes à cette échelle même en
dessous d’une échelle de longueur inter-atomique. De telles hypothèses de continuité
ont été faites bien auparavant par [Schrödinger,1927,Feynman,1939] et [Pauli,1933]
en définissant la pression et les contraintes dans les systèmes quantiques et discutées
plus tard de façon plus approfondie par [Nielsen,1985] dans la définition du tenseur
des contraintes dans la théorie de mécanique quantique des contraintes. Comme déjà
mentionné, la prise en compte des moments de contraintes à un point donné reflète
des forces mécaniques appliquées à des points distants du domaine et ceci revient à
introduire de la non localité dans la description de l’état mécanique du domaine.
Les dislocations sont introduites par l’utilisation du tenseur de densité de
dis-location de second ordreα [Nye,1953]. Dans un repère orthonormé (e
1,e
2,e
3), les
composantes de ce tenseur vérifient α
ij= b
it
j. b
iest le vecteur de Burgers de la
dislocation suivant la directione
ipar unité de surface de résolution et t
json vecteur
ligne le long de la directione
j. Dans ce travail, l’échelle de résolution sera très petite,
en dessous de l’amplitude du vecteur de Burgers. Par conséquent, une seule
disloca-tion sera décrite par une distribudisloca-tion spatiale appropriée de densité de dislocadisloca-tion
en tout point de sa région de cœur, chaque valeur locale étant une partie
différen-tielle du vecteur de Burgers total de la dislocation. En revanche, lorsque l’échelle de
résolution est mésoscopique, la valeur locale de la densité de dislocation va plutôt
représenter le vecteur de Burgers net d’un ensemble de lignes de dislocations
po-larisé. Puisqu’une discontinuité de déplacement élastique et plastique est associée
à la présence d’une densité de dislocation polaire, les composantes élastique U
eet
plastique U
pde la distorsion totale Ucontiennent en plus des parties compatibles
U
keet U
kpqui sont des tenseurs gradients, des parties incompatibles U
⊥eet U
⊥p.
Ces derniers tenseurs ne sont pas des tenseurs gradients. D’après [Acharya,2001], les
relations suivantes peuvent alors s’écrire :
U = U
e+U
p(3.3)
U
e= U
⊥e+U
ke(3.4)
U
p= U
⊥p+U
kp(3.5)
0 = U
⊥e+U
⊥p(3.6)
rot U
⊥e= −rot U
⊥p=α6=0 (3.7)
L’équation d’incompatibilité 3.7 définit la distorsion plastique incompatible U
⊥passociée à la présence du tenseur de densité dislocation alors que l’équation3.6définit
la distorsion élastique incompatibleU
⊥e
qui doit compenserU
⊥p
pour que la condition
de continuité du déplacement total exprimée par l’équation 3.1 soit respectée. Les
distorsions élastiques U
keet plastiques U
kpétant des tenseurs gradients, l’équation
3.7 peut encore s’écrire sous la forme :
rot U
e=−rot U
p=α (3.8)
Comme indiqué ci dessus, le vecteur champ de rotation ω~ est continu et possède
une valeur unique dans le domaine. Le gradient de ce vecteur est le tenseur des
courbures de second ordre κ:
κ=grad ˜ω. (3.9)
Le tenseur de courbure total est donc un tenseur compatible. Pour introduire
les désinclinaisons, nous utilisons le tenseur de densité de désinclinaisons de second
ordre θ [deWit,1970]. Comme le tenseur de densité de dislocation, θ aussi est une
densité surfacique. En termes de composantes :
θ
ij= Ω
it
j(3.10)
où Ω
iest le vecteur de Frank de la désinclinaison suivant la directione
ipar unité
de surface de résolution et t
json vecteur de ligne suivant la direction e
j. Ici aussi,
lorsque l’échelle de résolution est très petite, une seule désinclinaison est décrite par
une distribution spatiale de densité de désinclinaison sur toute sa région de cœur,
chaque valeur locale portant un vecteur de Frank élémentaire de la désinclinaison
totale. Cependant, pour une échelle de résolution mésoscopique, la valeur locale de
la densité de désinclinaison représente plutôt le vecteur de Frank net d’un ensemble
de lignes de désinclinaisons polarisé. Étant donné qu’une discontinuité de rotation
élastique et plastique est associée à la présence d’une densité de désinclinaison, les
composantes plastiqueκpet élastiqueκedu tenseur de courbure totaleκcontiennent
en plus des parties compatibles κ
keet κ
kp, des parties incompatibles κ
⊥eet κ
⊥pqui
ne sont pas des tenseurs gradients. Par conséquent les relations suivantes peuvent
s’écrire :
κ = κe+κp (3.11)
κ
e= κ
⊥e+κ
ke(3.12)
κ
p= κ
⊥p+κ
kp(3.13)
0 = κ
⊥e+κ
⊥p(3.14)
rotκ
⊥e= −rotκ
⊥p=θ 6=0. (3.15)
L’équation d’incompatibilité 3.15 définit la courbure plastique incompatible
as-sociée à la présence du tenseur de densité de désinclinaison alors que l’équation3.14
définit la courbure élastique incompatible qui doit compenser la partie plastique
incompatible pour assurer la continuité de la rotation totale. Comme les courbures
élastique et plastique compatibles sont des tenseurs gradients, l’équation3.15 peut
encore s’écrire :
rotκ
e=−rotκ
p=θ. (3.16)
Une autre conséquence importante résultant de la discontinuité de la rotation
élastique et plastique est que les tenseurs de distorsions élastique et plastique ne
peuvent plus être définis. On peut seulement évaluer les tenseurs de déformation
élastique et plastique qui possèdent des valeurs uniques. Ainsi, l’équation
d’incom-patibilité 3.8 devient [deWit,1970] :
rot
e= +α+κ
te−tr(κ
e)I (3.17)
rot
p= −α+κ
tp−tr(κ
p)I. (3.18)
La discontinuité de rotation élastique due à la présence des désinclinaisons est le
vecteur de Frank défini par :
Ω=
Z
C
κ
e·dr. (3.19)
La discontinuité de déplacement élastique due aux dislocations est le vecteur de
Burgers b :
b=
Z
C
(
e−(κ
te×r)
t)·dr, (3.20)
où r est un vecteur position. Il est à noter que b contient une contribution non
locale de la déformation provenant de la non uniformité des courbures élastiques
dans la région de cøeur des défauts [deWit,1970]. Cependant, tout comme le vecteur
de Frank Ω, b est une mesure ponctuelle de l’incompatibilité de réseau. Soit S
la surface de normale unitaire n délimitée par la courbe fermée C. En appliquant
respectivement le théorème de Stokes au second membre des équations3.19et3.20,
on obtient successivement :
Ω =
Z
Sθ·ndS, (3.21)
b =
Z
S(α−(θ
t×r)
t)·ndS. (3.22)
A l’opposé des vecteurs de Burgers et de Frank, les densités de désinclinaisonsθet
de dislocationsαsont des représentations tensorielles continues de l’incompatibilité.
Elles fournissent une régularisation naturelle des vecteurs de Frank et de Burgers
qui sont de natures discontinues et singulières. Le tenseur d’incompatibilité η est
défini comme :
η=curl curl
te
−curlκ
e. (3.23)
Ce tenseur est une mesure combinée de l’incompatibilité résultant des
disloca-tions et des désinclinaisons. En utilisant les équadisloca-tions 3.16 et 3.17, il peut encore
s’écrire en termes de tenseurs de densité de dislocations et de désinclinaisons :
η=curl(1
2tr(α)I−α
t)−θ. (3.24)
Dans le document
Modélisation de l’interaction des coeurs de dislocations et des joints de grains
(Page 124-128)