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Le modèle développemental issu de la Théorie de l’Attention Dynamique (Drake, Jones & Baruch, 2000)

4 Modèles du temps psychologique

4.3 Le modèle développemental issu de la Théorie de l’Attention Dynamique (Drake, Jones & Baruch, 2000)

Ce modèle est avant tout un modèle psychologique. Il est basé sur une théorie développée en premier lieu pour expliquer le traitement de séquences rythmiques complexes. La Théorie de l’Attention Dynamique de Jones (Jones, 1976 ; Jones & Boltz, 1989) modélise dynamiquement la construction de la représentation mentale d’une séquence auditive complexe (telle qu’un rythme, une musique, mais aussi toutes les séquences de l’environnement). Dans ce modèle, toutes les séquences sont considérées comme pouvant être décomposées en différents niveaux hiérarchiques de régularité temporelle. Ce modèle présente 2 particularités intéressantes. La 1ère correspond à l’élaboration dynamique de la représentation mentale, c’est-à-dire que les événements sont intégrés en temps réel. D’autre part, ce modèle explique comment se construisent les attentes attentionnelles du sujet (nous possédons de très bonnes représentations mentales des musiques que nous aimons). Cette gestion des attentes attentionnelles est aussi en accord avec une optimisation des ressources car il limite les surcharges mnésiques. Enfin, ces attentes attentionnelles sont hiérarchisées par rapport à un niveau privilégié de traitement.

Ce modèle postule que l’attention va se focaliser prioritairement et spontanément sur les événements de la séquence qui se produisent à une certaine périodicité. Cette période, nommée période de référence, est spécifique à chaque individu et indépendante de l’environnement. Elle correspondrait à un tempo subjectif intra-individuel qui peut être approximé par la mesure du TMS.

La période de référence est générée par un oscillateur particulier et unique. Lors de la perception d’une séquence, cet oscillateur va se caler sur la périodicité de la séquence la plus proche de sa propre période (ce processus est appelé ajustement). Un exemple illustratif est celui d’un auditeur ou d’un musicien qui battra la mesure avec son pied : le tempo qu’il aura spontanément choisi parmi tout ceux disponibles dans la séquence musicale sera celui qui lui est le plus confortable. Le sujet a focalisé son attention sur un certain tempo, qui détermine le niveau de référence. Le choix du niveau de référence est donc lié à la période de référence mais est aussi influencé par les caractéristiques propres du stimulus (comme par exemple les accentuations particulières de certains événements).

Selon ce modèle, le sujet peut, à partir du niveau de référence, déplacer son attention vers des niveaux hiérarchiques supérieurs ou inférieurs. Le sujet peut ainsi prédire l’arrivée de certains

événements ou encore analyser des événements qui se produisent avec une périodicité plus rapide que celle à laquelle il bat la mesure. Il accède donc à une représentation plus complète de la séquence. L’accession (par la focalisation de l’attention) à des niveaux hiérarchiques supérieurs ou inférieurs est permise par d’autres oscillateurs (dont les périodes sont des multiples ou sous-multiples de la période de référence). Ainsi, les attentes ou les analyses qui peuvent être faite d’une structure musicale sont la résultante du fonctionnement d’un ensemble d’oscillations internes (appelées rythmes d’attentes : « attending rhythms ») concordants des rythmes externes. Ces oscillateurs ont une période adaptable, dans une certaine mesure, par de petites variations (Large & Jones, 1999). Cette adaptabilité des périodes d’oscillation permet de rendre compte de la flexibilité du système en particulier lors de légères irrégularités temporelles.

Ce modèle, s’il reste très théorique et encore limité au traitement musical, présente l’intérêt d’être aussi applicable aux traitements des tempi. La période de référence est très bien adaptée pour expliquer les performances obtenues avec l’enregistrement du TMS, les tâches de synchronisation et de continuation dans la mesure où plus les événements se produisent avec une régularité proche de celle de la période de référence mieux ils seraient traités. Par ailleurs, l’évolution des performances a été analysée selon une perspective développementale.

L’extension du modèle du point de vue développemental

Les hypothèses à la base de ce modèle permettent aussi de prédire le développement des compétences temporelles. Ainsi, la période de référence ralentirait avec l’âge. Cette prédiction suggère que non seulement le TMS ralenti avec l’âge. Mais il suggère aussi que les performances de synchronisation chez les enfants sont optimales (moindre variabilités entre les frappes) pour des tempi plus rapides que le tempo de traitement optimal chez l’adulte. Parallèlement, les capacités de traitement concernent une gamme de tempi de plus en plus large dans la mesure où le développement correspond au passage de l’utilisation d’un oscillateur principal (correspondant à la période de référence) à celle de plusieurs oscillateurs. Cette hypothèse permet d’expliquer pourquoi, lors des tâches de discriminations de tempo notamment, la zone de traitement optimale s’élargit entre l’enfance et l’âge adulte. De même, cette hypothèse explique pourquoi, dans les tâches de synchronisation et de discrimination, l’ajustement temporel et donc la précision sont mieux maîtrisés avec l’âge.

Ce modèle, bien qu’il n’intègre pas de données issues des études neurologiques, constitue un point de départ théorique particulièrement bien adapté pour comprendre et poursuivre la

modélisation de la mise en place progressive des processus de traitement temporel. De la compréhension de cette mise en place du système de traitement temporel émergeront des propositions complémentaires pour développer un modèle global mais aussi pour postuler un parallèle entre l’évolution développementale précise des structures cérébrales et les performances de traitement. Ce point de vue particulier nécessite au préalable de souligner les quelques questions soulevées par les résultats expérimentaux recueillis jusqu’à présent et ce, à la lumière des connaissances actuelles sur le fonctionnement du système de traitement et surtout des hypothèses de ce modèle développemental.