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Interaction avec d’autres processus cognitifs

Une tâche temporelle est rarement limitée au seul traitement de la durée. D’autres processus peuvent intervenir et de par leur déroulement s’influencer mutuellement. Sans mentionner l’effet de l’entraînement à une tâche qui résulte en un fonctionnement plus précis du mécanisme de traitement temporel (Hick & Allen, 1979 ; Hick & Miller, 1976 ; Macar & Besson, 1985) ni les stratégies cognitives (par exemple : Guay & Wilberg, 1983) qui concernent plus spécifiquement les durées supérieures à la capacité de la fenêtre temporelle, 2 autres facteurs méritent d’être évoqués.

Influence de l’attention

L’activité psychologique lors d’une tâche cognitive requiert une certaine quantité de ressources (mémoire, raisonnement, etc.). L’attention dédiée à une tâche correspond à la distribution sélective et volontaire des ressources par rapport aux tâches concurrentes (l’attention est elle-même soumise à l’état de vigilance et d’autres facteurs psychologiques). L’importance de l’attention dans les tâches de traitement temporel a été abondamment étudiée pour des durées supérieures à la limite de la fenêtre temporelle. Cependant, il apparaît qu’un défaut d’attention affecte aussi la perception des intervalles de très courtes durées (100 à 500 ms) (Nichelli, Clark, Hollnagel & Grafman, 1995 ; Casini, Macar & Grondin, 1992 ; Grondin & Macar, 1992 ; Zakay & Block, 1996 ; Zakay, 1992 ; Arlin, 1986).

Globalement, si l’attention est détournée pendant l’acquisition de l’information temporelle, alors la tâche non temporelle en mobilisant des ressources fait que l’intervalle est systématiquement sous-estimé. A l’inverse, lorsqu’il s’agit de reproduire une durée en ayant son attention diminuée par le traitement d’une autre tâche, alors la durée produite est plus longue que ce qu’elle devrait (Fortin & Rousseau, 1998). Les performances sont bien entendues meilleures lorsque toute l’attention est dédiée à la tâche temporelle. Cependant, son importance dépend de la durée.

Les durées courtes ont la particularité de composer une unité perceptive. La collecte d’informations est donc globale. Les informations temporelles sont incorporées dans la mémoire de travail pour être traitées. Dans ce cas, toute tâche concurrente, mobilisant des ressources et divisant donc l’attention, perturbe l’acquisition de ces informations, à l’origine par exemple d’erreurs de reproduction (Fortin & Rousseau, 1998).

Ainsi, il existe une interaction entre les processus de traitement temporel et les processus attentionnels. Pour le sujet qui nous intéresse ici, ce facteur n’est que secondaire dans la mesure où pour approcher le fonctionnement central, les protocoles d’études limitent au maximum les traitements concurrents. Le problème est par contre posé lors d’études développementales. En effet, les capacités attentionnelles varient en fonction de l’âge et les différences de performances peuvent être imputées à ce facteur (Block, Zakay & Hancock, 1998, 1999). Les enfants, en particulier pour les tâches temporelles, possèdent des ressources attentionnelles limitées par rapport à l’adulte (Zakay & Block, 1997 cité dans Szelag & al., 2002 ; Zakay, 1992). La conséquence est que, dans les études développementales, ce facteur ne peut être complètement négligé et nécessite de mettre au point des protocoles rigoureux qui correspondent aux capacités attentionnelles des enfants.

Par ailleurs, ces capacités varient au cours de la journée et en particuliers chez l’enfant. Le niveau d’attention est soumis à des variations ultradiennes (Batejat, Lagarde, Navelet & Binder, 1999) ainsi qu’à des variations au cours de la semaine. Lors d’étude chez les enfants, ce facteur doit être aussi pris en compte.

Concernant les différences interindividuelles, qui peuvent être importantes, les expériences doivent s’attacher à prendre des populations de sujets homogénéisés. Ainsi, une population d’enfants scolarisés est assujettie à une régularité dans les demandes attentionnelles de par les activités organisées tous les jours. Pour un même âge et un même niveau, l’importance de l’attention accordée à la tâche expérimentale d’un individu à l’autre peut être approximativement considérée comme équivalente et représentative d’un âge.

En l’état actuel des connaissances, l’importance de l’attention n’a pas été clairement démontrée pour les durées qui nous intéressent. Les données qui doivent être traitées sont maintenues dans la mémoire de travail, nécessitant moins de ressources. Il n’en reste pas moins que les capacités attentionnelles sont plus limitées chez l’enfant et il convient donc d’être prudent en focalisant l’attention de l’enfant par un protocole adapté.

Influence des rythmes circadiens

Tout comme l’attention, de nombreuses fonctions physiologiques et cognitives sont soumises à des variations circadiennes basées sur des oscillations endogènes (Aschoff & Wever, 1981 cité dans Wittmann, 1999 ; Aschoff, 1984 cité dans Ivry & Hazeltine, 1992). Le jugement des durées n’y fait pas défaut (Siffre, 1964 cité dans Fraisse, 1982). Ainsi, des sujets isolés pendant plusieurs semaines de tout indice temporel (libre court), estiment des durées de l’ordre de 1h à 24h mais pas précisément. Cette relative inexactitude de l’estimation pour ces ordres de grandeur a été attribuée au cycle veille/sommeil (Campbell, 1990). L’estimation d’un intervalle d’une heure est corrélée avec la durée de veille et la longueur du cycle circadien (Aschoff, 1985). A l’opposé, les intervalles plus courts sont estimés indépendamment de la période circadienne. Ces observations confirment qu’il existe 2 échelles de temps différentes l’une dépendante de repères circadiens, l’autre, concernant les durées courtes, impliquant des mécanismes plus spécifiques.

Cependant, il ne peut pas être conclu que le traitement des durées courtes est indépendant du fonctionnement de l’horloge circadienne. En effet, il existe des indices en faveurs d’interdépendances indirectes entre ces 2 horloges. Tout d’abord, l’intensité lumineuse influence l’estimation temporelle pour des durées de l’ordre de quelques secondes à quelques minutes et n’influence pas celles de l’ordre de l’heure (Aschoff & Daan, 1997). Or, la principale source d’informations pour la synchronisation de la périodicité circadienne avec l’alternance jour/nuit est l’information lumineuse. Par ailleurs, une des sorties de l’horloge circadienne est la température corporelle. Or, un écart de température par rapport à la normale entraîne des estimations erronées des durées (Lockhart1967 ; Wearden, Penton-Voak, 1995). Etant donné que la température joue un rôle prépondérant sur les vitesses de réaction (métabolique), il est imaginable que la température, soumise à son rythme circadien, induise une modification du niveau d’activation du système de traitement temporel. Il est possible qu’il existe une interrelation entre le système circadien et le système de traitement des durées.

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En résumé, les données issues des études de psychologies expérimentales ont permis de caractériser les performances de traitement temporel. Ainsi, il est possible, dès le plus jeune âge, de générer une durée particulière de façon répétée et spontanée. Cette valeur est mesurée au travers du tempo moteur spontané (TMS). Le TMS a pour caractéristique d’être propre à chaque individu, tout en étant compris dans une fourchette allant de 300 à 800 ms. Le TMS ralentit avec l’âge, tout au moins à partir de la petite enfance. De plus, dans ce type de tâche, les frappes (pour un même individu) deviennent plus régulières avec l’âge. Le TMS est une valeur endogène privilégiée qui apparaît être une sortie motrice du système d’horloge. Ce système semble donc se mettre en place progressivement.

L’analyse des tâches perceptives renforce l’idée que le TMS puisse être un indice central du traitement des durées. En effet, la perception des durées apparaît optimale pour les durées proches de celle du TMS. De plus, la manipulation du traitement perceptif a montré qu’il existait une base de temps au sein du système d’horloge dont les pulsations étaient de 5 par secondes.

Les tâches de production, qui permettent d’accéder simplement à la représentation mentale d’une durée, ont révélé que la perception des durées était subjective et se référaient à un centre perceptif. Une conséquence est le phénomène d’anticipation observé dans les tâches de synchronisation. D’autre part, ces expériences ont mis en évidence que la production d’une durée en synchronie faisait intervenir des processus d’ajustement locaux à partir des informations issues du rétrocontrôle sensoriel.

Ensuite, les données issues de l’étude de la variabilité des frappes pour différentes tâches temporelles, il a pu être mis en évidence que la sensibilité du traitement dépendait de la durée à traiter.

Enfin, les études développementales révèlent que le système d’horloge se met en place progressivement en place et que les étapes essentielles se déroulent au cours des 4 premières années. Cependant, elles ne peuvent être déterminées clairement dans la mesure où les données et les interprétations sont le plus souvent contradictoires.

L’ensemble de ces données a ainsi permis de formaliser le fonctionnement de l’horloge, en particulier chez l’adulte, mais cependant, il manque un point fondamental : quelles sont les bases biologiques du traitement des durées ?