1.2 Théorie des champs continus de désinclinaisons et de dislocations
1.2.4 Impact des désinclinaisons sur la théorie des champs de dislo-
θ =rot f =−rot(θ×V
θ). (1.85)
L’équation1.85est l’équation de transport des densités de désinclinaisons.
Com-parée avec la dérivée par rapport au temps de l’équation1.73, on en déduit que :
˙
κ
p=θ×V
θ. (1.86)
˙
κ
pest le tenseur des vitesses de courbures plastiques engendré par le mouvement
des densités de désinclinaisons. C’est une relation de type Orowan généralisée, mais
pour les désinclinaisons et les courbures. On peut facilement comprendre d’après
cette relation, en imaginant un joint de grain composé de désinclinaisons, que le
mouvement de ces dernières lors d’une sollicitation mécanique par exemple, va créer
des courbures et donc modifier les champs de rotations au niveau du joint de grain.
1.2.4 Impact des désinclinaisons sur la théorie des champs
de dislocations
Lorsque le circuit C englobe à la fois des dislocations et des désinclinaisons,
les équations d’incompatibilités rot U
e= −rot U
p= α de la théorie des champs
de dislocations sont modifiées [deWit,1970]. En effet, comme les vecteurs rotations
élastique et plastique (ω~
e, ~ω
p) sont discontinus en présence de désinclinaisons, les
tenseurs de distorsions élastique U
eet plastique U
psont alors indéfinis et seules
les déformations élastique et plastique peuvent être définies. En remplaçant dans les
équations1.32 et1.33 (gradω~
e, gradω~
p) par les courbures élastique et plastique
(κ
e, κ
p) qui comportent maintenant des parties incompatibles, on doit écrire :
rotε
p=−α+κ
tp−tr(κ
p)I, (1.87)
rotε
e=α+κ
te−tr(κ
e)I, (1.88)
L’équation1.87définit la déformation plastique incompatible associée au tenseur
de densité de dislocationαdans la présence simultanée d’une courbure plastique
tan-dis que l’équation 1.88 détermine la déformation élastique incompatible nécessaire
pour assurer la continuité de la matière en présence de dislocations et de
désinclinai-sons. Les équations 1.73 [Beausir,2013] et 1.88 [Pantleon,2008] ont été récemment
utilisées pour estimer respectivement les tenseurs de densité de désinclinaisons et
de dislocations dans les matériaux cristallins à partir des cartes EBSD, c’est à dire
à partir des cartes de rotations élastiques (les déformations élastiques sont
négli-gées). Quelques résultats sont présentés sur la figure 1.7 [Beausir,2013]. A l’échelle
de résolution de l’EBSD, on voit que les joints de grains sont décorés de densités
de dislocations qui accommodent les gradients de rotations au travers des interfaces
et de densités de désinclinaisons qui accommodent des variations de rotations le
long des interfaces. On observe également des désinclinaisons au niveau des nœuds
triples.
Nous ré-exprimons maintenant le tenseur d’incompatibilité η. L’action de
l’opé-rateur rotationnel sur l’équation 1.39 donne :
rotκ
p=rot rot
tε
p−rot K, (1.89)
où boldsymbolη = rot rot
tε
pet K =
12tr(α)I−α
t. En présence de
désincli-naisons, on a maintenant θ=−rotκ
p, ce qui conduit à :
η =rot K−θ. (1.90)
Le tenseur η est donc une mesure de l’incompatibilité du réseau due à la fois
aux dislocations et aux désinclinaisons. On ré-exprime maintenant la condition de
continuité sur les dislocations. En prenant la divergence de l’équation 1.88 et en
définissant le vecteur Θ~ = −
12
θ : X, la condition de continuité sur les dislocations
divα=0 est modifiée et devient :
Figure1.7 – Estimations des densités de dislocations et de désinclinaisons à partir
des cartes d’orientations mesurées par EBSD dans du cuivre pur déformé par ECAP
[Beausir,2013]. (a) : Mesure scalaire de la densité de désinclinaisonsqθ
213
+θ
2 23+θ
233
.
(b) : Densité de désinclinaisons coinθ
33le long d’un joint d’un grain. (c) : Variation
de la désorientation le long du joint de grain. (d) : Mesure scalaire de la densité
de dislocations qα
213
+α
223
, le vecteur de Burgers local associé à ces densités de
dislocations est représenté par les flèches sur (b). (e) : Densité de désinclinaisons
coin θ
33le long de joints de grains de faibles désorientations.
Cette nouvelle équation de continuité suggère l’existence d’interactions entre les
lignes de dislocations et les lignes de désinclinaisons vis [deWit,1970]. Plus
précisé-ment, les lignes de dislocations peuvent se terminer dans le cristal mais sur des lignes
de désinclinaisons. Les lignes de désinclinaisons ne peuvent pas elles se terminer dans
le cristal d’après1.79. Maintenant, nous allons réécrire le vecteur de Burgers et
mon-trer qu’il inclut une dépendance aux courbures et à la densité de désinclinaisons. En
connaissant le vecteur déplacement en un point r
0, on peut intégrer le long d’une
trajectoire la distorsion élastique pour connaître le vecteur déplacement en un point
r :
u
e(r) =u
e(r
0) +
Z
r r0du
e(r) =u
e(r
0) +
Z
r r0U
e(r)·dr. (1.92)
u
e(r
0) est connu. La décomposition de la distorsion élastiqueU
een une déformation
élastiqueε
eet en une rotation élastiqueω
e(équation1.12) nous permet de réécrire
successivement l’équation 1.92 sous les formes :
u
e(r) = u
e(r
0) +
Z
r r0(ε
e(r) +ω
e(r)) ·dr (1.93)
u
e(r) = u
e(r
0) +
Z
r r0(ε
e(r)·dr+ω~
e(r)×dr) (1.94)
u
e(r) =u
e(r
0) +
Z
r r0(ε
e(r)·dr+d(ω~
e(r)×r)−dω~
e(r)×r) (1.95)
u
e(r) =u
e(r
0) +ω~
e(r)×(r−r
0) +
Z
r r0(ε
e(r)−(κ
te(r)×r)
t)·dr (1.96)
Lorsque l’intégrale ci-dessus est définie le long d’un circuit ferméC (r=r
0) qui
englobe des lignes de dislocations et de désinclinaisons, on obtient une discontinuité
de déplacement élastique :
[u
e] =b =
I
C
(ε
e(r)−(κ
te(r)×r)
t)·dr (1.97)
Soit de nouveau la surfaceS de vecteur normal n délimitée par la courbe fermée
C. Le théorème de Stokes appliqué à l’équation 1.97 permet finalement d’écrire :
b=
Z
S
(α−(θ
t×r)
t)·n dS (1.98)
On voit donc que les désinclinaisons ont une contribution non locale au
vec-teur de Burgers. Notamment, on peut montrer qu’un dipôle de désinclinaisons coins
donne un vecteur de Burgers équivalent à celui d’une dislocation coin. Nous
mon-trerons au chapitre 3 que cette non localité permet de formuler des lois d’élasticité
non locales pour décrire le comportement élastique des cœurs de dislocations et de
désinclinaisons. Pour terminer, nous réécrivons maintenant l’équation de transport
des densités de dislocations. La dérivée par rapport au temps de la relation 1.87
donne :
˙
qui s’écrit encore en fonction des mobilités des dislocations et des désinclinaisons :
˙
α=−rot(1
2 (α×V
α+ (α×V
α)
t)) + (θ×V
θ)
t−tr(θ×V
θ)I. (1.100)
L’équation ci-dessus est de la forme :
˙
α=−rotε˙
p+S
θ. (1.101)
L’équation1.101 est l’équation de transport des densités de dislocations dans la
théorie des champs de dislocations et de désinclinaisons [Fressengeas,2011a].
L’équa-tion1.101 montre l’apparition d’un terme source de nucléation ou d’annihilation de
densités de dislocationsS
θdû à la mobilité des désinclinaisons. Ainsi, le mouvement
des désinclinaisons engendre une nucléation ou une annihilation de dislocations.
Nous allons montrer plus loin dans ce chapitre l’importance de ce terme pour la
modélisation des mécanismes de migration des joints de grains [Taupin,2014]. On
pense aussi que ce terme permet de modéliser la nucléation de dislocation depuis
les joints de grains ainsi que l’absorption. Ce terme peut également participer à
la relaxation des champs de contraintes internes au voisinage des désinclinaisons
[Romanov,1992, Kleman,2008].
Dans le document
Modélisation de l’interaction des coeurs de dislocations et des joints de grains
(Page 60-64)